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Paradoxes, limitations,erreurs - Page 9

  • L'école d'Athènes et les mathématiques

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    Cliquer sur l'image pour l'agrandir.

     

    L'Ecole d'Athènes est une fresque réalisée par le peintre Raphaël entre 1509 et 1510. L'oeuvre fait près de 8 mètres de large sur 2,5 mètres de hauteur.

    Cette fresque symbolique présente les figures majeures de la pensée antique. Les personnages sont représentés en des places et des postures particulières, ornés de certains attributs, ce  qui permet d'en identifier certains. Ils sont disposés sur deux lignes horizontales principales, et sont séparés par une verticale nettement discernable, ce qui confère à ce tableau ordre et symétrie parfaite.  L'Ecole d'Athène représente un haut lieu de culture philosophique, dont l'humanisme transpire d'ailleurs du tableau, qui s'oppose à la culture théologique. Le cadre architectural est classique. On ne peut s'empécher d'y voir le souvenir des termes romains. Cet environnement fait contrepoid aux univers mythologiques souvent présents dans les tableaux de Raphaël. Le regard du spectateur se dirige en premier lieu vers le centre du tableau où se tiennent debout les deux personnages principaux: Platon (14) et Aristote (15) , majestueux et habillés de la toge romaine. Platon tient le Timée, et pointe le doigt vers le haut pour montrer que la connaissance procède d'un mouvement ascendant, qui va de la terre au ciel de l'idéal philosophique, alors qu'Aristote,  dirige la paume de la main vers le sol indiquant que tout idéal philosophique ne peut exister que dans le monde d'ici-bas.

    Tous les personnages sont référencés dans l'article de wikipédia. Il semble qu'il y ait quelques doutes sur l'identité de certains d'entres eux. Nous nous arréterons dans cette note à la seule composante "mathématique" des figurants de cette fresque

    Une lecture dynamique de cette fresque est possible ICI . On y voit en particulier les éléments de perspective, d'éclairage et la présence du nombre d'or ( rectangles et carrés ) au centre de la scène. Une étude des éléments de perspective du tableau est disponible ICI.

     

    La première question qui vient à l'esprit est Y a-t-il des maths dans le Timée que tient Platon à la main? ( que j'espère tout le monde a lu !).

    La réponse vient sans se faire attendre puisque s'il n'y a pas de mathématiques pures dans le Timée ( le problème du doublement de la surface d'un carré se trouve par exemple dans le Ménon ), il y a bien la présence des quatre solides réguliers de l'espace sur cinq,  dit d'ailleurs de Platon. Les mathématiciens de l'époque connaissaient leur existence. Ces joyaux géométriques sont formés à partir des trois polygones réguliers suivants: le triangle équilatéral, le carré et le pentagone régulier donnant naissance en les rapprochant dans l'espace autour d'un sommet aux cinq polyèdres suivants: le tétraèdre (chaque sommet voit trois triangles équilatéraux) , l'octaèdre (chaque sommet voit quatre triangles équilatéraux), l'icosaèdre (chaque sommet voit cinq triangles équilatéraux), le cube (chaque sommet voit trois carrés), et le dodécaèdre (c'est celui qui manque et chaque sommet voit trois pentagones réguliers). En fait une fois l'existence de ces merveilleux objets établie, montrer qu'il n'en existe pas d'autres est très simple puisqu'il suffit de constater que si l'on place  six triangles équilatéraux dans un plan autour d'un sommet commun on occupe la totalité des 360° disponibles et on ne peut pas les replier dans l'espace. Il en est de même avec un sommet qui verrait quatre carrés de 90°, ce qui remplit aussi l'espace. Quatre pentagones ayant un sommet commun se recouvrent déjà dans le plan, impossible donc de les replier dans l'espace pour former un volume!

    Le recherche d'harmonie est sous-jacente à la construction de cet univers tridimensionnel parfait et si le triangle équilatéral et le carré sont à son origine, c'est parce que ces deux figures peuvent être formée à partir des éléments "atomiques" de la géométrie que sont les triangles rectangles. Un triangle équilatéral peut se concevoir en juxtaposant  deux triangles rectangles dont les deux cotés adjacents à l'angle droit mesurent la moitié l'un de l'autre, mais c'est une construction encore plus harmnieuse que choisira de présenter Platon dans le Timée qui utilise non pas deux mais six triangles rectangles. Il est aussi possible de former un carré à partir de deux triangles rectangles isocèles. Il devient ainsi plus aisé de comprendre pourquoi le dodécaèdre formé à partir de pentagones réguliers ( qui ne peuvent se construirent à partir de triangles rectangles ) a été découvert plus tardivement. On notera sans doute la forte influence pythagoricienne dans ces raisonnements.

     

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    Tout ceci est remarquablement illustré, expliqué et apparait sous forme animée sur le site IcosaWeb dans une page intitulée "Les corps platoniciens "

    Mais l'objectif de Platon était en fait de mettre ces quatre volumes parfaits en relation avec le monde d'en bas ( Platon associera l'éther au dodécaèdre plus tardivement), et si vous avez parcouru la page précédente, vous n'avez pas pu manquer le fait que ces quatres corps de base ont été associés à deux éléments dont l'existence est garantie par le toucher et la vue: la terre et le feu et deux éléments "nécessaires" pour garantir deux moyens proportionnels: eau et l'air. L'idée est encore atomiste, les quatre éléments sont les briques insécables à partir desquelles peut se construire (penser) le Monde de façon harmonieuse. André Ross explique cela très bien dans l'article suivant intitulé "Mathématiques et civilisation" ainsi que dans Platon et les mathématiques".

    carré.jpgSi l'on considère que la figure de référence du plan est le carré dont chaque coté peut être partagé dans un rapport a et b.  Trois "nombres-surface" suffisent pour recomposer le carré : aa, ab et bb.

    cube.jpgAlors que si l'on découpe un cube dans les mêmes proportions, il faut quatre "nombres-volume" et donc quatre éléments ( or l'univers est bien tridimentionnel!) : aaa, abb, aab, bbb et le fait qu'ils soient en proportion géométrique garantira l'harmonie de la construction!

     

    On a donc bien présent dans le Timée la première équation mathématique modélisant le monde. Les mathématiques aparaissent comme le langage intermédiaire permettant de faire le lien entre le monde d'en bas imparfait et périssable et le Ciel des Idées parfait et intemporel :

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    Dans ce livre, en pointant son doigt vers le ciel, c'est ce message que Platon envoie au monde terrestre et qui, je le pense, reste encore bien présent de nos jours.

     

    La seconde question qui peut-être intéressante est de savoir quels sont, dans ce tableau, les personnages ayant un rapport privilégié avec les mathématiques?

    On trouve peut-être en 1, Zénon d'Elée qui est à l'origine  des premiers paradoxes de type "mathématique". On se rappellera d'Achille qui ne peut pas rejoindre la tortue et de la flèche qui n'atteint jamais son but. - (Diaporama)

    En 6, il s'agit de Pythagore (VIème siècle avant J.C.) dont le nom est très connu mais dont le personnage possède encore beaucoup de mystères, historiques d'une part et sur qui qu'il était vraiment.

    En 9, Hypatie première femme mathématicienne connue au destin tragique, apparaît peut-être sous les traits de Francesco Maria Ier della Rovere.

    En 18 Euclide ou Archimède pourraient être représentés sous les traits de Bramante, maître et protecteur de Raphaël.

    Les principaux représentants antiques des mathématiques ( sauf Thalès ) semblent donc présents, certes sous d'autres traits, mais c'est aussi le cas pour Platon qui a prit les traits de Léonard de Vinci pour l'occasion.

    En ce qui concerne Pythagore, on pourra consulter les liens suivants afin de mieux connaître cet homme prédicateur, qui fonda une communauté religieuse et politique composée exclusivement d'hommes vétus de blancs fuyant les femmes en couche, qui évitent de rentrer dans la maison d'un mort, refusent de croquer une fève ou de manger un oeuf, qui doivent respecter la règle du silence et une discipline stricte tout en exaltant le courage et l'honneur du combat. En fait la communauté est partagée entre deux attitudes correspondant à celles des deux leaders. Il y a d'un coté les adeptes de Pythagore, le mage ascète, replié sur lui, retiré de la cité, inquiet de toutes les formes d'impuretés qui pourrait faire obstacle au salut de l'âme et de l'autre, les pythagoriciens "politiques" qui suivent Milon de Crotone son gendre, mangent de la viande, acceptent le monde de la cité avec l'intention d'agir sur lui pour le transformer .

    Pythagore fut le premier à envisager le nombre sous une perspective religieuse et mystique, libérant au passage les mathématiques de leur seule visée utilitaire à laquelle ils étaient cantonnés jusque là et c'est cette forme de pensée qui a résisté au temps. (Universalis ).

    Pour compléter sur Pythagore:

    Les diaporamas d'André Ross

    Pythagore, la géométrie des nombres

    Pythagore, des triplets au théorème

    Pythagore, moyennes et proportions

    Pythagore par l'Encyclopédie de l'Agora

    Pour un rappel de la contribution de Pythagore dans l'histoire des mathématiques : La brève histoire des mathématiques

    A noter : J.-F. Mattei : Pythagore et les pythagoriciens (Que sais-je n° 2732)

    On pourra aussi lire le passage pittoresque suivant sur les purgations physiques et spirituelles d'André Dacier, philologue né en 1651 dans La vie de Pythagore, ses symboles; La vie de Hiéroclès et ses vers dorés:

     

    Texte non disponible

  • Vers une philosophie de la transmission

    Le pendule de Foucault

    La période actuelle que traversent l'enseignement et la transmission des savoirs pourrait correspondre à celle du début des mathématiques où  les hommes ayant trouvé mille et une règles attendent sans le savoir, un Euclide qui leur permettra de passer à la démonstration générale et d'accéder ainsi à l'universalité de son propos.

    La rationalisation et la massification des procédés d'enseignement n'est pas très ancienne ( vers le XVIème) et le modèle du collège semble avoir été le premier, et pour l'instant le seul, vecteur de transmission de savoirs de façon organisée. Or aujourd'hui Internet, nous apporte l'ombre d'une crise profonde aussi présente dans le monde éducatif que dans le monde économique pour nous montrer que le type d'enseignement que nous promulguons depuis quelques siècles n'est certainement qu'un exemple d'un édifice plus général de transmission des savoirs et des codes de comportement. Si l'éducation familiale s'est heurtée à l'impossible transmission des connaissances, il n'en est plus de même avec la présence d'un cyber-espace, où l'internaute autonome peut très bien se passer théoriquement des murs de la classe pour construire son savoir. La cellule familiale pourrait tout autant s'approprier ces savoirs et devenir une source possible à grande échelle de leur transmission tout aussi efficace qu'un système productiviste cadencé à vitesse unique. L'état conserverait le droit d'édition des programmes officiels associés aux différents concours et diplômes qu'il distribue. Alors que reste-t-il de l'édifice répondant à la demande utopique de transmission de savoirs et de codes?  Une ruine? Le modèle du collège, qui était initialement prévu pour transmettre les valeurs religieuses et celles de la noblesse, et s'est adapté coûte que coûte, à la massification depuis le début de sa création,  semble à bout de souffle tant ses objectifs initiaux paraissent lointains et beaucoup moins lisibles aujourd'hui. A l'heure, des technologies numériques qui peinent à  trouver leur place dans ce monde qui n'était pas prévu pour elles, toute tentative de modification du système  semble être impossible ou ne répondre qu'à la seule demande implicite de massification. Mais si les critiques peuvent être nombreuses, les solutions de remplacement ne se bousculent pas. Elles me semblent en fait associées à une nécessaire "Philosophie de la transmisssion" qui  elle aussi  peine à émerger du néant.

    Alors que justement,  je recherchais sur la toile des éléments de réflexion sur les paradoxes de la transmission et sur l'existence d'une philosophie sur ce sujet, je suis tombé sur les écrits de Jean Agnès publiés dans la revue Le Portique. Je vous engage à les lire car ils pointent sur ce qui reste d'habitude caché, tu, par les partisans de telle ou telle chapelle et permettent une mise en lumière des paradoxes liés à la difficile, presque impossible, transmission.

    L’intransmissibilité est-elle une question philosophique ?

    L’internaute et le pédagogue

    L’espace de la pédagogie au temps d'Internet

    Les autres textes de Jean Agnès

     

    Les canards

  • Un calcul qui commence bien mais qui finit mal

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    La puissance est une multiplication qui elle même est une addition. Si les deux premiers calculs ne souffrent d'aucune ambiguité, ce n'est pas le cas du troisième. 

    Si quelqu'un a une explication simple ! 

     

  • "Garde à vue" mathématique

     

    Identifiez-vous l'auteur du crime ?
    Interrogeons les complices.
    J'appelle mon avocat.
    En prison.

    Bibliothèque de prison / Prison library

    Que se passe-t-il si l'on fait rentrer dans une garde à vue, un peu d'informatique, de mathématiques et de logique ?

     

    Identifiez-vous l'auteur du crime ?

    Derrière une vitre fumée, le témoin oculaire regarde précisément les individus numérotés qui sont devant lui. Se souvient-il correctement de la scène, des détails ? Ce qui lui est dit va-t-il influencer son choix ? Ces questions relèvent de la psychologie scientifique. La modélisation des comportements associés peut paraître surprenante au néophyte, elle existe pourtant et s'appelle WITNESS. Les modèles mathématiques et de simulation réalisés pour la psychologie du témoignage vont permettre de mieux la théoriser et de  comprendre plus profondément les mécanismes qui rentrent en jeu.

    L'article du CNRS "L'ordinateur, les mathématiques et le témoin occulaire"

     

    Interrogeons les complices.

    La séparation d'éventuels complices et leur interrogatoire séparé, les placent souvent dans la situation que l'on appelle "le dilemme du prisonnier" bien connu dans le domaine des mathématiques qui s'appelle la théorie des jeux. Le dilemme du prisonnier est le point de départ de nombreuses variantes plus complexes de ce jeu .


    La version originelle est la suivante :

    Deux suspects sont arrêtés par la police. Mais les agents n'ont pas assez de preuves pour les inculper, donc ils les interrogent séparément en leur faisant la même offre. « Si tu dénonces ton complice et qu'il ne te dénonce pas, tu seras remis en liberté et l'autre écopera de 10 ans de prison. Si tu le dénonces et lui aussi, vous écoperez tous les deux de 5 ans de prison. Si personne ne se dénonce, vous aurez tous deux 6 mois de prison. »

    En fait le choix des deux hommes va s'effectuer dans une recherche de choix personnel favorable, ce qui n'est pas la solution optimale. Ils se dénoncent le plus souvent l'un l'autre, ayant trop peur d'écoper de 10 ans de prison alors que l'autre resterait en liberté.

    Le dilemme du prisonnier interpelle sur ce qui relève des conditions de coopération entre les individus. C'est un domaine tout a fait mathématisable en terme de probabilités de gain ou de pertes, il est donc modélisable assez "facilement".

    Sous quelles conditions, des acteurs ( de la théorie des jeux ) vont-ils choisir la coopération plutôt que la trahison?  Cette question est d'autant plus importante que les réseaux sociaux se développent de façon exponentielle avec Internet. Il est donc intéressant de connaître un indicateur de coopération maximale. Il semble qu'une taille critique du réseau social de cooépration apparaisse, elle serait de 50 personnes, la "Goldilockszone" et se formerait autour d'un maître d'influence. La configuration suivant serait donc optimale en terme de coopération: les individus se répartissent par grappes d'une cinquantaine de personnes se connaissant et qui s'est agrégée à partir d'un "influenceur". Chaque acteur qui joue bien, peut à son tour en influencer d'autres à coopérer. La seule façon qu'un coopérateur a de survivre est de former un groupe de coopérateurs autour de lui. Si le réseau social est trop petit ou trop grand, la trahison envahit rapidement les acteurs et casse les groupes.

    L'article en Anglais de SciencesNews

     

    En parcourant l'article Le dilemme du prisonnier de Culturemaths, on en apprend un peu plus sur les "règles" de la coopération :

     

    1. Certaines études ont montré que les femmes coopèrent davantage que les hommes.

    2. Chez des enfants âgés de 6 à 11 ans, on a observé un taux de coopération (c’est-à-dire un pourcentage de sujets optant pour la coopération) qui augmente avec l’âge, un résultat suggérant, en conformité avec certains principes de la psychologie de l’enfant, un apprentissage progressif des normes sociales de coopération.

    3. L es étudiants en économie sont moins coopératifs que les autres !

    4. Les étudiants anglo-saxons coopèrent moins que les autres.

    5. Les traits de personnalité influencent le comportement face au jeu.

    6. Les autistes ne se comportent pas différemment des sujets « normaux », mais ont une perception très différente du jeu.

    7. La communication entre les joueurs renforce la coopération.

    8. La coopération est plus forte lorsque les sujets se connaissent et partagent un esprit de groupe.

    9. L’introduction d’un mécanisme de sanction peut renforcer la coopération, même si elle a parfois des effets pervers en introduisant une suspicion entre les joueurs qui peut inhiber certains comportements coopératifs.

    10. La pression sociale (pression par les pairs) est un mécanisme incitatif à la coopération particulièrement puissant.

     

    J'appelle mon avocat.

    Il ne serait pas surprenant que la garde à vue se termine en procès. Or pourquoi ne pas essayer de trouver une plaidoirie gagnante à tous les coups: qu'elle soit celle de la défense ou de l'accusation? Comment trancher dans ce cas puisque sur des faits identiques, les arguments avancés peuvent l'être à charge ou à décharge. Un tel procès n'existe pas? Si bien sûr c'est celui de Protagoras contre son élève Euathlus qui aboutit au paradoxe de l'avocat.

     

    En prison.

    Et du procès à la prison, il n'y a qu'un pas...Des mathématiciens en prison, impossible n'est pas ? Non, pas du tout. Il existe quelques exemples célèbres


    Le célèbre Galois a écopé de 6 mois de prison pour port illégal d'uniforme et port d'armes prohibé : ICI

    Theodore John Kaczynski surnommé Una-Bomber a été mathématicien et terroriste.

    Libri, mathématicien et bibliophile italien, est tristement célèbre pour le vol de plus de 30 000 pièces aux bibliothèques françaises. Il fut condamné par contumas après s'être enfui à l'étranger.

    Si vous en connaissez d'autres, je suis preneur !

     

    Pour compléter :

    L'histoire de la psychologie scientifique, cours de Claude Bonnet Université Louis Pasteur en PDF : 1 2 3

  • Des p'tits problèmes de coloriage ?

    a003-099.gifLes mathématiciens aiment colorier. Peut-être n'ont-ils pas eu le temps de le faire à l'école, alors ils rattrapent le temps perdu.

    Dès 1852, l'un d'entre eux se demanda combien il fallait de couleurs pour colorier tous les pays de n'importe quelle carte sans que deux pays voisins n'aient la même couleur. Le problème est capital car dans le cas contraire on ne pourrait plus distinguer ces deux pays après coloriage. Il pensa que quatre devait être suffisant. Beaucoup de mathématiciens prirent aussi leurs crayons de couleurs et se mirent d'accord sur le nombre : 4 doit convenir mais ils ne s'accordèrent qu'à moitié sur la preuve car celle-ci faisait intervenir un bien étrange "personnage": un ordinateur. Bref après quelques guéguerres internes sur le style, l'incontournable boite aux quatre crayons nécessaire pour colorier toutes les cartes planes imaginables de l'univers s'appelle désormais "Théorème des quatre couleurs".

     

    Je t'ai apporte des crayons

     

    Malgré  la difficulté de la preuve et des conversations qui lui étaient associée, les mathématiciens s'ennuyaient un peu. C'est ainsi qu'en 1950, un certain Edward Nelson, agé de seulement 18 ans, lança un autre coloriage encore en vogue pour les occuper.

    D'un air sans doute amusé, il soumit à la communauté, le petit problème suivant :

    Combien faut-il de couleurs différentes pour colorier chaque point du plan, de façon que deux points distants d'une unité n'aient pas la même couleur?

    Si les mathématiciens étaient troublés, ce n'était pas parce qu'ils se demandaient avec quel type de crayon ils allaient réaliser cet étrange travail mais plutôt pourquoi est-ce qu'ils avaient seulement réussi à démontrer qu'il fallait au moins 4 couleurs et au plus 7 pour réaliser cette activité presque manuelle? Ils ne parvenaient pas à donner le nombre exact de couleurs minimal dont ils avaient besoin pour colorier les points du plan avec cette contrainte: 4,5,6 ou 7?

     

    My son's color pencils

     

    Alors d'où vient la difficulté? Certainement de la théorie des ensembles à laquelle on peut adjoindre différentes versions de l'axiome du choix ou au contraire  l'en priver.

    L'axiome du choix dit qu'il est possible de prélever des éléments d'ensembles différents et de construire un autre ensemble. Si l'idée parait simpliste lorsque les ensembles sont finis, elle ne l'est pas lorsqu'ils deviennent infinis.

    m4-18.jpgBertrand Russel, nous donne une vague idée de ce que peut-être l'axiome du choix au quotidien :

    Pour choisir une chaussette plutôt que l'autre pour chaque paire d'une collection infinie, on a besoin de l'axiome du choix. Mais pour les chaussures, ce n'est pas la peine.

    Explication :

    • Quand on dispose d'une paire de chaussettes quelconque, on n'a aucun moyen a priori de distinguer une chaussette de l'autre, ce sont des objets a priori identiques et même si chaque matin on arrive à choisir laquelle on va mettre en premier, on serait bien en peine de trouver un procédé général qui nous permette de renouveler l'exploit éternellement.
    • Pour les chaussures, il existe un moyen de choisir qui marche tout le temps (une fonction de choix naturelle) : choisir toujours la chaussure gauche (ou droite) puisqu'il y a toujours une chaussure gauche et une chaussure droite.

     

    Cet axiome du choix est vraiment un élement trouble-fête. Il avait déjà permis à un étrange mathématicien peu scrupuleux de s'enrichir.

    Il s'est aussi mis sur le chemin de deux mathématiciens Soifer et Shelah qui parvinrent à démontrer qu'en utilisant deux versions différentes de cet axiome, il fallait pour résoudre le même problème de coloriage, soit 2 couleurs, soit une infinité! C'est le grand écart.

    Tout cela pour vous dire que les mathématiciens ont vraiment des "gros problèmes de coloriage"!

     

    Inspiré de - Coloriages irréels - Complexités de Jean-Paul Delahaye aux éditions Pour la Science

     

    Pour compléter sur l'axiome du choix :

    Du choix dans la dissection -  sur le blog Choux romanesco et intégrale curviligne