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Gödel : le tsunami mathématique

Le théorème d'Incomplétude de Gödel c'est un  peu comme un ouragan qui se forme dans l'océan mathématique. Les mathématiciens sur leur île le voient se rapprocher au loin et puis ils discutent entre eux et aussi avec les habitants de l'île voisine qui ne sont pas matheux mais philosophes. Voilà en résumé un extrait de leur longue conversation leur conversation au sujet des résultats  de Gödel:

-C'est un ouragan, il se dirige vers nous.

-Non, c'est vers nous qu'il vient.

-En fait c'est une simple tempête tropicale.

-Non c'est bien un ouragan mais il ne nous atteindra pas, c'est sur votre île qu'il ira.

-Non jamais de la vie, vous voyez bien qu'il se dirige vers votre île et gonfle au fur et à mesure qu'il avance sans dévier.

-Pff, tout ce bruit pour une simple tempête tropicale.

Mais au fait qu'est qu'il a dit Gödel ?

Il a dit en gros que si les mathématiciens voulaient s'acharner à vouloir tout démontrer ils allaient s'épuiser à la tâche parce qu'en mathématiques il existe des propositions qui peuvent être vraies et indémontrables en même temps.
Çà a jeté un certain froid dans l'univers mathématique et puis les philosophes ont trouvé ça tellement génial qu'ils ont décidé de mettre les résultats de Gödel à toutes les sauces. Les matheux se marraient parce qu'ils savaient qu'ils ne pouvaient s'appliquer que dans le cadre très restreint des mathématiques.

En fait les travaux de Gödel ont déstabilisé violemment le monde mathématique des années 30 qui pensait pouvoir démontrer lui-même la suprématie de sa discipline. Puis avec le temps, les mathématiciens s'en sont accomodé en intégrant dans leur vision du paysage mathématique, quelques trous qui seraient les propositions indécidables, c'est à dire dont on ne pourrait jamais savoir si elles sont vraies ou fausses.

Mais en fait en 1994, deux mathématiciens ont commencé à montrer que l'incomplétude n'était ni une tempète tropicale, ni un ouragan mais que c'était en fait un tsunami. Les mathématiciens doivent donc réajuster une fois de plus leurs lunettes pour admirer la beauté du paysage, car ce qu'ils doivent maintenant voir devant eux n'est plus un grand nombre de propriétés démontrables avec quelques trous formés par quelques propositions indécidables isolées mais un gros trou formé par ces dernières autour duquel il y aurait quelques propositions éparses assorties de leur pénible démonstration à peine visibles à l'oeil nu.

Et là, à mon avis, ce sont les philosophes qui vont rigoler à leur tour... ah, oui tiens au fait, puisqu'on en parle, ils sont où les philosophes ?

Pour des compléments solides sur la question voir l'excellent article de Jean-Paul Delahaye dans le numéro de janvier 2009 de " Pour la Science" : Presque tout est indécidable!

Commentaires

  • Les travaux de Gödel ont surtout rassuré les mathématiciens : ils montrent que les mathématiques ne sont pas un petit monde fermé qu'on pourrait décrire en quelques équations et qu'il y aura donc toujours de nouvelles choses à inventer.
    Presque tout est indécidable comme presque tous les nombres sont transcendants. Et pourtant ils occupent assez peu de place dans l'ensemble des mathématiques. L'ensemble des entiers naturels qui est lui de mesure nulle, nous donne pourtant pas mal de travail avec l'arithmétique.

  • J'ai relu pour l'occasion l'article de Delahaye et il est vrai que je suis assez mal placé pour parler de sujets que je ne maîtrise pas, mais je m'y risque.

    Quelques éléments principaux ressortent de cet article :

    1) Produire des axiomes ( au hasard ) ne suffit pas pour boucher le trou de l'incomplétude. On s'y attendait un peu mais c'est démontré par Levin.
    2) Aucun procédé physique ne créé d'information avec suffisamment d'efficacité pour compléter un système incomplet. Mathématiques et physique sont donc à tout jamais séparées.
    3) L'ensemble des formules prouvables est rare dans l'ensemble des formules vraies.
    4) Le monde réel à partir duquel nous faisons des mathématiques est inaccessible pour la majorité de ces vérités.
    5) Les systèmes incomplets, seuls à notre disposition, ne nous permettent de voir qu'une partie infinitésimale du monde mathématique.
    6) La cause de l'indécidabilité serait la complexité.

    Tu dis "presque tout est indécidable comme presque tous les nombres sont transcendants", certes, mais l'énoncé que tu proposes est interne aux mathématiques alors que les travaux qui sont faits précédemment sont d'ordre méta-mathématique et s'intéressent à la façon même dont sont produits les résultats en interne. Si de façon interne, la preuve reste le moyen incontournable d'accéder à des vérités et de les valider de façon définitive, il n'en reste pas moins que tout énoncé suffisamment complexe et n'ayant pas été déduit "assez rapidement" possède toutes les chances d'être indémontrable à tout jamais. On peut donc penser que la preuve n'est plus constitutive du monde mathématiques mais devient la porte d'entrée à des vérités plus complexes qui resterons à tout jamais indécidables tant elles sont complexes. Il me semble que c'est une modification profonde de l'image que l'on se fait des mathématiques, même après les résultats de Gödel connus.La preuve devient introductive et non conclusive, et il faudra se contenter de peu après, elle devient d'une extrême rareté, a fur et à mesure que la complexité augmente.
    On peut s'émerveiller par exemple de la preuve de Perelman, mais on peut aussi peut-être s'étonner que la démonstration du fait que la conjecture existe et que quelqu'un ait fait ce pari qui devient de plus en plus risqué au fur et à mesure que les mathématiques s'étendent ( il faudra peut-être établir un principe de précaution de non-recherche de preuve!). Ainsi plus les mathématiques avancent et donc produisent des énoncés complexes, plus les preuves se raréfient! On peut se demander si des indicateurs de mesure de complexité des conjectures mathématiques existent et sont bien corrélés avec l'existence des preuves.
    S'il reste assez de travail pour les matheux jusqu'à la fin des temps, je vois en ces quelques remarques une modification profonde de ce que je pensais des mathématiques, mais tu as raison, les mathématiciens devaient le savoir depuis longtemps et y sont certainement habitués!

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