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poésie

  • Un unique poème - L’horloge de Baudelaire - Deux approches: traditionnelle et kernésique

     

     

    Le poème -  L’Horloge  ( Les Fleurs du mal, section  Spleen et Idéal )

     

    Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,

    Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi !

    Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi

    Se planteront bientôt comme dans une cible ;

     

    Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizon

    Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;

    Chaque instant te dévore un morceau du délice

    À chaque homme accordé pour toute sa saison.

     

    Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

    Chuchote : Souviens-toi ! — Rapide, avec sa voix

    D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,

    Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

     

    Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !

    (Mon gosier de métal parle toutes les langues.)

    Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues

    Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

     

    Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

    Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.

    Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !

    Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

     

    Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,

    Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,

    Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),

    Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »

     

    Approche « classique »

     

    Introduction

    Le poème L’Horloge, tiré de la section “Spleen et Idéal” des Fleurs du mal (1857), est un poème en alexandrins, composé de six quatrains en rimes croisées. Il s’agit d’une méditation sur le temps, présenté comme une entité terrifiante, inéluctable et destructrice. Baudelaire, fidèle à son esthétique du tragique, y développe une vision sombre de l’existence humaine, dominée par la fuite du temps et l’angoisse de la mort.

     

    I. Le temps : une figure menaçante et divine

    Dès le premier vers, Baudelaire personnifie l’horloge :

    « Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible… »

    L’objet technique devient une entité divine et redoutable, comparée à un dieu cruel. L’horloge, symbole du temps mesuré, rappelle la finitude de l’homme. L’expression « dont le doigt nous menace » évoque un jugement permanent, une forme de malédiction universelle.

    Ce dieu-temps ne laisse aucune échappatoire : il parle à tous, en toutes langues (« Mon gosier de métal parle toutes les langues »), et ne cesse de rappeler à l’homme sa condition mortelle : « Souviens-toi ».

     

    II. La fuite du temps et la perte inévitable

    Le poème dépeint un monde où le plaisir est éphémère et le temps vorace :

    « Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon… / Chaque instant te dévore… »

    Baudelaire insiste sur le caractère insaisissable de la jouissance et sur la morsure continue du présent, qui ronge lentement l’existence. Les verbes « fuir », « pomper », « dévorer » traduisent une violence du temps, présenté comme un vampire ou un prédateur insatiable.

    Les images sont fortes, parfois grotesques :

    « Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! »

    Le temps est ici personnifié comme un insecte répugnant, transformant la vie en une matière vidée de sa substance.

     

    III. Une injonction morale : ne pas gaspiller l’instant

    Malgré ce tableau sombre, le poème comporte une dimension éthique. Il exhorte le lecteur à ne pas se laisser distraire, à extraire du présent toute sa

    « Les minutes […] sont des gangues / Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or ! »

    Baudelaire, influencé par la morale chrétienne et stoïcienne, incite à une forme de lucidité, voire de sagesse. Le « prodigue » (celui qui gaspille) est appelé à se souvenir, à ne pas perdre son temps, car chaque moment perdu est irrécupérable.

    Le poème se fait discours moral, presque sermon, où l’horloge devient un memento mori moderne.

     

    IV. L’ultime avertissement : la mort

    Le dernier quatrain sonne comme un jugement final :

    « Tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »

    Ce vers brutal clôt le poème sur une note de condamnation sans appel. L’homme qui n’a pas su donner un sens à son temps devra affronter la mort sans recours : même le « repentir », dernière chance de rédemption, arrive trop tard.

    L’alternance entre majuscules (Vertu, Hasard, etc.) donne une dimension allégorique et théâtrale à ce tableau : tous les personnages de la destinée viennent prononcer une sentence.

    Conclusion

    À travers L’Horloge, Baudelaire livre une vision tragique de l’existence humaine, soumise à un temps destructeur et indifférent. Ce poème, riche en personnifications, en métaphores violentes et en constructions rythmiques oppressantes, est un rappel brutal de la précarité de la vie, mais aussi une injonction à la vigilance et à la conscience de soi.

    C’est une œuvre qui mêle esthétique du sublime et morale existentielle, dans la grande tradition des poètes classiques, mais avec une voix moderne, désenchantée, et intensément lucide.

     

     

    Approche kernésique de  L’Horloge

    Ce poème est kernésique, il expose une poussée nouée.

     

    1. Le germe entravé : émergence sous contrainte

    Le poème commence par l’interpellation :

    « Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible… »

    Il ne s’adresse pas à un humain, mais à un Dieu-Temps, dieu sans visage, Dieu qui ne pousse pas, qui ne féconde rien, mais mesure, morcelle, juge.

    Germe en souffrance : le sujet poétique contient un désir de vivre, mais ce désir est compressé dans une structure mécanique extérieure, qui compte au lieu de faire croître.

    Écho kernésique : ici, le germe n’est pas absent, il pousse malgré tout, mais dans un champ stérilisé. Le poème est déjà un appel du germe étouffé.

     

     

    2. La spirale descendante : temps centrifuge, conscience centripète

    « Chaque instant te dévore un morceau du délice… »

    La temporalité devient ici une spirale inversée :

    Chaque seconde n’engendre pas, elle consomme. Mais cette consommation, loin d’annihiler l’être, l’intensifie dans sa lucidité.

    Spirale kernésique inversée : une poussée de conscience née dans l’entonnoir du désastre.

     Niveau profond : cette spirale temporelle condense l’expérience ; elle renforce la densité d’existence par la mise en péril de toute jouissance naïve.

     

    3. Le battement : choc vital entre urgence et or

    « Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues / Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or ! »

    Ce vers est le cœur battant du poème :

    Il oppose le jeu du monde à une forme d’alchimie intérieure.

    Il ne dit pas : “profite”, mais : “extrait”.

    Kernésis alchimique : le temps est présenté comme un minerai brut. Ce que tu en fais — ton travail intérieur, ton art d’extraction, voilà la vraie poussée.

    Noyau kernésique fort : dans ce battement entre perte et creusement se niche l’essence d’une poussée consciente.

     

    4. L’ultime poussée : confrontation à la limite

    « Tantôt sonnera l’heure… tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »

    Ce n’est pas la mort qui est le problème, c’est le “trop tard”.

    Ce vers est le moment kernésique critique : celui où la poussée aurait pu avoir lieu, mais n’a pas eu lieu.

     Échec du germe : le sol n’a pas été retourné à temps.

     Mais : le poème, lui, reste. Et dans sa tension, il trace une spirale suspendue. Ce qui a échoué dans l’action, réussit dans la parole.

     

    Lecture des niveaux kernésiques :

    Niveau

    Lecture

    Germe

    Poussée de vie confrontée au découpage du temps. Émergence contrariée.

    Battement

    Rythme tragique qui scande, alerte, mais aussi cherche à extraire un sens.

    Poussée

    Refus de l’éparpillement, tentative d’or intérieur. L’acte poétique devient la seule poussée possible.

    Spirale

    Spirale descendante sur le plan narratif, mais spirale ascendante sur le plan symbolique : le poème devient germe du sens.

     

     Reformulation kernésique du poème :

    Le temps n’est pas le problème.

    Le problème, c’est de ne pas pousser en lui.

    Chaque seconde est une porte close ou un germe actif.

    L’Horloge ne tue que ceux qui oublient leur germe.

     

    En résumé :

    L’approche kernésique donne accès à un niveau plus profond : non plus celui d’une plainte contre le temps, mais celui d’un chant tragique de la poussée empêchée, et donc d’une forme extrême de germination inversée — parole condensée, battement d’alerte, or du cri. Et ce cri, dans la bouche de Baudelaire, fait germer l’irréparable. 

    Même un poème sur le temps qui tue peut germer s’il est écouté depuis le lieu vivant où le temps n’a pas encore gagné.

  • Rencontres

     Myriades envahissantes, salicornes aux élégies haletantes
     Vous épandez mes pensées, qu'aux gouffres se repentent
     Les marées miséricordieuses sous le ressac intolérant.
     Que la vase m'emporte le torrent

     À l'assaut de Venise la joueuse,
     Dans le chenal évanescent à l'avancée sableuse
     Aux tortueux méandres des canaux
     Se joint la fureur vive de la chaux

     Heureux sémaphores,
     Pieds en eau, têtes en l'air
     Qui se voulant trop grands, trop forts,
     N'ont d'autres desseins que luminaires

     Agitateur au petit bocal,
     Quel déluge, cette bataille navale !
     Je me noie à mesure que je bois
     Dans cet incessant bouillon brûlant de poix

     À l'assaut de mes pensées tapageuses,
     Je Don Quichotte aux moulins d'été.
     La nature est bien ravageuse. 
     Rides aux cendres de blés

     Adieu Bellifontaine qui traverse le mil
     Aux fils des siècles et des ciels
     Tu tisses ma lascive toile bien indocile,
     Je suis englué tout entier en ton miel. 

  • Tu seras un homme, mon fils - Rudyard Kipling

    Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
    Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
    Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
    Sans un geste et sans un soupir ;

    Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
    Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
    Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
    Pourtant lutter et te défendre ;

    Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
    Travesties par des gueux pour exciter des sots,
    Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
    Sans mentir toi-même d’un seul mot ;

    Si tu peux rester digne en étant populaire,
    Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
    Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
    Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

    Si tu sais méditer, observer et connaître
    Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
    Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
    Penser sans n’être qu’un penseur ;

    Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
    Si tu peux être brave et jamais imprudent,
    Si tu sais être bon, si tu sais être sage
    Sans être moral ni pédant ;

    Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
    Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
    Si tu peux conserver ton courage et ta tête
    Quand tous les autres les perdront,

    Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
    Seront à tout jamais tes esclaves soumis
    Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,

    Tu seras un Homme, mon fils !

  • O mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées,...

    Chant deuxième Lautréamont

    O mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées, depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon cœur, comme une onde rafraîchissante. J'aspirais instinctivement, dès le berceau, à boire à votre source, plus ancienne que le soleil, et je continue encore de fouler le parvis sacré de votre temple solennel, moi, le plus fidèle de vos initiés. Il y avait du vague dans mon esprit, un je ne sais quoi épais comme de la fumée ; mais, je sus franchir religieusement les degrés qui mènent à votre autel, et vous avez chassé ce voile obscur, comme le vent chasse le damier. Vous avez mis, à la place, une froideur excessive, une prudence consommée et une logique implacable. A l'aide de votre lait fortifiant, mon intelligence s'est rapidement développée, et a pris des proportions immenses, au milieu de cette clarté ravissante dont vous faites présent, avec prodigalité, à ceux qui vous aiment d'un sincère amour. Arithmétique ! algèbre ! géométrie ! trinité grandiose ! triangle lumineux ! Celui qui ne vous a pas connues est un insensé ! [...]

  • Un beau poème sur Henri Poincaré réalisé par deux élèves de Première S

    J'ai demandé à mes élèves de réaliser quelques productions numériques sur Henri Poincaré dont c'est le 100ème anniversaire du décès.

    Ces productions ne sont pas parfaites mais 2/3 de mes élèves ont répondu présents à l'appel sur ce blog.

    On le trouve aujourd'hui en Une du site "Images des Mathématiques".

    poésie,élèves,poincaré



    Je place ici le beau poème d'Hélène et de Loélie:

    C’est en 1854 qu’est né,

     A Nancy, Henri Poincaré.

     Philosophe et physicien,

     Ingénieur et mathématicien,

     Son BAC de Science il l’obtient

     Avec une mention assez bien.

     Grandement attiré par les lettres,

     Il n’en devint cependant pas illustre maître.

     A Polytechnique il est inscrit,

     A l’Ecole des Mines il est admis,

     A la Facultédes Sciences de Paris, il réussit.

     Loin d’être un mathématicien banal,

     Il n’en demeure pas moins défenseur du calcul infinitésimal.

     Fut-il un simple et lambda intellectuel,

     Il amena tout de même au système d’équation différentielle.

     Spécialiste en optique,

     Il émet aussi la théorie des systèmes dynamiques.

     Précurseur de la relativité restreinte,

     Sur la toile de son savoir, la théorie du chaos fut peinte.

     Du système des Trois Corps et de la topologie algébrique,

     Il en posa les briques,

     Et au risque de provoquer parmi ses collègues un schisme,

     Il montra la non-pertinence du logicisme ;

     Car pour le grand homme qu’il fut,

     La résolution, jamais par la déduction ne s’effectue,

     Mais plutôt, la continuité primant,

     Par l’induction, sans négliger la théorie pour autant.

     Poincaré émit une conjecture à son nom : un vrai mystère,

     Qui demeura dans les mathématiques l’un des sept problèmes du millénaire,

     Jusqu’à ce que Perelman trouvera la clé de l’énigme,

     Les mathématiques étant pour les Sciences le paradigme.

     De ses publications connues,

     Il remet en cause l’Ether, l’espace et le temps absolu,

     Leur universelle intouchabilité,

     Et de par leurs dimensions mathématiques et philosophiques contestées,

     Car Cicéron c’est Poincaré.

     Nombreuses furent ses récompenses,

     D’abord celle d’appartenir à l’Académie de France,

     Maître de conférences,

     Il était aussi membre de l’Académie des Sciences,

     Lauréat du concours général, il décrochera aussi,

     En 1900, la médaille d’or dela Royal Astronomical Society.

     Prix de Bolyai en 1905, médaille de Bruce en 1911, commandeur dela Légiond’Honneur,

     Ses importants travaux auront une grande ampleur,

     Tout comme ses ouvrages, d’ailleurs

     Qui bénéficieront d’une grande clameur,

     En 1902 c’est La Science et l’hypothèse qu’il publie,

     Où il met en évidence le lien entre les lettres et les mathématiques

     Avec le cubisme pour l’exemple géométrique

     Il démontre un ouvrage fort réfléchi.

     Egalement auteur en 1905 de La valeur de la Science,

     Ainsi que Science et méthode, en 1908, dont il témoigne une prestigieuse pertinence.

     L’existence de l’homme en 1912 prit fin,

     Mais ses nombreux apports ne seront jamais vains.