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Débats - Page 28

  • La douce arrivée des blogs de maths dans le Réel

    Je passe 2 à 3 heures par jour en moyenne autour de mon blog, si ce n'est plus.

    Entre la consultation de mes flux RSS, le choix d'une information que je vais publier,  le choix du titre d'un billet, sa rédaction, le test de tel ou tel logiciel, la lecture d'un document d'une quarantaine de pages et de tous ceux que j'ai lu sans donner suite,  la consultation intégrale d'un site, les différents widgets que j'ai testés, tous ceux que j'ai abandonnés et les problèmes de mon PC, mon blog est entré dans ma réalité quotidienne comme pour d'autres, la pratique intensive d'un sport ou de toute autre passion.

    Ce ne sont pas moins dans mes placards, d'une dizaine de classeurs complets, qui se sont accumulés depuis deux ans que j'ai créé ce blog. Je fais encore partie de ceux qui ne peuvent pas encore lire un long document sur ordinateur, donc j'imprime les articles ou les fichiers PDF, je souligne, j'entoure et je mets des points d'exclamation dans les marges. Cette pratique va peut-être devenir d'un autre temps avec l'arrivée rapide du livre électronique.

    De mon point de vue, mon blog n'est vraiment pas virtuel. Il est même très exigeant et demande tel un tamagotchi, que je m'en occupe quotidiennement. Et comme ce qui est vrai pour moi, l'est souvent pour les autres, j'imagine  que le temps passé bénévolement à cette activité est du même ordre de grandeur pour les autres blogueurs qui alimentent le leur tous les jours. Quelques uns, trop rares à mon goût,  ont choisi de jeter leur dévolu sur les mathématiques! Ce qui veut dire que le sujet principal de leur publication est resserré autour des mathématiques, faute de quoi le titre du blog sonnera vite creux et les quelques lecteurs fidélisés à la force de clics de souris se volatiliseront  instantanément pour peut être ne jamais revenir !

    Mais la réalité de ces nouveaux objets numériques que sont les blogs n'est pas évidente pour tous. Au détour d'un sourire, l'interlocuteur du blogueur montre combien il est surprenant de se lancer dans ces amusements adolescents. Quel intérêt? Relayer des flux RSS thématiques, mais quelle drôle d'idée pense peut-être ce professeur de mathématiques qui n'y voit guère d'utilité dans sa pratique professionnelle. Rien de mieux qu'un vieux bon bouquin pour s'informer. Le blog: encore une mode qui s'arrêtera et puis ce tout numérique, c'est une nouvelle fois l'histoire du rétroprojecteur et des transparents qui se répète, ça passera bien avec le temps. A bien y regarder on fait toujours la même chose avec des outils différents...

    Lorsque je suis allé à Paris, à l'occasion de l'anniversaire d'un journal mathématique et que j'ai dit que j'éditais un blog, on m'a regardé avec un petit sourire : " Donnez-moi votre carte, envoyez moi un article..." Et puis quoi ? Et puis rien. Justement ce rien qui montre que les blogs n'ont pas de réalité, n'ont pas encore d'existence, qu'ils appartiennent au virtuel, que ce qui y est dit ou traité est de moindre importance. C'est certainement encore plus vrai pour les blogs scientifiques qui occupent un espace qu'il faut défricher, agrandir, dégager et qui n'existait que peu ou pas, avant l'émergence d'Internet. Du néophyte scientifique au chercheur, les blogs doivent se prêter à la diversité de leurs auteurs et de leurs lecteurs. Ce qui était une histoire de scientifiques purs s'est transformée petit à petit en une histoire d'amateurs avertis. C'est maintenant l'histoire de tous et de chacun. L'actualité est sans cesse là pour nous le rappeler. Les sciences et tout particulièrement les mathématiques doivent être présentées, expliquées, pour tous les publics, pour tous les âges et à tous les niveaux. C'est justement ce à quoi se sont attelés les blogs de science, de regarder l'actualité scientifique, de la relayer, de la discuter devant ces trois principaux types de public. Le grand public est très exigeant puisque tout recours à des compétences et connaissances d'un niveau supérieur à celui du collège est impossible. Il y a l'amateur averti qui dispose d'un bagage suffisant pour lire un document scientifique, lire le formalisme usuel et le comprendre. Et puis il y a le professionnel qui lui même forme un corps très hétérogène, qui va par exemple en mathématiques du professeur des écoles à celui des universités. C'est sans compter que les supports eux mêmes, changent. Il est maintenant possible d'écrire un document PDF, d'y insérer des liens et de le publier en ligne. Il est possible de relayer des vidéos et des images libres de droit. Il est possible de réaliser des animations et de les diffuser. On peut aussi discuter des informations. Tout ceci n'était pas envisageable il n'y a pas si longtemps que ça. Les blogs reflètent cette évolution et la nécessaire "vulgarisation" des concepts et des idées scientifiques, ainsi que leur discussion et ceci à tous les niveaux. Il est tout aussi important que des blogs érudits et destinés à quelques spécialistes cohabitent avec des blogs plus généralistes. Les différents échelons de la vulgarisation doivent être occupés, je dirai même colonisés et envahis. Pour le sujet qui nous concerne, une poignée de blogueurs s'est attelée à la lourde tâche de la diffusion des mathématiques au plus grand nombre sous toutes leurs formes autrement que par la seule vision du prisme scolaire, nécessairement très réductrice.

    Ces blogs, presque invisibles il y quelques temps, sont de plus en plus mis en lumière. Les universités commencent à relayer leur adresse sur leur portail. De plus en plus de liens qui pointent vers eux voient le jour. On s'aperçoit petit à petit que ce qui est fait par les blogs de maths, en fait personne d'autre ne l'a fait, aucune institution n'a encore fait ce travail. Il n'y a pas de Monsieur Actualités Mathématiques. Il n'y a pas non plus de Monsieur Vulgarisation Mathématique en France.

    Alors ce n'est pas sans une certaine satisfaction que les auteurs de blog de maths voient leur lien apparaître sur des sites de plus en plus prestigieux et nombreux ( Le café pédagogique, l'IRMA de Strasbourg, l'UPMC, Sésaprof et Sésablog, l'université de Bourgogne , de nombreux univers Netvibes).

    Nous sommes sur la bonne voie, mais cela témoigne aussi d'une certaine carence en  communication organisée, dans ce domaine, pour la francophonie toute entière.

  • La réponse des mathématiciens face à la crise financière

    Nicolas Bouleau, Laurent Lafforgue, Jean-Pierre Bourguignon, Antoine Paille et Stéphane Jaffard répondent aux questions du Figaro : ICI

  • Interview de Stéphane Jaffard, président de la Société Mathématique de France sur la modélisation financière

    Y a-t-il un risque-t-il que la crise ( financière ) donne une mauvaise image de votre ( profession ?) voire accroisse le fossé entre les mathématiciens et le grand public?

    Il y a effectivement un risque que le public tire la conclusion : c'est la faute aux matheux. Cela dépendra en partie de la présentation que les media donneront. La balle est aussi dans le camp des mathématiciens: nous devons arriver à plus communiquer, à montrer au grand public les autres réalisations phares des mathématiques, le nombre de domaines scientifiques avec lesquels elles interagissent et dans lesquels elles ont apporté une contribution indispensable. C'est d'ailleurs l'une des préoccupations majeures de la Société Mathématique de France aujourd'hui.

    L'intégralité de l'article du Figaro sur la modélisation mathématique dans le domaine de la finance : ICI

    Je relève pour ma part que l'une des préoccupations majeures de la SMF est la vulgarisation auprès du grand public. Il y a un peu de travail pour dynamiser  l'accueil Grand public sur le site de la SMF :

     

    smf.jpg

     

  • Les maths votent Obama !

    Obama_Portrait_2006.jpgA quoi bon faire des élections si les modèles mathématiques prédisent tout. Etrange monde que celui dans lequel nous vivons qui créé à force de modélisation une seconde terre virtuelle ( et pourtant bien réélle ) mais modélisée mathématiquement. Des cracks financiers, sous-estimés à cause de l'inutilisation de modèles trop complexes, en passant par les divers scénarios de modification climatique, les opérations chirurgicales qui ne nécessiteront plus d'intervention humaine, jusqu'aux élections américaines, les modèles mathématiques sont partout. Ils permettent dans un cas de se déplacer avec une très grande précision dans la géométrie complexe du corps humain sans altérer les parois, de se projetter à la surface de la terre dans cent ans, de prévoir l'efficacité de nouveaux médicaments sur une maladie ou l'impact d'une campagne de vaccination sur le taux de cancer.


    Ici, un modèle mathématique remplace le vote de millions d'américains. Ce modèle qui a préditl e gagnant des élections américaines six fois de suite vote cette année pour Obama. Il résume presque le vote de l'Amérique toute entière à une simple formalité inutile et réduit l'espace politique à sa modélisation numérique.

    Le modèle du professeur Lichtman, élaboré en collaboration avec un mathématicien russe, Volodia Keilis-Borok, est construit autour de 13 variables, appelées « clés ». Ces dernières ont été déterminées à partir des résultats obtenus aux présidentielles de 1860 à 1980.

    Lichtman ironise même en affirmant :  « Les démocrates auraient pu tirer au hasard un nom d'un annuaire téléphonique et gagner la présidentielle cette année ». Extrait de l'article de Yahoo News.


    La modélisation s'infiltre dans tous les domaines, et cela ne peut que nous faire réfléchir de façon profonde sur la nature de notre société, car ici il ne s'agit plus seulement de sondages, mais de modèles autonomes permettant une prédiction alors que le sondage n'est quant à lui qu'une photographie à un instant donné. L'interprétation d'un sondage est d'autant plus aléatoire qu'elle est éloignée du moment du vote réel . Un modèle est beaucoup plus indépendant et s'il demande certainement quelques données d'ambiance, il ne se réduit pas à leur seule interprétation. Des variables principales, autres que les résultat d'un sondage avant les élections, ont été dégagées. Ce sont principalement de leur qualité, de leur indépandance et de la mécanique mathématique les reliant que dépendra la fiabilité d'un modèle.

    Mais un modèle , ça ne suffit pas, me direz-vous, pour pouvoir conclure. Qu'à celà ne tienne, puisque les principaux les modèles sont passés en revue dans cet article en Anglais, comme dans le cas du réchauffement climatique où plusieurs moèles et scénarios sont étudiés.

    La réponse est sans appel : 6 des 9 principaux modèles donnent Obama gagnant ! Et chose surprenante le modèle de Litchman -Volodia Keilis-Borok dont il est question dans l'article précédemment cité, n'apparait pas dans la liste. Il y aurait donc au moins 10 modèles ! Le modèle de Klarner prévoit même la composition de la chambre des députés et du Sénat.

    Serions-nous donc dans un nouveau monde où l'on attend avec impatience que les faits réels confirment ou infirment les prédictions des modèles? Une catastrophe viendrait alors avec un fait réel qui contredirait les prédictions et donc la stabilité des modèles utilisés. La référence dans ce cas ne serait plus la réalité ( y compris sociale et politique ) mais sa modélisation.

    Si cela vous inspire quelques commentaires.

  • Le procès du hasard

    Souvenez-vous, il y a quelques temps de cela, un ingénieur retraité annonçait la chose suivante: les billets de grattage distribués par la Française des Jeux ne sont pas répartis au hasard puisque :

    "Selon lui, dans chaque carnet de tickets, qui ont une valeur totale de 150 euros, il y a un tiers de petits lots (de 1 à 10 euros) afin de maintenir l’addiction des joueurs, les deux tiers restant étant perdants. Et quand sort un lot «significatif», supérieur à 20 euros, il n’y en a qu’un seul. Ce qui signifie que les joueurs qui acquerront un billet dans la fin du carnet n’ont plus aucune chance de gagner un gros lot. " ( Extrait de l'article de Libération.fr : le cauchemar de la Français des Jeux).

    Robert Riblet, qui a accusé la Française des Jeux de "tricherie", est poursuivi par cette dernière pour "diffamation".

    Mais alors y a-t-il ou non tricherie ?

    Justice

    Ce n'est pas à moi de répondre juridiquement à la question, ni d'établir si les procédures d'impression  et de répartition des billets dans chaque carnet, étaient suffisamment précises et si la communication laissant croire à la répartition "au hasard" était clairement définie par cette société pour qu'il n'y ait pas de "manipulation du hasard" possible par des tiers, ce qui serait rendu possible par le type de répartition annoncé par M. Riblet.

    Mais qu'en est-il d'une répartition mathématique des nombres au hasard ?

    Il suffit de faire une simulation numérique.

    Utilisons un générateur de nombres aléatoires, celui d'Excel par exemple, dont il semble qu'il produise  des listes de nombres au hasard de très bonne qualité. Je vais lui faire établir 20 séries verticales de 150 nombres de 1 à 150 pris au hasard, chacun pouvant être choisi aucune , une ou plusieurs fois.

    On pourra supposer qu'un carnet de ticket est composé de 150 tickets et que c'est le 1 qui gagne le gros lot. A-t-on mathématiquement , lorsque l'on distribue les nombres au hasard, une équi-répartition des tickets gagnants ( des 1 ) ? Où sont-ils ?

    Il suffit pour cela de recopier dans Excel la formule =ENT(ALEA.ENTRE.BORNES(1;150))

    En fait, toute personne connaissant un tant soi-peu "les règles du hasard" ( c'est peut-être paradoxal de parler de règles du hasard mais il en possède qui lui sont propres ), sait qu'une répartition homogène des tickets gagnants est impossible si ceux-ci sont répartis de façon aléatoire.

    L'exemple suivant, que l'on peut reproduire à l'infini le montre. Prenons le 1 pour chiffre gagnant. Les séries verticales sont  composées de 150 chiffres choisis au hasard entre 1 et 150. Il n'y a pas 20 "tickets gagnants" ( le 1 en fait ) répartis chacun dans chaque colonne. Il y en a  dans cette série seulement 14 dont on voit que chaque colonne en contient de 0, 1, 2 ou 3. Dans les prochaines séries, il y aurait peut-être plus de tickets gagnants, de telle façon qu'au bout d'un très grand nombre de tirages, il y ait  quasiement autant de tickets gagnants ( les 1 ) que de tirages de 150 chiffres. Mathématiquement , la fréquence ( statistique ) de sortie du 1 converge inexorablement vers la probabilité ( théorique ) associée à son tirage qui est de 1/150. En pratique, on ne trouve cependant pas un "1" tous les 150 chiffres sortis. Il y a des séries de 150 chiffres sans aucun "1", certaines avec un "1", d'autres avec 2 ou 3 "1".

    Dans l'exemple suivant de 20 séries de 150 nombres on a :

    12 séries sans ticket gagnant

    3 séries avec 1 ticket gagnant

    4 séries avec 2 tickets gagnants

    1 série avec 3 tickets gagnants.

    On peut légitimement se demander si ce type de hasard brut est "plus acceptable" et  que celui décrit par M. Riblet. Dans tous les cas, il possède un avantage considérable sur une autre répartition. Il est absolument imprévisible. Ainsi on constate, par exemple, qu'au milieu des tirages, 4 séries successives de 150 nombres chacunes ne contiennent aucun ticket gagnant et que la série "Royale" avec 3 tickets gagnants ne se situe pas après, mais avant, ces quatre séries cauchemardesques, qui pourraient, comble de malchance, être livrée à la même civette!

     


    Alors, attendons avec impatience, fin novembre, le verdict de ce procès du hasard, pour connaître la définition juridique du hasard puisqu'il semble que la Française des Jeux ne soit pas en accord avec sa seule définition mathématique.