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mathématiques - Page 22

  • Mathématiques et méditation

    Je cherchais depuis bien longtemps à faire un lien entre les mathématiques ( que je connais un peu ) et le zen ( que je ne connais que peu et principalement par ce que j'en ai lu ). Je viens trouver le passage d'un livre qui traite de ce sujet. Il s'agit de "Concentration et méditation" de Christmas Humphrey.
    La première partie du livre traite de la concentration, en avançant le fait qu'elle soit préalable à la possibilité de méditer.

    L'auteur définit une progression à 4 niveaux :


    1) La concentration

    2) La méditation inférieure

    3) La méditation supérieure

    4) La contemplation

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    C'est dans la 3ème partie, celle concernant la méditation supérieure que l'on trouve l'extrait suivant:

    Le passage entre les étapes deux et trois est difficile à préciser. Mais, celui qui s'est élevé à ce plan s'apercevra qu'un changement subtil et cependant énorme s'est opéré en lui. Il sera désormais dans ce monde tout en n'en faisant plus partie ; il servira ce monde et en même temps en sera affranchi. En méditant, il verra qu'il a transcendé les préoccupations terrestres, que même les dénominations et les définitions ont fini par perdre leur force. Dans un tel monde, la relativité cède à la nature intrinsèque quelles que soient les apparences extérieures et le méditant se dégage de l'empire de la forme. Le karma du passé pourra encore le faire s'élancer à la poursuite des plaisirs sensuels et stériles, mais son regard intérieur aura contemplé la Vision glorieuse et seule la main du temps le tient éloigné de son héritage.
    Dans cette subdivision seront abordés les jhanas, les états de conscience dont les Ecritures bouddhiques donnent une description on ne peut plus complète, ainsi que les koan les plus ardus tant utilisés dans le bouddhisme zen. C'est également dans cette partie de l'ouvrage qu'on établira la correspondance de la méditation avec les hautes sphères du mysticisme, où la dévotion profonde s'unit à l'intellect le plus pénétrant dans la volonté de comprendre les pures abstractions ainsi que les rapports entre elles. C'est également là qu'on discernera le fonds commun des mathématiques et de la musique, de la métaphysique et du vrai mysticisme, car c'est à ce stade qu'on dépassera les limitations de la forme à jamais et qu'on percevra l'Essence de l'Esprit dans toute sa pureté.

     

    On pourra  comparer ce point de vue avec les propos de Grothendieck dans "Récoltes et Semailles". 265 occurences du mot " méditation" y sont présentes. J'ai placé quelques extraits ci-après:

    p 62 : Ce que je dis ici sur le travail mathématique est vrai également pour le travail de "méditation" (dont il sera question un peu partout dans Récoltes et Semailles). Il n’y a guère de doute pour moi que c’est là une chose qui apparaît dans tout travail de découverte, y compris dans celui de l’artiste (écrivain ou poète, disons). Les deux "versants" que je décris ici peuvent être vus également comme étant, l’un celui de l’expression et de ses exigences "techniques", l’autre celui de la réception (de perceptions et d’impressions de toutes sortes), devenant inspiration par l’effet d’une attention intense. L’un et l’autre sont présents en tout moment du travail, et il y a ce mouvement constant de "va-et-vient" entre les "temps" où l’un prédomine, et ceux où prédomine l’autre.

    p 75 : En 1976 est apparue dans ma vie une nouvelle passion, aussi forte qu’avait été jadis ma passion mathématique, et d’ailleurs proche parente de celle-ci. C’est la passion pour ce que j’ai appelé "la méditation" (puisqu’il faut bien des noms aux choses). Ce nom, comme le ferait ici tout autre nom, ne peut manquer de susciter d’innombrables malentendus. Comme en mathématique, il s’agit là d’un travail de découverte.

    p 196 : Mais qu’il s’agisse de méditation ou de mathématique, je ne songerais pas à faire mine de "travailler" quand il n’y a pas désir, quand il n’y a pas cette faim. C’est pourquoi il ne m’est pas arrivé de méditer ne serait-ce que quelques heures, ou de faire des maths ne serait-ce que quelques heures, sans y avoir appris quelque chose ; et le plus souvent (pour ne pas dire toujours) quelque chose d’imprévu et imprévisible.

    p 196 : Dans mon cas pourtant et jusqu’à présent, l’écriture a été un moyen efficace et indispensable dans la méditation. Comme dans le travail mathématique, elle est le support matériel qui fixe le rythme de la réflexion, et sert de repère et de ralliement pour une attention qui autrement a tendance chez moi à s’éparpiller aux quatre vents. Aussi, l’écriture nous donne une trace tangible du travail qui vient de se faire)
    auquel nous pouvons à tout moment nous reporter. Dans une méditation de longue haleine, il est utile souvent de pouvoir se reporter aussi aux traces écrites qui témoignent de tel moment de la méditation dans les jours précédents, voire même des années avant.

    p 197 : Pour celui qui est animé du désir de connaître, la pensée est un instrument souvent utile et efficace, voire indispensable, aussi longtemps qu’on reste conscient de ses limites, bien évidentes dans la méditation (et plus cachées dans le travail mathématique).

    p 209 : Souvent, quand je fais des maths, ou quand je fais l’amour, ou quand je médite, c’est l’enfant qui joue. Il n’est pas toujours le seul à "jouer". Mais quand il n’est pas là, il n’y a ni maths, ni amour, ni méditation. C’est pas la peine de faire semblant - et c’est rare que j’aie joué cette comédie-là.

    p 210 : Cela rappelle à mon attention que le travail mathématique, alors même qu’il se ferait dans la solitude pendant des années, n’est pas un travail purement personnel, individuel, comme l’est la méditation - du moins pas chez moi. "L’inconnu" que je poursuis dans la mathématique, pour qu’il m’attire avec une telle force, ne doit pas seulement être inconnu de moi, mais inconnu de tous.

    p 212 : Là ça allait faire un an et demi que je n’ai pas médité, à part quelques heures au mois de décembre, pour y voir clair dans une question urgente. Et ça fait un an que j’investis le plus gros de mon énergie à faire des maths. Cette "vague"-là est venue comme les autres, vagues-maths ou vagues-méditation : elles viennent sans annoncer leur venue. Ou si elles s’annoncent, je ne l’entends jamais ! Le patron garde une petite préférence pour la méditation, faut-il croire : à chaque fois la vague-méditation est déjà suivie par une vague-maths ; alors que je la voyais durer à jamais ; et la vague-maths qui (me semblait-il) était une affaire de quelques jours ou tout au plus de semaines, s’attarde et s’étend sur des mois et peut-être même, qui sait, sur des années. Mais le patron a fini par comprendre que ce n’est pas lui qui fait ces rythmes et qu’il n’a rien à gagner à vouloir les régler.

    p 215 : Pour avoir qualité de méditation, Il manquait surtout à cette réflexion Le regard sur ma propre personne et sur ma vision demoi-même, et non seulement sur ma vision du monde, sur un système d’axiomes donc où je ne figurais pas vraiment "en chair et en os". Et aussi il y manquait, le regard sur moi-même dans l’instant, au moment même de la réflexion (qui restait en deçà d’un véritable travail) ; regard qui m’aurait fait déceler aussi rien un style d’emprunt, qu’une certaine complaisance dans l’aspect littéraire de ces notes, un manque donc de spontanéité, d’authenticité. Toute insuffisante qu’elle soit, et de portée relativement limitée dans ses effets immédiats sur mes relations à autrui, cette réflexion m’apparaît pourtant comme une étape, probablement nécessaire vu le point de départ, vers le renouvellement plus profond qui devait avoir lieu deux ans plus tard. C’est alors enfin que je découvre la méditation - en découvrant ce premier fait insoupçonné : qu’il y avait des choses à découvrir sur ma propre personne - des choses qui déterminaient de façon quasiment complète le cours de ma vie et la nature de mes relations à autrui. . .

    p 221 : Cette fascination sur moi de la "méditation" a été d’une puissance considérable - aussi puissante que naguère l’attirance de "la femme", dont elle semble avoir pris la place. Si je viens d’écrire "a été", cela ne signifie pas que cette fascination soit aujourd’hui éteinte. Depuis un an que je m’investis dans les mathématiques, elle a passé seulement à l’arrière-plan.

    p 221 : En fait, au cours de chacune des quatre longues périodes de méditation par lesquelles j’ai passé (dont l’une s’est étendue sur près d’un an et demi), c’était une chose qui pour moi allait de soi que j’allais continuer sur ma lancée jusqu’à mon dernier soupir, pour sonder aussi loin que je pourrai aller les mystères de la vie et celles  de l’existence humaine.

    p 222 :Même après la méditation d’il y a deux ans et demi, où la passion mathématique a été reconnue comme une passion en effet, comme
    une chose importante dans ma vie - quand maintenant je me donne à cette passion, il reste une réserve, une réticence, ce n’est pas un don total. Je sais qu’un soi-disant "don total" serait en fait une sorte d’abdication, ce serait suivre une inertie, ce serait une fuite, non un don.
    Il n’y a aucune telle réserve en moi pour la méditation. Quand je m’y donne, je m’y donne totalement, il n’y a trace de division dans ce don. Je sais qu’en me donnant, je suis en accord complet avec moi-même et avec le monde - je suis fidèle à ma nature, "je suis le Tao". Ce don-là est bienfaisant à moi-même et à tous. Il m’ouvre à moi-même comme à autrui, en dénouant avec amour ce qui en moi reste noué.

    La méditation m’ouvre sur autrui, elle a pouvoir de dénouer ma relation à lui, alors même que l’autre resterait noué. Mais il est très rare que se présente l’occasion de communiquer avec autrui si peu que ce soit au sujet du travail de méditation, de telle ou telle chose que ce travail m’a fait connaître. Ce n’est nullement parce qu’il s’agirait de choses "trop personnelles". Pour prendre une image imparfaite, je ne peux communiquer sur des maths qui m’intéressent à un moment donné, qu’avec un mathématicien qui dispose du bagage indispensable, et qui au même moment est disposé à s’y intéresser également. Il arrive que pendant des années je sois fasciné par telles choses mathématiques, sans rencontrer (ni même chercher à rencontrer) d’autre mathématicien avec qui communiquer à leur sujet. Mais je sais bien que si j’en cherchais, j’en trouverais, et que même si je n’en trouvais pas, ce serait simple question de chance ou de conjoncture ; que les choses qui m’intéressent
    ne pourront manquer d’intéresser quelqu’un et même quelques-uns, que ce soit dans dix ans ou dans cent ans peu importe au fond. C’est cela qui donne un sens à mon travail, même si celui-ci se fait dans la solitude. S’il n’y avait d’autres mathématiciens au monde et qu’il ne doive plus y en avoir, je ne crois pas que faire des maths garderait un sens pour moi- et je soupçonne qu’il n’en va pas autrement pour tout autre mathématicien, ou tout autre "chercheur" en quoi que ce soit. Cela rejoint la constatation faite précédemment, que pour moi "l’inconnu mathématique" est ce que personne encore ne connaît - c’est une chose qui ne dépend pas de ma seule personne, mais d’une réalité collective. La mathématique est une aventure collective, se poursuivant depuis des millénaires.
    Dans le cas de la méditation, pour communiquer à son sujet, la question d’un "bagage" ne se pose pas ; pas au point où j’en suis tout au moins, et je doute qu’elle se posera jamais. La seule question est celle d’un intérêt en autrui, qui réponde à l’intérêt qui est en moi. Il s’agit donc d’une curiosité vis-à-vis de ce qui ce passe réellement en soi-même et en autrui, au-delà des façades de rigueur, qui ne cachent pas grand-chose du moment qu’on est vraiment intéressé à voir ce qu’elles recouvrent. Mais j’ai appris que les moments où dans une personne apparaît un tel intérêt, les "moments de vérité", sont rares et fugitifs. Il n’est pas rare, bien sûr, de rencontrer des personnes qui "s’intéressent à la psychologie", comme on dit, qui ont lu du Freud et du Jung et bien d’autres, et qui ne demandent pas mieux que d’avoir des "discussions intéressantes". Ils ont ce bagage qu’ils transportent avec eux, plus ou moins lourd ou léger, ce qu’on appelle une "culture". Il fait partiede l’image qu’ils ont d’eux même, et renforce cette image, qu’ils se gardent d’examiner jamais, exactement comme tel autre qui s’intéresse aux maths, aux soucoupes volantes ou à la pêche à la ligne. Ce n’est pas de ce genre de "bagage", ni de ce genre "d’intérêt", que j’ai voulu parler tantôt - alors que les mêmes mots ici désignent des choses de nature différente.
    Pour le dire autrement : la méditation est une aventure solitaire. Sa nature est d’être solitaire. Non seulement le travail de la méditation est un travail solitaire - je pense que cela est vrai de tout travail de découverte, même quand il s’insère dans un travail collectif. Mais la connaissance qui naît du travail de méditation est une connaissance "solitaire", une connaissance qui ne peut être partagée et encore moins "communiquée" ; ou si elle peut être partagée, c’est seulement en de rares instants. C’est un travail, une connaissance qui vont à contre-courant des consensus les plus invétérés, ils inquiètent tous et chacun. Cette connaissance certes s’exprime simplement, par des mots simples et limpides. Quand je me l’exprime, j’apprends en l’exprimant, car l’expression même fait partie d’un travail, porté par un intérêt intense. Mais ces mêmes mots simples et  limpides sont impuissants à communiquer un sens à autrui, quand ils se heurtent aux portes closes de l’indifférence ou de la peur. Même le langage du rêve, d’une toute autre force et aux ressources infinies, renouvelésans cesse par un Rêveur infatigable et bienveillant, n’arrive à franchir ces portes-là. . .
    Il n’y a de méditation qui ne soit solitaire. S’il y a l’ombre d’un souci d’une approbation par quiconque, d’une confirmation, d’un encouragement, il n’y a travail de méditation ni découverte de soi. La même chose est vraie, dira-t-on, de tout véritable travail de découverte, au moment même du travail. Certes. Mais en dehors du travail proprement dit, l’approbation par autrui, que ce soit un proche, ou un collègue, ou tout un milieu dont on fait partie, cette approbation est importante pour le sens de ce travail dans la vie de celui gui s’y donne.
    Cette approbation, cet encouragement sont parmi les plus puissants incentifs, qui font que le "patron" (pour reprendre cette image) donne le feu vert sans réserve pour que le môme s’en donne à coeur joie. Ce sont eux surtout qui déterminent l’investissement du patron. Il n’en a pas été autrement dans mon propre investissement dans la mathématique, encouragé par la bienveillance, la chaleur et la confiance de personnes comme Cartan, Schwartz, Dieudonné, Godement, et d’autres après eux. Pour le travail de méditation par contre, il n’y a nul tel incentif. C’est une passion du môme-ouvrier que le patron est au fond gentil de tolérer peu ou prou, car elle ne "rapporte" rien. Elle porte des fruits, certes, mais ce ne sont pas ceux auxquels un patron aspire. Quand il ne se berne pas lui-même à ce sujet, il est clair que ce n’est pas dans la méditation qu’il va investir, le patron est de nature grégaire !
    Seul l’enfant par nature est solitaire.

     

  • La danse des maths pour les apprendre

    18053%20math%20dance.jpgLes termes, les symboles et les modèles de mathématiques sont souvent difficile à assimiler, mais deux chorégraphes ont développé une stratégie pour mettre du rythme dans la résolution de problèmes.

    Ca ressemble à une classe de danse, mais c'est en réalité une nouvelle façon d'apprendre les maths. "Nous traduisons le modèle dans une chorégraphie et nous traduisons le modèle avec des maths," dit Erik Stern,  éducateur et chorégraphe au Centre John F. Kennedy de  l'Art du spectacle à Washington.

    Erik Stern et Karl Schaffer sont les créateurs "d'une danse mathématique." "Beaucoup d'adultes sont mathématico-phobiques et de jeunes enfants sont dégoutés des maths parce que l'on leur présente des symboles avant qu'ils n'aient une expérience solide réelle sur laquelle s'appuyer.

    Pour beaucoup de personnes, avoir une expérience kinesthetique d'une idée abstraite est extrêmement utile pour la compréhension de cette abstaction.

    "J'ai vu des étudiants qui ne sont pas normalement très concentrés, extrêmement impliquésdans la leçon aujourd'hui avec le mouvement et avec les concepts mathématiques et ils l'ont aimé," témoigne Paula Bailey,  principale de l'école Betsey B. Winslow .

    Les étudiants peuvent créer leurs modèles de mouvement propres. L'expérience les aide à se mettre en contact avec des nombres, ce qu'ils  peuvent ne jamais avoir compris auparavant.

    L'épreuve physique amène souvent à la compréhension des abstractions mathématiques. L'apport de ces activités est d'apprendre les mathématiques et la danse, la symétrie par le mouvement, aussi bien que les arts plastiques.

    L'article complet en anglais et la vidéo:  ICI


  • Mathématiques illuminées : des vidéos pour découvrir l'univers mathématique

    maths illuminées.jpgCes vidéos en anglais sont vraiment bien faites pour découvrir l'univers mathématique. Dan Rockmore du Darmouth College en est le dynamique présentateur. Il suffit de s'inscrire et les 13 vidéos de 30 mns sont disponibles instantanément à la demande. On peut aussi consulter le fichier PDf du texte correspondant.

    Vous les trouverez  ICI

     

    Au programme:

  • Il se passe quelque chose à Mathopolis

    J'ai écrit le petit texte qui suit pour faire écho à celui de Missmath : " Mathématiques inutiles"

     

    Metropolis

     

     

     

    A quoi servent les mathématiques ?... Cette question est sans cesse renvoyée à ceux qui les font et ceux qui les enseignent par ceux qui les subissent et ceux qui les financent ....


    Les mathématiques sont un indicateur bien corrélé avec la précocité intellectuelle. Elles peuvent être utilisées à des fins sélectives. Même si tout le monde s'en offusque, elles sont adaptées à l'utilisation que la société en fait dans le cadre d'une forte sélection  pendant la phase de formation initiale. La médaille Fields qui récompense les meilleurs mathématiciens est assortie d'une limite d'âge pour la décrocher : 40 ans. Passé ce 40ème anniversaire, on considérera qu'un mathématicien produit des mathématiques de moindre importance. Plutôt que de parler de mathématiques comme matière de sélection, il serait sans doute plus pertinent de les considérer comme révélatrices de précocité intellectuelle  et de se demander pourquoi la société a besoin de mesurer cette précocité pour choisir une catégorie de ses élites, indépendamment du fait qu'elles se destinent à une carrière scientifique. La précocité devrait être indépendante du milieu social dans lequel baignent les individus or les statistiques actuelles contredisent ce point. Il n'y a  pas de raison qu'un milieu social favorisé génère plus de précocité intellectuelle. L'environnement dans lequel évolue les individus modifie donc le résultat de la mesure. Les mathématiques deviendraient-elles inadaptées à la mesure de la précocité, auquel cas il serait inutile de leur faire tenir ce rôle. Mais que mettre à la place vacante? Y a t-il un intérêt à mesurer, d'une façon systématique, la précocité?

    Eloignons l'aspect sélectif de la discipline pour poursuivre, non pas pour le nier, mais  pour qu'il ne vienne pas perturber le reste de la réflexion. Comme le fait MissMath, il est légitime de se demander à quoi peut servir un enseignement généralisé des mathématiques qui dépasse le "simple" apprentissage de la règle de trois. Si elle parvient à certaines conclusions, je vais exposer mon point de vue qui diffère peut-être sensiblement mais qui rejoindra le sien au moins à quelques endroits.


    S'il est un point de départ important, c'est de considérer que les mathématiques sont une science et donc qu'elle font appel à la pensée rationnelle et que ce sont un langage, et qu'à ce titre, elles ne peuvent pas s'exonérer de leur caractère transcriptif. Ce deuxième point est souvent passé sous silence: les mathématiques au même titre que le français, ou le latin sont un langage possédant une forme écrite. Elles nécessitent pour être comprises, enseignées,  pensées, un support, des signes, une grammaire, un consensus entre les parties les utilisant... Il n'existe pas de transmission orale des mathématiques, du moins dans leur forme évoluée. On ne peut pas se contenter de penser les mathématiques, il faut les écrire. Je les rangerai aussi bien à coté de l'anglais de Shakespeare que d'un langage informatique. Je n'ai pas dit que leur nature étaient équivalentes, je dis simplement que pour qu'il y ait de la "mathématique", il faut qu'il y ait du signe écrit et à partir du moment où il y a du signe, il y a de la transcription. Et enfin, là où il y a de la transcription, il réside toujours un espace incompressible entre l'objet réel ou créé et sa transcription, qui fera que les mathématiques ne pourront jamais être complètement explicatives du monde ni d'elles mêmes. Et ceci même si les mathématiques adhèrent "au plus près" de leur objet d'étude. Elles contiennent d'ailleurs une belle image de ce phénomène avec la notion d'intervalle ouvert. Je classerai donc les mathématiques dans la catégorie des langages, dont on voit d'ailleurs bien l'évolution, lorsque les premiers problèmes et leurs solutions étaient rédigés dans la langue de l'auteur pour ensuite s'algébriser et se détacher de la lourdeur  du langage courant inadapté. Mais alors quelle est la singularité de ce langage  par rapport aux autres? La réponse est simple : il est unique ! Cela suffit à le distinguer des autres. Ici pas de choix possible, pas de nuance, pas de négociation. Un 2 est 2 qu'il soit chinois, indien ou américain. Toutes les tentatives d'écriture et de prononciations différentes n'y feront rien, un 2 est un 2 et 2+2=4. Une inconnue est une inconnue indépendamment du fait qu'elle s'appelle x, y, "TOTO", ou que ce soit un idéogramme. En fait, il n'existe qu'un seul langage dans lequel peut s'exprimer l'investigation quantitative et ce langage s'appelle les mathématiques. Ne serait-ce que pour cette singularité, elles méritent d'être enseignées afin que par un contre-exemple des langages maternels, on puisse comparer les possibilités et les limites de chacun. On ne rentre pas chez soi en parlant "Mathématique" tout comme on ne fait pas un calcul un tant soit peu élaboré en utilisant le dictionnaire. J'ajouterai que notre époque a la chance d'avoir vu naitre un troisième type de langage ou plutôt la possibilité de rendre opérant un langage : le code informatique permet le passage à l'action par implémentation, et de mon point de vue, il mériterait aussi un enseignement généralisé, mais c'est un autre débat.


    On ne peut que s'étonner de la singularité solitaire des mathématiques. Serait-il concevable que tout ou partie de l'humanité refuse d'enseigner à son prochain le seul langage possédant les propriétés d'être le plus univoque possible et universel? Vraiment j'ai bien du mal à voir. De cette position hégémonique et atypique, nait nécessairement l'obligation d'en informer et de former les générations futures. Il n'y aura jamais de guerre Anglais vs Français ou Windows vs Linux en mathématiques. Il y a les mathématiques, un point c'est tout. Elles transcrivent quantitativement, dévoilant à mesure qu'elles se développent, de nouveaux objets de pensée pouvant parfois intercepter de façon inattendue le monde réel.

    Tout ceci est bien joli, mais est-ce suffisant à justifier l'enseignement d'une telle discipline? En ce qui me concerne oui, mais on doit encore poursuivre car la singularité d'un langage aussi précis soit-il, ne suffit pas à convaincre certains esprits bien trempés, du bien fondé de la chose. Il est vrai que la spécificité d'un langage vaut pour chacun d'entre eux et le caractère approprié des mathématiques à la quantification, apporte avec lui de fortes limitations en matière d'échange, de partage, de souplesse et de description des choses et idées courantes.

    Des mathématiques comme langage, passons maintenant aux mathématiques comme processus d'investigation. S'il y a investigation, celle-ci sera rationnelle, ce qui  flatte nécessairement l'égo de nos sociétés hyper-technologiques. Mais que nous apprennent les mathématiques sur l'investigation rationnelle? Le message le plus important qu'elles nous renvoient est  dans leur tentative transcendante de poursuivre inlassablement leur travail sans se tromper en prenant nécessairement la liberté et le risque de se détacher du monde qui nous entoure. La fougue intuitive et imaginative de l'humanité se trouve  encapsulée dans la rigueur de l'investigation rationnelle et la nature même du langage mathématique. Liberté et rigueur, voilà deux maîtres mots, presque opposés qui se retrouvent au cœur de l'activité mathématique. Selon les points de vue et les compétences de chacun, on y voit plutôt l'une ou l'autre. L'ombre et la lumière permettent la création des plus beaux tableaux que les mathématiciens ont choisi d'appeler définitions, démonstrations, théorèmes. Tous les styles seront représentés et chacun y ressentira beauté ou laideur, chaleur ou froideur, passion ou indifférence. Comme dans tout art, les mathématiques  ont  leurs valeurs sûres, les stars du moment, leurs derniers objets high-tech et leurs effets de mode, les partisans de tel style ou leurs détracteurs.  Les mathématiques sont l'art de la science, elles sont d'une efficacité redoutable. Malgré ces vaguelettes et ces coups de projecteurs, elles ne craignent personne, et encore moins le temps, tant leur édifice est profondément ancré sur des axiomes intemporels entre des murs pouvant résister à tous les types d'assauts. En mathématique on peut partir rassurer et avancer. Même si l'activité mathématique du novice ou de l'expert est d'avancer dans le diamant, il peut aussi regarder le paysage découvert par les anciens et le commenter. Ici c'est plutôt abrupt mais c'est magnifique, et là c'est plutôt paisible mais un peu lassant, et là encore c'est tout simplement grandiose, mais quelque soit le degré de maîtrise de chacun, des régions entières des mathématiques lui resteront à jamais cachées, ce qui ramène tout le monde presque au même point. Le mathématicien ne pourra jamais tout connaître des mathématiques et le novice ne connaîtra guère que ce que l'école lui a enseigné de la discipline (au mieux...).


    Mais est-ce que tout cela suffit pour justifier un enseignement des mathématiques à l'ensemble d'une population? Pour moi c'est plus qu'il n'en faut mais pour certains, il faut en dire encore plus, car les paysages sont aussi très beaux en Ardèche méridionale mais il ne viendrait à l'idée de personne de rendre obligatoire un enseignement à son sujet. Alors il faut encore poursuivre, pour tenter de justifier l'impossible : à quoi ça va me servir à moi d'apprendre les maths? Je n'en aurai pas l'utilité et en plus j'aurai tout oublié juste après mon examen! Et moi qui ne comprends rien, quelle torture...


    L'important n'est pas de savoir ce que l'on a retenu des mathématiques, puisqu'on oublie tout ou presque d'un cours après plusieurs années de non utilisation, quelque soit son contenu et le niveau d'apprentissage. On oublie les maths comme on oublie où l'on a rangé une clé à molette dont on ne s'est pas servi pendant deux ans. Ce qui est fondamental,  c'est de savoir quels processus sont activés lors d'une activité de type "mathématique". Là, le terrain de jeu est vaste et intéressant, car c'est justement dans cette activité que l'adulte, l'adolescent, l'enfant qu'il soit profane ou spécialiste peuvent se retrouver ensemble dans l'étude d'objets mathématiques, certes bien différents, mais pour lesquels les processus intellectuels et psychiques mis en jeu, sont presque identiques.


    Je pense que dans beaucoup d'analyses une confusion forte est faite et certainement même au sein même de la communauté d'enseignants des mathématiques entre l'utilité des mathématiques en tant que corpus de connaissances et de techniques, et l'utilité des mathématiques en tant que processus intellectuel. Si la première considération amène avec elle, une sélectivité exacerbée et restreint énormément le champ d'application à quelques personnes trop peu nombreuses pour effectivement justifier à elles seules la généralisation de l'enseignement des mathématiques, la seconde porte en elle un énorme pouvoir fédérateur qui donne autant de joie à un novice qu'à un expert, chacun venant de trouver le moyen de résoudre le problème qui l'a fait sécher un peu trop longtemps à son goût. Les chemins empruntés ont été les mêmes: exploration, rigueur de raisonnement et illumination libératoire.


    Si la pratique des mathématiques est parfois difficile pour certains, c'est aussi qu'il n'est pas évident de placer le curseur des difficultés  juste au dessus de l'état des connaissances et des compétences de chacun afin qu'il ne se décourage pas ni ne se lasse pas. La juste distance est difficilement appréciable. Par contre à chaque pas franchi, des processus nouveaux et inconnus jusque là ont été activés, découverts. En même temps que l'objet mathématique se dévoile, un peu de connaissance nouvelle sur soi apparait. Il n'y a peut être rien de bien nouveau depuis qu'a été lancé un très médiatique "Connais-toi toi même", paradoxalement auto référent, dont l'objectif impossible à atteindre met cependant chacun en action, dans une soif désespérée de connaître le monde extérieur et son univers intérieur. Les mathématiques ont cette force paradoxale d'être universelles et absolues alors qu'on ne peut les expérimenter qu'à la lumière de notre intériorité sollicitée de façon prolongée. Prendre son temps, attendre, ne pas savoir, voir l'invisible, se plonger dans son intériorité ne sont pas des valeurs tellement relayées dans nos sociétés occidentales.


    Même si les tables de multiplications ne sont pas bien connues, l'enfant qui manipule les nombres et les premiers objets mathématiques, ressent, ne serait-ce que furtivement, le plaisir qui peut lui être donné à pratiquer cette activité. Il sent bien qu'il n'a pas besoin d'être quelqu'un d'autre pour ressentir une forte joie à l'annonce du bon résultat qu'il vient de trouver. Ce serait comme un léger sentiment intérieur de toute puissance, celui d'avoir trouvé avant ce qui est absolument VRAI. L'élève, même en bas âge se trouve doté de la force de produire du vrai, du juste, de l'absolu, du non négociable. Il ne s'agit pas seulement d'une réponse mais d'une activité, d'un processus en action qui le place au même niveau que le génie, le savant ou l'adulte. Il n'y a pas d'âge dans la mise en mouvement de ce processus actif et à la fin, lorsque la tension est résorbée, la récompense est là, mais il y peut aussi y avoir la frustration, l'échec de la tentative infructueuse, le doute solitaire, autant de sentiments négatifs qui sont à la hauteur du manque ressenti. Alors si beaucoup de sociétés occidentales possèdent des difficultés avec la généralisation de l'enseignement des mathématiques, c'est peut-être aussi, parce qu'il est pratiquement impossible de les enseigner massivement sans individualiser. S'il n'y plus de diversité sociale dans la sélection par les maths c'est peut-être non pas à cause des maths, mais à cause des valeurs mises en avant dans ces sociétés qui sont opposées à celle attendues en mathématiques. Il y a un paradoxe à ce qu'une société attende qu'un individu soit performant dans un domaine qui demande temps et intériorité, alors que cette même société construit ses membres en valorisant l'instant présent et l'extériorisation de la personnalité. Il n'est donc pas étonnant que les  plus fragiles d'entre eux subissent de plein fouet ce matraquage idéologique et je suis bien surpris de voir certains s'indigner en regardant beaucoup plus souvent vers l'école que vers son environnement.


    Pour résumer, deux activités complètement distinctes se déroulent conjointement dans l'apprentissage des mathématiques. Il y a d'une part, l'acquisition de connaissances et de techniques dont le volume, le rythme et le niveau peuvent faire débat et dont on peut toujours se demander, s’il y a trop ou trop peu de ceci, lorsqu'on le met en relation avec un projet personnel ou les besoins réels de la société à un moment donné. Cet arbitrage peut être l'objet de toutes les tensions entre les différents acteurs en place. On voit ainsi apparaitre et disparaitre des notions de l'enseignement mathématique en fonction de certains rapports de force dans les organes décisionnels et du moment. Et puis il y a les mathématiques comme processus, comme activité intellectuelle où la compréhension ne peut pas  toujours être placée comme condition initiale. Il faut accepter d'avancer à petits pas, sans comprendre en totalité, et découvrir les mathématiques en même temps que la pensée intérieure s'éclaire. Cette position atypique qui demande une certaine abnégation, une certaine humilité et du temps, est unique, puisque les autres disciplines sont descriptives alors que les mathématiques s'éclairent elles-mêmes à mesure qu'elles se pratiquent. Je dirai que de façon très étonnante, les mathématiques n'ont (presque!) besoin  que d'elles mêmes pour avancer. Il n'est pas nécessaire de sortir des mathématiques pour en faire, alors que toutes les autres disciplines ont besoin d'un objet extérieur pour s'appuyer. Les mathématiques hurlent leur indépendance devant toute individualité qui veut les approcher. L'une dit je vis de moi et l'autre répond je veux te connaitre puis les premières de répondre : si tu veux me connaitre, il ne suffit pas de me contempler: on n'apprend pas le chant du rossignol sur des oiseaux empaillés. Mais pour certains, les rossignols chantent trop, bougent trop et d'ailleurs, ils n'arrivent même pas à reconnaître les rossignols ni leur chant. On dit dans un langage un peu moins imagé, que ces individus manquent d'abstraction...


    Alors contrairement à Missmath qui est "diplômée en rêverie et professeur d’inutilité", je suis professeur de chant (des rossignols), je me reconnais d'utilité publique même si, ne lui en déplaise, je suis fortement diplômé en "ce n’est pas comme ça qu’il faut faire, ça se fait comme ça et ça sert à ça”.

     

     

     

    Rossignol?

     

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  • La courbe en cloche et le hasard

    La courbe en cloche est dite de Gauss et le hasard c'est de faire tomber des billes sur une grille ajourée.

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    gauss.jpg