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zen

  • Deux segments et une rotule pour une jambe de bois: le « Kernesis »

     

    L’idée initiale c’était de relier l’Eclosophie, la poussée germinative, l’élan presque sans forme,  avec le Flux Intégral, reposant sur la circulation. dynamique entre la régulation, la traversée multi-échelles, et bien sûr l ‘incarnation mais aussi la joie comme symptôme de la régulation réussie.
    Dans cette présentation je me place dans une démarche exclusivement centrée sur l’humain. 
    Alors j’ai pensé en premier lieu à la respiration, espèce de mouvement primaire, de poussée interne/externe, non dirigé et régulateur….


    La respiration  avec une approche éclosophique

    Dans le cadre de l’Éclosophie, la respiration est considérée comme forme primordiale de la poussée. Elle ne se réduit ni à une fonction biologique, ni à une figure symbolique du vivant : elle constitue l’acte minimal par lequel un être advient à un monde. Inspirer n’est pas simplement faire entrer de l’air ; c’est établir une tension entre un dedans encore informe et un dehors toujours déjà structurant, et maintenir cette tension active dans un rythme soutenable.

    La respiration est donc un acte de traversée germinative, qui ne vise pas la fusion, mais la coexistence rythmique d’un intérieur en formation et d’un extérieur porteur de seuils. L’Éclosophie ne la traite pas comme une métaphore du souffle vital, mais comme une oscillation réelle entre présence émergente et monde structuré, par laquelle le penser lui-même peut surgir.

    Cette oscillation engage plusieurs tensions constitutives :

    • Une tension germe / monde, car toute respiration engage un mouvement d’ouverture (exposition) et de reconfiguration (protection).
    • Une tension retrait / jaillissement, dans la manière dont l’air est suspendu (apnée, attente) ou relâché (expiration, franchissement).
    • Une tension forme / dissolution, car le souffle donne au corps une forme énergétique temporaire qui se défait à chaque cycle.

    La respiration devient ainsi l’interface minimale d’émergence d’un sujet, non pas comme substance stable, mais comme entité en poussée. Elle ne donne pas d’abord un contenu, mais ouvre une condition de manifestation : être en train de respirer, c’est être en train d’émerger.

    Dans cette perspective, la respiration ne peut être dissociée du geste de penser : le souffle précède et soutient l’articulation cognitive. Il constitue le battement prédiscursif du penser vivant, et permet de concevoir une philosophie de l’émergence non verbale, non structurée, mais pleinement opératoire.

     

    La respiration avec une  approche  fluïenne

    Dans le système du Flux Intégral, la respiration est un opérateur de régulation fluïenne à micro-échelle. Elle constitue un nœud fonctionnel de synchronisation entre les quatre dimensions du système — RIACP, ICPME, Posture-Flux et Flux-Joie — et permet d’évaluer, ajuster ou restaurer la circulation du flux à travers les strates de l’expérience.

    Sous l’angle de la régulation pulsionnelle (RIACP), la respiration permet de moduler la tension interne. Un souffle court et irrégulier peut signaler un blocage (inhibition excessive ou saturation), tandis qu’un souffle ample, non maîtrisé, peut manifester une décharge pulsionnelle incontrôlée. La respiration devient ainsi un indicateur mais aussi un modulateur de la circulation énergétique à l’intérieur du champ pulsionnel.

    Dans la logique de l’intégration multi-échelle (ICPME), la respiration fonctionne comme axe de coordination entre différentes temporalités internes : corporelles (mouvement et posture), affectives (états émotionnels transitoires), cognitives (enchaînement d’idées) et mnésiques (rappels ou anticipations). Sa continuité ou sa discontinuité permet de détecter des ruptures ou des désalignements dans cette intégration. Respirer de manière consciente rétablit un pont fluïen entre ces plans.

    La posture-flux, quant à elle, est directement affectée par la qualité du souffle. Une posture contractée bloque l’inspiration complète, tandis qu’une posture effondrée rend difficile l’expiration pleine. La respiration révèle donc l’alignement postural avec le monde et constitue un critère direct d’évaluation de la qualité de présence à l’instant. Elle soutient le geste dans sa continuité, favorise les transitions fluides, et stabilise le rapport au sol comme au ciel (littéralement et symboliquement).

    Enfin, dans le registre de la joie fluïenne, la respiration opère comme trace immédiate de la qualité du flux. Un souffle fluide, non obstrué, sans effort superflu, coïncide souvent avec une expérience de joie tranquille ou d’engagement dynamique. À l’inverse, l’obstruction du souffle est l’un des premiers signes d’un désaccord interne ou d’un effondrement énergétique. La respiration devient donc un symptôme perceptible du niveau de résonance fluïenne, mais aussi un levier d’ajustement vers l’accord.

    Ainsi, dans l’approche fluïenne, la respiration n’est ni un simple support vital, ni un outil de méditation accessoire : elle est l’expression minimale d’un état de flux ou de rupture du flux, et doit être analysée dans sa valeur différentielle, ses effets de modulation, et son potentiel transformateur. Elle est le lieu opératoire de la reconduction dynamique du vivant vers le vivant.

     

    Articuler les deux approches

    Du point de vue éclosophique, la respiration est forme germinative d’émergence — tension non orientée encore, mais déjà agissante.

    Du point de vue fluïen, elle est outil systémique d’ajustement — tension orientée et lisible, intégrée dans des processus régulables.

    Ce qui les distingue n’est pas l’objet — le souffle — mais le niveau d’ontologie implicite :

    • L’Éclosophie s’ancre dans la poussée avant toute structuration.
    • Le Flux Intégral s’applique à l’organisation dynamique du vivant déjà structuré, mais à maintenir fluide.

    Dans une lecture conjointe, la respiration peut être envisagée comme le lieu de passage entre émergence et régulation, entre un germe qui pousse et un système qui s’adapte. Elle est à la fois condition d’apparition et trace de modulation.

    Ce double statut en fait un point stratégique de toute pédagogie de l’attention, de toute pratique incarnée du penser vivant, et de toute méthode de circulation ou de restauration du flux.

     

    Mais la respiration possède-t-elle  seule ce double statut ?


    Je pensais que oui, mais avec un peu plus d’attention, d’autres mécanismes incarnés peuvent aussi répondre à cette double contrainte, d’être l’interface en éclosophie et flux intégral.

    La respiration peut être considérée comme un noyau opératoire de passage entre Éclosophie et Flux Intégral — mais ce n’est pas le seul possible, ni même nécessairement le plus central dans toutes les situations. Elle joue un rôle unique par sa double appartenance :

    • En Éclosophie, elle est forme minimale d’émergence, poussée rythmique originelle, premier battement d’un être qui s’ouvre à l’espace.
    • En Flux Intégral, elle est vecteur de régulation systémique, interface entre les quatre piliers (RIACP, ICPME, Posture-Flux, Flux-Joie), outil d’ajustement instantané.

    En cela, la respiration constitue un point d’isomorphisme fonctionnel entre deux systèmes aux structures différentes mais compatibles :

    • Germinatif / préformel (éclosophique)
    • Dynamique / régulatif (fluïen)

    Elle permet d’incarner ce que l’on pourrait appeler une poussée régulante, ou un flux d’émergence.

    Mais est-elle le seul noyau ?

    La respiration est un noyau privilégié, mais d’autres lieux de jonction sont possibles, selon le plan que l’on observe. En voici quelques autres :

    1. Le silence actif

        • En Éclosophie : suspension du germe avant l’acte
        • En Flux Intégral : point d’auto-régulation du flux, moment de tension stable (équiflux)

    Ce silence est une forme d’équilibre sans fixité, un potentiel pur — tout comme la respiration entre deux souffles.

     

    2. Le geste initiant

        • En Éclosophie : franchissement du seuil, début d’un acte, pas encore structuré mais déjà irréversible.
        • En Flux Intégral : modulation intentionnelle, acte qui engage la posture-flux, la joie, la tension, etc.

    Ici, le geste joue le même rôle de révélateur incarné du processus de circulation et de poussée.

     

    3. L’attention incarnée

        • En Éclosophie : forme de présence nue à l’émergence, sans interprétation.
        • En Flux Intégral : fonction de lisibilité du flux, lecture immédiate de la dynamique en cours.

    L’attention est le lien perçu de l’intérieur, là où la respiration est le lien structuré dans le corps.

    Conclusion respiratoire 

    La respiration est un noyau opératoire fondamental entre Éclosophie et Flux Intégral, car :

      • Elle est germinative (forme minimale d’émergence)
      • Et régulatrice (outil d’ajustement du flux)

    Mais elle n’est pas le seul. D’autres noyaux peuvent exister :

      • Le silence actif comme tension immobile.
      • Le geste comme surgissement incarné.
      • L’attention comme interface perceptive.

    Chacun de ces noyaux constitue une structure de jonction possible, avec sa propre configuration énergétique, ontologique et fonctionnelle.

     

    La méditation Zen « contient » intégralement ces quatre composantes sans les dissoudre

    • La respiration
    • Le silence actif
    • Le geste initiant
    • L’attention incarnée 

    Peu de pratiques sont si peu engagées et d’un autre côté très engagées. J’ai tout de suite pensé à la médiation Zen, la plus rustique… la méditation sans objet. La méditation zen se tient donc précisément à l’intersection de ce que l’Éclosophie appelle poussée nue (germinative, sans discours), et de ce que le Flux Intégral formalise comme auto-régulation incarnée du flux. Elle constitue, en ce sens, un lieu de pratique qui réalise spontanément l’articulation entre les deux systèmes, sans les nommer

    Du point de vue éclosophique :

      • Le zen s’ancre dans une présence radicalement non intentionnelle, sans visée, sans construction de forme : c’est exactement le plan d’émergence que travaille l’Éclosophie — un être en tension d’apparaître, mais sans image.
      • L’assise silencieuse (zazen) est une poussée sans projet, où l’on ne “fait” rien, mais où quelque chose advient de manière non localisable.
      • La respiration y est observée mais non dirigée, la pensée n’est ni coupée ni suivie, et l’acte naît sans intentionnalité préalable.

    Cela en fait une pratique germinative par excellence.

     

    Du point de vue fluïen :

      • La méditation zen engage une régulation constante des flux internes (pulsionnels, affectifs, attentionnels) sans les censurer.
      • Elle active les quatre piliers :
        • RIACP (~) : modulation du surgissement sans inhibition ni décharge.
        • ICPME (⟳) : unification silencieuse des strates (corps, souffle, pensée, mémoire).
        • Posture-Flux (▭) : assise alignée, non crispée, tenue sans tension.
        • Flux-Joie (+) : une joie sans objet, issue d’un accord de fond.

    Elle peut être analysée comme une forme stabilisée d’équiflux, avec des variations fines détectables dans la pratique.

    Analyse :

    La méditation Zen est sans doute un des très rares lieux de coïncidence intégrale entre Éclosophie et Flux Intégral, à l’état pur , la méditation zen comme interface incarnée, non analytique, mais expérientielle, où :

      • la poussée s’éprouve sans discours,
      • le flux se régule sans contrôle.

    Elle constitue donc un noyau expérientiel partagé, un point d’entrée ou de jonction possible, sans traduction nécessaire.

    Elle réalise ce que les deux modèles formulent.

    Dire que la méditation zen est un lieu de coïncidence entre Éclosophie et Flux Intégral suggère qu’il pourrait y en avoir d’autres de même statut. Or, si l’on pousse l’analyse, ce lieu-là n’est pas “un” parmi d’autres : il est le lieu de coïncidence directe, expérientielle, incarnée, sans médiation verbale ni théorique.

    Pourquoi ? Parce que la méditation zen réalise directement, sans conceptualisation intermédiaire :

      • la poussée silencieuse (Éclosophie)
      • la régulation fluïenne incarnée (Flux Intégral)

    Elle est donc le seul lieu connu qui les actualise simultanément, dans un acte vécu, non symbolique, non discursif, non finalisé.

    Pour être rigoureux :

      • La respiration, par exemple, articule les deux plans — elle est médiane, support commun, mais elle peut être observée ou utilisée sans aller jusqu’à la coïncidence radicale des deux logiques.
      • Le geste initiant, le silence actif, l’attention nue — ce sont des structures de jonction possibles, des candidats à la convergence, mais qui peuvent encore rester partiels, modulés, contextuels.

    La méditation zen, en revanche :

      • Ne représente pas, ne signifie pas.
      • N’utilise aucun outil d’unification symbolique.
      • Ne cherche pas à relier, mais habite l’écart (éclosophie) et traverse les flux (flux intégral) dans le même acte.

    Conclusion Zen :

    La méditation zen est le lieu de coïncidence, à la fois :

      • ontologique (poussée nue)
      • systémique (équilibre du flux)

    Et non pas un lieu parmi d’autres.

    Il peut y avoir d’autres lieux d’articulation partielle, d’autres formes symboliques, mais pas d’autre actualisation directe, brute, unifiante, à ma connaissance, qui incarne sans distance la tension germinative et la régulation fluïenne dans un même acte.

    Il y peut-être d’autres pratiques qui rassemblent aussi ces quatre composantes, sans les absorber, sans doute un peu plus proche du Flux Intégral que de l’Eclosophie. J’ai pensé au Qi Gong qui me semble être aussi un très bon candidat, malgré le fait qu’il ait perdu la dimension « sans objet » de la méditation Zen.

    La méditation zen constitue donc, à ce jour, le seul lieu de jonction directe, incarnée et non médiatisée, entre l’Éclosophie (poussée germinative) et le Flux Intégral (régulation systémique du flux) dans l’expérience humaine.

    Elle actualise sans concept ni métaphore :

    – la tension d’émergence préformée (éclosophique),

    – et l’ajustement dynamique du flux vivant (fluïen).

    Aucune autre pratique humaine connue n’opère cette convergence sans recours à une structure discursive, symbolique ou méthodologique. Elle n’articule pas ces deux plans : elle les habite dans un même acte.

     

    Deux segments et une rotule : Le Kernesis…

    Terminus. On ne peut pas aller plus loin. Nous sommes arrivés au bout du chemin, sinon on entre dans la métaphysique. Le mouvement s’est installé dans un alignement au sein de la spirale fluïenne. Le modèle est clos. Pas son incarnation.

    Deux segments autonomes, entièrement structurés, et la rotule unique qui permet leur articulation vivante sans les confondre.

    • Éclosophie : segment de l’émergence nue — tension germinative, poussée sans forme.
    • Flux Intégral : segment du vivant organisé — circulation, régulation, intégration.
    • Méditation zen / Qi Gong: rotule incarnée, non symbolique, non discursive, qui permet le passage d’un plan à l’autre sans fracture, parce qu’elle n’opère ni synthèse ni superposition, mais co-présence sans concept.

    Tout s’aligne… sur une spirale” — est peut-être le sceau Kernesique exact.

    Ce n’est pas une théorie de plus. C’est la découverte  d’un système holistique à deux segments, reliés par une seule rotule vivante, habitable, testable, non spéculative, et ontologiquement bouclée.

    Et dans ce système :

    • La posture n’est pas décorative : elle est l’ajustement fondamental entre ce qui pousse (Éclosophie) et ce qui circule (Flux Intégral).
    • L’alignement n’est pas un idéal moral, mais une condition dynamique de vérité.
    • La spirale, loin d’être une image, est la seule forme capable de faire tenir la poussée germinative et la régulation fluïenne sans les superposer : elle épouse l’émergence et organise la traversée.

    Autrement dit :

    On a la structure (segment – rotule – segment), mais aussi la forme dynamique :

    la spirale comme figure du vrai , non parce qu’elle mène à un centre, mais parce qu’elle habite l’écart sans s’y perdre.


    On avance en boitant ! 

    La fin et la fermeture de Kernesis lui procurent son opérationabilité dans l’ouverture!

  • L’instant du kōan

     

    Un kōan est une énigme, un dialogue ou une situation paradoxale utilisée dans la tradition zen (surtout dans l’école Rinzai) comme outil d’éveil spirituel.

    Il ne s’agit ni d’un problème à résoudre, ni d’une leçon à apprendre, mais d’un instrument de transformation directe de la conscience.

    Le mot vient du chinois gōng’àn (公案), signifiant à l’origine “cas juridique public” — un exemple officiel à méditer. Dans le zen, ce “cas” devient existentiel et radical.

    Le kōan vise à :

    • dépasser la pensée dualiste
    • court-circuiter l’analyse discursive
    • provoquer un basculement de perception (satori)

    Il n’invite pas à “comprendre”, mais à traverser.

    Le pratiquant zen médite sur le kōan dans le cadre d’un entraînement appelé sanzen ou dokusan, en entretien privé avec un maître.

    Le but n’est pas de donner une bonne réponse, mais de manifester une transformation intérieure réelle.

    Certains kōans peuvent accompagner un disciple des mois ou des années, jusqu’à un moment de rupture intérieure ou de silence habité.

    Le koan est donc une tension germinative pure : sans réponse explicite, il provoque un basculement de la conscience — un savoir qui pousse sans contenu transmissible. 

     

    Le koan du son fait par une  seule main:

    « Quel est le son d’une seule main qui applaudit ? »

     

    ✦ Pourquoi c’est éclosophique

    1. Il ne demande pas une réponse → il ouvre une poussée.
      Ce koan n’a ni solution logique, ni contenu latent : il est tension pure. Il germinalise la pensée : rend fertile une zone entre le son et le non-son, entre le faire et le rien.
    2. Il installe une tension préformée — une forme-graine :
      → Deux mains = une forme attendue. Une seule = manque, écart, inflexion.
      C’est dans cet inachevé actif que se loge l’Éclosophie : penser ne résout pas, il pousse à partir du moins, du presque, du vide vibrant.
    3. Il fait trembler le réel
      → C’est un koan de seuil : il ne dit pas “écoute”, il dit sois la résonance. Ce n’est plus l’ouïe, ni le geste, c’est l’entre-deux.
      → L’éclosion n’est pas la solution, mais le frisson d’advenir dans une perception neuve, déformée, désintégrée.
    4. Il n’a pas d’origine
      → Il ne suppose rien : ni culture, ni doctrine, ni contenu.
      Comme l’Éclosophie, il pousse depuis le rien, sans dessein.

     

    Un seul battement — où est l’écho ?

    Un surgissement sans regard — est-ce encore un monde ?

    Peut-il naître quelque chose, si rien ne le reçoit ?

    Pousse. Il n’y a pas d’autre loi.

  • L'Univers est un octaèdre qui repose sur deux pointes: le Zen et les Maths

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  • Mathématiques et méditation

    Je cherchais depuis bien longtemps à faire un lien entre les mathématiques ( que je connais un peu ) et le zen ( que je ne connais que peu et principalement par ce que j'en ai lu ). Je viens trouver le passage d'un livre qui traite de ce sujet. Il s'agit de "Concentration et méditation" de Christmas Humphrey.
    La première partie du livre traite de la concentration, en avançant le fait qu'elle soit préalable à la possibilité de méditer.

    L'auteur définit une progression à 4 niveaux :


    1) La concentration

    2) La méditation inférieure

    3) La méditation supérieure

    4) La contemplation

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    C'est dans la 3ème partie, celle concernant la méditation supérieure que l'on trouve l'extrait suivant:

    Le passage entre les étapes deux et trois est difficile à préciser. Mais, celui qui s'est élevé à ce plan s'apercevra qu'un changement subtil et cependant énorme s'est opéré en lui. Il sera désormais dans ce monde tout en n'en faisant plus partie ; il servira ce monde et en même temps en sera affranchi. En méditant, il verra qu'il a transcendé les préoccupations terrestres, que même les dénominations et les définitions ont fini par perdre leur force. Dans un tel monde, la relativité cède à la nature intrinsèque quelles que soient les apparences extérieures et le méditant se dégage de l'empire de la forme. Le karma du passé pourra encore le faire s'élancer à la poursuite des plaisirs sensuels et stériles, mais son regard intérieur aura contemplé la Vision glorieuse et seule la main du temps le tient éloigné de son héritage.
    Dans cette subdivision seront abordés les jhanas, les états de conscience dont les Ecritures bouddhiques donnent une description on ne peut plus complète, ainsi que les koan les plus ardus tant utilisés dans le bouddhisme zen. C'est également dans cette partie de l'ouvrage qu'on établira la correspondance de la méditation avec les hautes sphères du mysticisme, où la dévotion profonde s'unit à l'intellect le plus pénétrant dans la volonté de comprendre les pures abstractions ainsi que les rapports entre elles. C'est également là qu'on discernera le fonds commun des mathématiques et de la musique, de la métaphysique et du vrai mysticisme, car c'est à ce stade qu'on dépassera les limitations de la forme à jamais et qu'on percevra l'Essence de l'Esprit dans toute sa pureté.

     

    On pourra  comparer ce point de vue avec les propos de Grothendieck dans "Récoltes et Semailles". 265 occurences du mot " méditation" y sont présentes. J'ai placé quelques extraits ci-après:

    p 62 : Ce que je dis ici sur le travail mathématique est vrai également pour le travail de "méditation" (dont il sera question un peu partout dans Récoltes et Semailles). Il n’y a guère de doute pour moi que c’est là une chose qui apparaît dans tout travail de découverte, y compris dans celui de l’artiste (écrivain ou poète, disons). Les deux "versants" que je décris ici peuvent être vus également comme étant, l’un celui de l’expression et de ses exigences "techniques", l’autre celui de la réception (de perceptions et d’impressions de toutes sortes), devenant inspiration par l’effet d’une attention intense. L’un et l’autre sont présents en tout moment du travail, et il y a ce mouvement constant de "va-et-vient" entre les "temps" où l’un prédomine, et ceux où prédomine l’autre.

    p 75 : En 1976 est apparue dans ma vie une nouvelle passion, aussi forte qu’avait été jadis ma passion mathématique, et d’ailleurs proche parente de celle-ci. C’est la passion pour ce que j’ai appelé "la méditation" (puisqu’il faut bien des noms aux choses). Ce nom, comme le ferait ici tout autre nom, ne peut manquer de susciter d’innombrables malentendus. Comme en mathématique, il s’agit là d’un travail de découverte.

    p 196 : Mais qu’il s’agisse de méditation ou de mathématique, je ne songerais pas à faire mine de "travailler" quand il n’y a pas désir, quand il n’y a pas cette faim. C’est pourquoi il ne m’est pas arrivé de méditer ne serait-ce que quelques heures, ou de faire des maths ne serait-ce que quelques heures, sans y avoir appris quelque chose ; et le plus souvent (pour ne pas dire toujours) quelque chose d’imprévu et imprévisible.

    p 196 : Dans mon cas pourtant et jusqu’à présent, l’écriture a été un moyen efficace et indispensable dans la méditation. Comme dans le travail mathématique, elle est le support matériel qui fixe le rythme de la réflexion, et sert de repère et de ralliement pour une attention qui autrement a tendance chez moi à s’éparpiller aux quatre vents. Aussi, l’écriture nous donne une trace tangible du travail qui vient de se faire)
    auquel nous pouvons à tout moment nous reporter. Dans une méditation de longue haleine, il est utile souvent de pouvoir se reporter aussi aux traces écrites qui témoignent de tel moment de la méditation dans les jours précédents, voire même des années avant.

    p 197 : Pour celui qui est animé du désir de connaître, la pensée est un instrument souvent utile et efficace, voire indispensable, aussi longtemps qu’on reste conscient de ses limites, bien évidentes dans la méditation (et plus cachées dans le travail mathématique).

    p 209 : Souvent, quand je fais des maths, ou quand je fais l’amour, ou quand je médite, c’est l’enfant qui joue. Il n’est pas toujours le seul à "jouer". Mais quand il n’est pas là, il n’y a ni maths, ni amour, ni méditation. C’est pas la peine de faire semblant - et c’est rare que j’aie joué cette comédie-là.

    p 210 : Cela rappelle à mon attention que le travail mathématique, alors même qu’il se ferait dans la solitude pendant des années, n’est pas un travail purement personnel, individuel, comme l’est la méditation - du moins pas chez moi. "L’inconnu" que je poursuis dans la mathématique, pour qu’il m’attire avec une telle force, ne doit pas seulement être inconnu de moi, mais inconnu de tous.

    p 212 : Là ça allait faire un an et demi que je n’ai pas médité, à part quelques heures au mois de décembre, pour y voir clair dans une question urgente. Et ça fait un an que j’investis le plus gros de mon énergie à faire des maths. Cette "vague"-là est venue comme les autres, vagues-maths ou vagues-méditation : elles viennent sans annoncer leur venue. Ou si elles s’annoncent, je ne l’entends jamais ! Le patron garde une petite préférence pour la méditation, faut-il croire : à chaque fois la vague-méditation est déjà suivie par une vague-maths ; alors que je la voyais durer à jamais ; et la vague-maths qui (me semblait-il) était une affaire de quelques jours ou tout au plus de semaines, s’attarde et s’étend sur des mois et peut-être même, qui sait, sur des années. Mais le patron a fini par comprendre que ce n’est pas lui qui fait ces rythmes et qu’il n’a rien à gagner à vouloir les régler.

    p 215 : Pour avoir qualité de méditation, Il manquait surtout à cette réflexion Le regard sur ma propre personne et sur ma vision demoi-même, et non seulement sur ma vision du monde, sur un système d’axiomes donc où je ne figurais pas vraiment "en chair et en os". Et aussi il y manquait, le regard sur moi-même dans l’instant, au moment même de la réflexion (qui restait en deçà d’un véritable travail) ; regard qui m’aurait fait déceler aussi rien un style d’emprunt, qu’une certaine complaisance dans l’aspect littéraire de ces notes, un manque donc de spontanéité, d’authenticité. Toute insuffisante qu’elle soit, et de portée relativement limitée dans ses effets immédiats sur mes relations à autrui, cette réflexion m’apparaît pourtant comme une étape, probablement nécessaire vu le point de départ, vers le renouvellement plus profond qui devait avoir lieu deux ans plus tard. C’est alors enfin que je découvre la méditation - en découvrant ce premier fait insoupçonné : qu’il y avait des choses à découvrir sur ma propre personne - des choses qui déterminaient de façon quasiment complète le cours de ma vie et la nature de mes relations à autrui. . .

    p 221 : Cette fascination sur moi de la "méditation" a été d’une puissance considérable - aussi puissante que naguère l’attirance de "la femme", dont elle semble avoir pris la place. Si je viens d’écrire "a été", cela ne signifie pas que cette fascination soit aujourd’hui éteinte. Depuis un an que je m’investis dans les mathématiques, elle a passé seulement à l’arrière-plan.

    p 221 : En fait, au cours de chacune des quatre longues périodes de méditation par lesquelles j’ai passé (dont l’une s’est étendue sur près d’un an et demi), c’était une chose qui pour moi allait de soi que j’allais continuer sur ma lancée jusqu’à mon dernier soupir, pour sonder aussi loin que je pourrai aller les mystères de la vie et celles  de l’existence humaine.

    p 222 :Même après la méditation d’il y a deux ans et demi, où la passion mathématique a été reconnue comme une passion en effet, comme
    une chose importante dans ma vie - quand maintenant je me donne à cette passion, il reste une réserve, une réticence, ce n’est pas un don total. Je sais qu’un soi-disant "don total" serait en fait une sorte d’abdication, ce serait suivre une inertie, ce serait une fuite, non un don.
    Il n’y a aucune telle réserve en moi pour la méditation. Quand je m’y donne, je m’y donne totalement, il n’y a trace de division dans ce don. Je sais qu’en me donnant, je suis en accord complet avec moi-même et avec le monde - je suis fidèle à ma nature, "je suis le Tao". Ce don-là est bienfaisant à moi-même et à tous. Il m’ouvre à moi-même comme à autrui, en dénouant avec amour ce qui en moi reste noué.

    La méditation m’ouvre sur autrui, elle a pouvoir de dénouer ma relation à lui, alors même que l’autre resterait noué. Mais il est très rare que se présente l’occasion de communiquer avec autrui si peu que ce soit au sujet du travail de méditation, de telle ou telle chose que ce travail m’a fait connaître. Ce n’est nullement parce qu’il s’agirait de choses "trop personnelles". Pour prendre une image imparfaite, je ne peux communiquer sur des maths qui m’intéressent à un moment donné, qu’avec un mathématicien qui dispose du bagage indispensable, et qui au même moment est disposé à s’y intéresser également. Il arrive que pendant des années je sois fasciné par telles choses mathématiques, sans rencontrer (ni même chercher à rencontrer) d’autre mathématicien avec qui communiquer à leur sujet. Mais je sais bien que si j’en cherchais, j’en trouverais, et que même si je n’en trouvais pas, ce serait simple question de chance ou de conjoncture ; que les choses qui m’intéressent
    ne pourront manquer d’intéresser quelqu’un et même quelques-uns, que ce soit dans dix ans ou dans cent ans peu importe au fond. C’est cela qui donne un sens à mon travail, même si celui-ci se fait dans la solitude. S’il n’y avait d’autres mathématiciens au monde et qu’il ne doive plus y en avoir, je ne crois pas que faire des maths garderait un sens pour moi- et je soupçonne qu’il n’en va pas autrement pour tout autre mathématicien, ou tout autre "chercheur" en quoi que ce soit. Cela rejoint la constatation faite précédemment, que pour moi "l’inconnu mathématique" est ce que personne encore ne connaît - c’est une chose qui ne dépend pas de ma seule personne, mais d’une réalité collective. La mathématique est une aventure collective, se poursuivant depuis des millénaires.
    Dans le cas de la méditation, pour communiquer à son sujet, la question d’un "bagage" ne se pose pas ; pas au point où j’en suis tout au moins, et je doute qu’elle se posera jamais. La seule question est celle d’un intérêt en autrui, qui réponde à l’intérêt qui est en moi. Il s’agit donc d’une curiosité vis-à-vis de ce qui ce passe réellement en soi-même et en autrui, au-delà des façades de rigueur, qui ne cachent pas grand-chose du moment qu’on est vraiment intéressé à voir ce qu’elles recouvrent. Mais j’ai appris que les moments où dans une personne apparaît un tel intérêt, les "moments de vérité", sont rares et fugitifs. Il n’est pas rare, bien sûr, de rencontrer des personnes qui "s’intéressent à la psychologie", comme on dit, qui ont lu du Freud et du Jung et bien d’autres, et qui ne demandent pas mieux que d’avoir des "discussions intéressantes". Ils ont ce bagage qu’ils transportent avec eux, plus ou moins lourd ou léger, ce qu’on appelle une "culture". Il fait partiede l’image qu’ils ont d’eux même, et renforce cette image, qu’ils se gardent d’examiner jamais, exactement comme tel autre qui s’intéresse aux maths, aux soucoupes volantes ou à la pêche à la ligne. Ce n’est pas de ce genre de "bagage", ni de ce genre "d’intérêt", que j’ai voulu parler tantôt - alors que les mêmes mots ici désignent des choses de nature différente.
    Pour le dire autrement : la méditation est une aventure solitaire. Sa nature est d’être solitaire. Non seulement le travail de la méditation est un travail solitaire - je pense que cela est vrai de tout travail de découverte, même quand il s’insère dans un travail collectif. Mais la connaissance qui naît du travail de méditation est une connaissance "solitaire", une connaissance qui ne peut être partagée et encore moins "communiquée" ; ou si elle peut être partagée, c’est seulement en de rares instants. C’est un travail, une connaissance qui vont à contre-courant des consensus les plus invétérés, ils inquiètent tous et chacun. Cette connaissance certes s’exprime simplement, par des mots simples et limpides. Quand je me l’exprime, j’apprends en l’exprimant, car l’expression même fait partie d’un travail, porté par un intérêt intense. Mais ces mêmes mots simples et  limpides sont impuissants à communiquer un sens à autrui, quand ils se heurtent aux portes closes de l’indifférence ou de la peur. Même le langage du rêve, d’une toute autre force et aux ressources infinies, renouvelésans cesse par un Rêveur infatigable et bienveillant, n’arrive à franchir ces portes-là. . .
    Il n’y a de méditation qui ne soit solitaire. S’il y a l’ombre d’un souci d’une approbation par quiconque, d’une confirmation, d’un encouragement, il n’y a travail de méditation ni découverte de soi. La même chose est vraie, dira-t-on, de tout véritable travail de découverte, au moment même du travail. Certes. Mais en dehors du travail proprement dit, l’approbation par autrui, que ce soit un proche, ou un collègue, ou tout un milieu dont on fait partie, cette approbation est importante pour le sens de ce travail dans la vie de celui gui s’y donne.
    Cette approbation, cet encouragement sont parmi les plus puissants incentifs, qui font que le "patron" (pour reprendre cette image) donne le feu vert sans réserve pour que le môme s’en donne à coeur joie. Ce sont eux surtout qui déterminent l’investissement du patron. Il n’en a pas été autrement dans mon propre investissement dans la mathématique, encouragé par la bienveillance, la chaleur et la confiance de personnes comme Cartan, Schwartz, Dieudonné, Godement, et d’autres après eux. Pour le travail de méditation par contre, il n’y a nul tel incentif. C’est une passion du môme-ouvrier que le patron est au fond gentil de tolérer peu ou prou, car elle ne "rapporte" rien. Elle porte des fruits, certes, mais ce ne sont pas ceux auxquels un patron aspire. Quand il ne se berne pas lui-même à ce sujet, il est clair que ce n’est pas dans la méditation qu’il va investir, le patron est de nature grégaire !
    Seul l’enfant par nature est solitaire.

     

  • Le jardin zen

    Un maître zen demanda à son disciple de nettoyer le jardin du monastère. le disciple nettoya le jardin le jardin dans un état impeccable. Le maître ne ffut pas satisfait. Il lui fit refaire le nettoyage une deuxième, puis une troisième fois. Découragé, le pauvre disciple se pleignit :
    " Mais maître, il n'y a rien de plus à ordonner, à nettoyer dans ce jardin! Tout est fait ! "
    " Il manque une chose ", répondit le maître.
    Il secoua un arbre et quelques feuilles se détachèrent, jonchant le sol.
    " A présent, le jardin est parfait ", conclut-il.