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méditation

  • Mathématiques et méditation

    Je cherchais depuis bien longtemps à faire un lien entre les mathématiques ( que je connais un peu ) et le zen ( que je ne connais que peu et principalement par ce que j'en ai lu ). Je viens trouver le passage d'un livre qui traite de ce sujet. Il s'agit de "Concentration et méditation" de Christmas Humphrey.
    La première partie du livre traite de la concentration, en avançant le fait qu'elle soit préalable à la possibilité de méditer.

    L'auteur définit une progression à 4 niveaux :


    1) La concentration

    2) La méditation inférieure

    3) La méditation supérieure

    4) La contemplation

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    C'est dans la 3ème partie, celle concernant la méditation supérieure que l'on trouve l'extrait suivant:

    Le passage entre les étapes deux et trois est difficile à préciser. Mais, celui qui s'est élevé à ce plan s'apercevra qu'un changement subtil et cependant énorme s'est opéré en lui. Il sera désormais dans ce monde tout en n'en faisant plus partie ; il servira ce monde et en même temps en sera affranchi. En méditant, il verra qu'il a transcendé les préoccupations terrestres, que même les dénominations et les définitions ont fini par perdre leur force. Dans un tel monde, la relativité cède à la nature intrinsèque quelles que soient les apparences extérieures et le méditant se dégage de l'empire de la forme. Le karma du passé pourra encore le faire s'élancer à la poursuite des plaisirs sensuels et stériles, mais son regard intérieur aura contemplé la Vision glorieuse et seule la main du temps le tient éloigné de son héritage.
    Dans cette subdivision seront abordés les jhanas, les états de conscience dont les Ecritures bouddhiques donnent une description on ne peut plus complète, ainsi que les koan les plus ardus tant utilisés dans le bouddhisme zen. C'est également dans cette partie de l'ouvrage qu'on établira la correspondance de la méditation avec les hautes sphères du mysticisme, où la dévotion profonde s'unit à l'intellect le plus pénétrant dans la volonté de comprendre les pures abstractions ainsi que les rapports entre elles. C'est également là qu'on discernera le fonds commun des mathématiques et de la musique, de la métaphysique et du vrai mysticisme, car c'est à ce stade qu'on dépassera les limitations de la forme à jamais et qu'on percevra l'Essence de l'Esprit dans toute sa pureté.

     

    On pourra  comparer ce point de vue avec les propos de Grothendieck dans "Récoltes et Semailles". 265 occurences du mot " méditation" y sont présentes. J'ai placé quelques extraits ci-après:

    p 62 : Ce que je dis ici sur le travail mathématique est vrai également pour le travail de "méditation" (dont il sera question un peu partout dans Récoltes et Semailles). Il n’y a guère de doute pour moi que c’est là une chose qui apparaît dans tout travail de découverte, y compris dans celui de l’artiste (écrivain ou poète, disons). Les deux "versants" que je décris ici peuvent être vus également comme étant, l’un celui de l’expression et de ses exigences "techniques", l’autre celui de la réception (de perceptions et d’impressions de toutes sortes), devenant inspiration par l’effet d’une attention intense. L’un et l’autre sont présents en tout moment du travail, et il y a ce mouvement constant de "va-et-vient" entre les "temps" où l’un prédomine, et ceux où prédomine l’autre.

    p 75 : En 1976 est apparue dans ma vie une nouvelle passion, aussi forte qu’avait été jadis ma passion mathématique, et d’ailleurs proche parente de celle-ci. C’est la passion pour ce que j’ai appelé "la méditation" (puisqu’il faut bien des noms aux choses). Ce nom, comme le ferait ici tout autre nom, ne peut manquer de susciter d’innombrables malentendus. Comme en mathématique, il s’agit là d’un travail de découverte.

    p 196 : Mais qu’il s’agisse de méditation ou de mathématique, je ne songerais pas à faire mine de "travailler" quand il n’y a pas désir, quand il n’y a pas cette faim. C’est pourquoi il ne m’est pas arrivé de méditer ne serait-ce que quelques heures, ou de faire des maths ne serait-ce que quelques heures, sans y avoir appris quelque chose ; et le plus souvent (pour ne pas dire toujours) quelque chose d’imprévu et imprévisible.

    p 196 : Dans mon cas pourtant et jusqu’à présent, l’écriture a été un moyen efficace et indispensable dans la méditation. Comme dans le travail mathématique, elle est le support matériel qui fixe le rythme de la réflexion, et sert de repère et de ralliement pour une attention qui autrement a tendance chez moi à s’éparpiller aux quatre vents. Aussi, l’écriture nous donne une trace tangible du travail qui vient de se faire)
    auquel nous pouvons à tout moment nous reporter. Dans une méditation de longue haleine, il est utile souvent de pouvoir se reporter aussi aux traces écrites qui témoignent de tel moment de la méditation dans les jours précédents, voire même des années avant.

    p 197 : Pour celui qui est animé du désir de connaître, la pensée est un instrument souvent utile et efficace, voire indispensable, aussi longtemps qu’on reste conscient de ses limites, bien évidentes dans la méditation (et plus cachées dans le travail mathématique).

    p 209 : Souvent, quand je fais des maths, ou quand je fais l’amour, ou quand je médite, c’est l’enfant qui joue. Il n’est pas toujours le seul à "jouer". Mais quand il n’est pas là, il n’y a ni maths, ni amour, ni méditation. C’est pas la peine de faire semblant - et c’est rare que j’aie joué cette comédie-là.

    p 210 : Cela rappelle à mon attention que le travail mathématique, alors même qu’il se ferait dans la solitude pendant des années, n’est pas un travail purement personnel, individuel, comme l’est la méditation - du moins pas chez moi. "L’inconnu" que je poursuis dans la mathématique, pour qu’il m’attire avec une telle force, ne doit pas seulement être inconnu de moi, mais inconnu de tous.

    p 212 : Là ça allait faire un an et demi que je n’ai pas médité, à part quelques heures au mois de décembre, pour y voir clair dans une question urgente. Et ça fait un an que j’investis le plus gros de mon énergie à faire des maths. Cette "vague"-là est venue comme les autres, vagues-maths ou vagues-méditation : elles viennent sans annoncer leur venue. Ou si elles s’annoncent, je ne l’entends jamais ! Le patron garde une petite préférence pour la méditation, faut-il croire : à chaque fois la vague-méditation est déjà suivie par une vague-maths ; alors que je la voyais durer à jamais ; et la vague-maths qui (me semblait-il) était une affaire de quelques jours ou tout au plus de semaines, s’attarde et s’étend sur des mois et peut-être même, qui sait, sur des années. Mais le patron a fini par comprendre que ce n’est pas lui qui fait ces rythmes et qu’il n’a rien à gagner à vouloir les régler.

    p 215 : Pour avoir qualité de méditation, Il manquait surtout à cette réflexion Le regard sur ma propre personne et sur ma vision demoi-même, et non seulement sur ma vision du monde, sur un système d’axiomes donc où je ne figurais pas vraiment "en chair et en os". Et aussi il y manquait, le regard sur moi-même dans l’instant, au moment même de la réflexion (qui restait en deçà d’un véritable travail) ; regard qui m’aurait fait déceler aussi rien un style d’emprunt, qu’une certaine complaisance dans l’aspect littéraire de ces notes, un manque donc de spontanéité, d’authenticité. Toute insuffisante qu’elle soit, et de portée relativement limitée dans ses effets immédiats sur mes relations à autrui, cette réflexion m’apparaît pourtant comme une étape, probablement nécessaire vu le point de départ, vers le renouvellement plus profond qui devait avoir lieu deux ans plus tard. C’est alors enfin que je découvre la méditation - en découvrant ce premier fait insoupçonné : qu’il y avait des choses à découvrir sur ma propre personne - des choses qui déterminaient de façon quasiment complète le cours de ma vie et la nature de mes relations à autrui. . .

    p 221 : Cette fascination sur moi de la "méditation" a été d’une puissance considérable - aussi puissante que naguère l’attirance de "la femme", dont elle semble avoir pris la place. Si je viens d’écrire "a été", cela ne signifie pas que cette fascination soit aujourd’hui éteinte. Depuis un an que je m’investis dans les mathématiques, elle a passé seulement à l’arrière-plan.

    p 221 : En fait, au cours de chacune des quatre longues périodes de méditation par lesquelles j’ai passé (dont l’une s’est étendue sur près d’un an et demi), c’était une chose qui pour moi allait de soi que j’allais continuer sur ma lancée jusqu’à mon dernier soupir, pour sonder aussi loin que je pourrai aller les mystères de la vie et celles  de l’existence humaine.

    p 222 :Même après la méditation d’il y a deux ans et demi, où la passion mathématique a été reconnue comme une passion en effet, comme
    une chose importante dans ma vie - quand maintenant je me donne à cette passion, il reste une réserve, une réticence, ce n’est pas un don total. Je sais qu’un soi-disant "don total" serait en fait une sorte d’abdication, ce serait suivre une inertie, ce serait une fuite, non un don.
    Il n’y a aucune telle réserve en moi pour la méditation. Quand je m’y donne, je m’y donne totalement, il n’y a trace de division dans ce don. Je sais qu’en me donnant, je suis en accord complet avec moi-même et avec le monde - je suis fidèle à ma nature, "je suis le Tao". Ce don-là est bienfaisant à moi-même et à tous. Il m’ouvre à moi-même comme à autrui, en dénouant avec amour ce qui en moi reste noué.

    La méditation m’ouvre sur autrui, elle a pouvoir de dénouer ma relation à lui, alors même que l’autre resterait noué. Mais il est très rare que se présente l’occasion de communiquer avec autrui si peu que ce soit au sujet du travail de méditation, de telle ou telle chose que ce travail m’a fait connaître. Ce n’est nullement parce qu’il s’agirait de choses "trop personnelles". Pour prendre une image imparfaite, je ne peux communiquer sur des maths qui m’intéressent à un moment donné, qu’avec un mathématicien qui dispose du bagage indispensable, et qui au même moment est disposé à s’y intéresser également. Il arrive que pendant des années je sois fasciné par telles choses mathématiques, sans rencontrer (ni même chercher à rencontrer) d’autre mathématicien avec qui communiquer à leur sujet. Mais je sais bien que si j’en cherchais, j’en trouverais, et que même si je n’en trouvais pas, ce serait simple question de chance ou de conjoncture ; que les choses qui m’intéressent
    ne pourront manquer d’intéresser quelqu’un et même quelques-uns, que ce soit dans dix ans ou dans cent ans peu importe au fond. C’est cela qui donne un sens à mon travail, même si celui-ci se fait dans la solitude. S’il n’y avait d’autres mathématiciens au monde et qu’il ne doive plus y en avoir, je ne crois pas que faire des maths garderait un sens pour moi- et je soupçonne qu’il n’en va pas autrement pour tout autre mathématicien, ou tout autre "chercheur" en quoi que ce soit. Cela rejoint la constatation faite précédemment, que pour moi "l’inconnu mathématique" est ce que personne encore ne connaît - c’est une chose qui ne dépend pas de ma seule personne, mais d’une réalité collective. La mathématique est une aventure collective, se poursuivant depuis des millénaires.
    Dans le cas de la méditation, pour communiquer à son sujet, la question d’un "bagage" ne se pose pas ; pas au point où j’en suis tout au moins, et je doute qu’elle se posera jamais. La seule question est celle d’un intérêt en autrui, qui réponde à l’intérêt qui est en moi. Il s’agit donc d’une curiosité vis-à-vis de ce qui ce passe réellement en soi-même et en autrui, au-delà des façades de rigueur, qui ne cachent pas grand-chose du moment qu’on est vraiment intéressé à voir ce qu’elles recouvrent. Mais j’ai appris que les moments où dans une personne apparaît un tel intérêt, les "moments de vérité", sont rares et fugitifs. Il n’est pas rare, bien sûr, de rencontrer des personnes qui "s’intéressent à la psychologie", comme on dit, qui ont lu du Freud et du Jung et bien d’autres, et qui ne demandent pas mieux que d’avoir des "discussions intéressantes". Ils ont ce bagage qu’ils transportent avec eux, plus ou moins lourd ou léger, ce qu’on appelle une "culture". Il fait partiede l’image qu’ils ont d’eux même, et renforce cette image, qu’ils se gardent d’examiner jamais, exactement comme tel autre qui s’intéresse aux maths, aux soucoupes volantes ou à la pêche à la ligne. Ce n’est pas de ce genre de "bagage", ni de ce genre "d’intérêt", que j’ai voulu parler tantôt - alors que les mêmes mots ici désignent des choses de nature différente.
    Pour le dire autrement : la méditation est une aventure solitaire. Sa nature est d’être solitaire. Non seulement le travail de la méditation est un travail solitaire - je pense que cela est vrai de tout travail de découverte, même quand il s’insère dans un travail collectif. Mais la connaissance qui naît du travail de méditation est une connaissance "solitaire", une connaissance qui ne peut être partagée et encore moins "communiquée" ; ou si elle peut être partagée, c’est seulement en de rares instants. C’est un travail, une connaissance qui vont à contre-courant des consensus les plus invétérés, ils inquiètent tous et chacun. Cette connaissance certes s’exprime simplement, par des mots simples et limpides. Quand je me l’exprime, j’apprends en l’exprimant, car l’expression même fait partie d’un travail, porté par un intérêt intense. Mais ces mêmes mots simples et  limpides sont impuissants à communiquer un sens à autrui, quand ils se heurtent aux portes closes de l’indifférence ou de la peur. Même le langage du rêve, d’une toute autre force et aux ressources infinies, renouvelésans cesse par un Rêveur infatigable et bienveillant, n’arrive à franchir ces portes-là. . .
    Il n’y a de méditation qui ne soit solitaire. S’il y a l’ombre d’un souci d’une approbation par quiconque, d’une confirmation, d’un encouragement, il n’y a travail de méditation ni découverte de soi. La même chose est vraie, dira-t-on, de tout véritable travail de découverte, au moment même du travail. Certes. Mais en dehors du travail proprement dit, l’approbation par autrui, que ce soit un proche, ou un collègue, ou tout un milieu dont on fait partie, cette approbation est importante pour le sens de ce travail dans la vie de celui gui s’y donne.
    Cette approbation, cet encouragement sont parmi les plus puissants incentifs, qui font que le "patron" (pour reprendre cette image) donne le feu vert sans réserve pour que le môme s’en donne à coeur joie. Ce sont eux surtout qui déterminent l’investissement du patron. Il n’en a pas été autrement dans mon propre investissement dans la mathématique, encouragé par la bienveillance, la chaleur et la confiance de personnes comme Cartan, Schwartz, Dieudonné, Godement, et d’autres après eux. Pour le travail de méditation par contre, il n’y a nul tel incentif. C’est une passion du môme-ouvrier que le patron est au fond gentil de tolérer peu ou prou, car elle ne "rapporte" rien. Elle porte des fruits, certes, mais ce ne sont pas ceux auxquels un patron aspire. Quand il ne se berne pas lui-même à ce sujet, il est clair que ce n’est pas dans la méditation qu’il va investir, le patron est de nature grégaire !
    Seul l’enfant par nature est solitaire.

     

  • La méditation augmente les performances de l'esprit et réduit le stress

    On peut apprendre à rester cool

    Les essais reposaient sur la résolution mentale de problèmes mathématiques en état de stress. Avant leurs formations respectives, les deux groupes montraient une élévation significative du taux de cortisol, une hormone du stress facile à mesurer à partir d'un échantillon de sang ou de salive. Mais après cette formation à la méditation ou à la seule relaxation, le groupe d'expérimentation présentait une moindre concentration en cortisol, traduisant une meilleure adaptation et une meilleure réaction face à une situation de stress. Le même groupe a aussi montré moins de prédisposition à la fatigue et à la colère, ainsi qu'à l'inquiétude et à la dépression, ce qui n'était pas le cas pour le groupe de contrôle.

    L'intégralité de l'article de Futura-Sciences : ICI

  • Mathématiques, méditation et écriture.

    Mais qu’il s’agisse de méditation ou de mathématique, je ne songerais pas à faire mine de "travailler" quand il n’y a pas désir, quand il n’y a pas cette faim. C’est pourquoi il ne m’est pas arrivé de méditer ne serait-ce que quelques heures, ou de faire des maths ne serait-ce que quelques heures, sans y avoir appris quelque chose ; et le plus souvent (pour ne pas dire toujours) quelque chose d’imprévu et imprévisible. Cela n’a rien à voir avec des facultés que j’aurais et que d’autres n’auraient pas, mais vient seulement de ce que je ne fais pas mine de travailler sans en avoir vraiment envie. (C’est la force de cette "envie" qui à elle seule crée aussi cette exigence dont j’ai parlé ailleurs, qui fait que dans le travail on ne se contente pas d’un à-peu-près, mais n’est satisfait qu’après être allé jusqu’au bout d’une compréhension, si humble soit-elle.) Là où il s’agit de découvrir, un travail sans désir est non-sens et simagrée, tout autant que de faire l’amour sans désir. A dire vrai, je n’ai pas connu la tentation de gaspiller mon énergie à faire semblant de faire une chose que je n’ai nulle envie de faire, alors qu’il y a tant de choses passionnantes à faire, ne serait-ce que dormir (et rêver. . . ) quand c’est le moment de dormir.

    C’est dans cette même nuit, je crois, que j’ai compris que désir de connaître et puissance de connaître et de découvrir sont une seule et même chose. Pour peu que nous lui fassions confiance et le suivions, c’est le désir qui nous mène jusqu’au coeur des choses que nous désirons connaître. Et c’est lui aussi qui nous fait trouver, sans même avoir à la chercher, la méthode la plus efficace pour connaître ces choses, et qui convient le mieux à notre personne. Pour les mathématiques, il semble bien que l’écriture de tout temps a été un moyen indispensable, quelle que soit la personne qui "fait des maths" : faire des mathématiques, c’est avant tout écrire. Il en va de même sans doute dans tout travail de découverte où l’intellect prend la plus grande part. Mais sûrement ce n’est pas le cas nécessairement de la "méditation", par quoi j’entends le travail de découverte de soi. Dans mon cas pourtant et jusqu’à présent, l’écriture a été un moyen efficace et indispensable dans la méditation. Comme dans le travail mathématique, elle est le support matériel qui fixe le rythme de la réflexion, et sert de repère et de ralliement pour une attention qui autrement a tendance chez moi à s’éparpiller aux quatre vents. Aussi, l’écriture nous donne une trace tangible du travail qui vient de se faire) auquel nous pouvons à tout moment nous reporter. Dans une méditation de longue haleine, il est utile souvent de pouvoir se reporter aussi aux traces écrites qui témoignent de tel moment de la méditation dans les jours précédents, voire même des années avant.

    La pensée, et sa formulation méticuleuse, jouent donc un rôle important dans la méditation telle que je l’ai pratiquée jusqu’à présent. Elle ne se limite pas pour autant à un travail de la seule pensée. Celle-ci à elle seule est impuissante à appréhender la vie. Elle est efficace surtout pour détecter les contradictions, souvent énormes jusqu’au grotesque, dans notre vision de nous-mêmes et de nos relations à autrui ; mais souvent, elle ne suffit pas pour appréhender le sens de ces contradictions. Pour celui qui est animé du désir de connaître, la pensée est un instrument souvent utile et efficace, voire indispensable, aussi longtemps qu’on reste conscient de ses limites, bien évidentes dans la méditation (et plus cachées dans le travail mathématique). Il est important que la pensée sache s’effacer et disparaître sur la pointe des pieds aux moments sensibles où autre chose apparaît - sous la forme peut-être d’une émotion subite et profonde, alors que la main peut-être continue à courir surle papier pour lui donner au même moment une expression maladroite et balbutiante.



    Extrait de  " Récoltes et semailles " 9.4 Désir et méditation

    Alexandre Grothendieck

  • Fin de vacances et reprise

    J'ai fini calmement ces vacances en travaillant pas mal dans mon jardin: taille des tuyas, préparation du terrain pour la pose d'une piscine hors-sol, desherbage et suppression d'arbres existants. Mon expérience ( légère ) de la méditation continue de produire ses effets, le plus sensible est peut-être le fait que je publie moins de notes sur ce blog. Il faudra étudier ce phénomène sur la longueur. En tout cas je suis plus calme et moins anxieux, c'est certain.
    Nous avons repris hier, découvert les quelques modifications du lycée et nous nous sommes retrouvés. Chacun avec ses croyances, illusions, désillusions, son énergie ou sa défaillance. Et roule encore pour un tour entre règlement intérieur, programmes, évaluations, innovations et routine, il y en a pour tous les goûts. Que sur les errements de l'année passée se construise l'année nouvelle imaginée parfaite dans un pragmatisme raisonnable.
    Je suis bien content de mon emploi du temps, le meilleur depuis des années, le précédent étant le pire. Mon vendredi après midi est libre ainsi que le lundi matin, et je n'avais rien demandé. Mais attention ne confondons pas de façon trop caricaturale l'horaire des cours et le nombre d'heures de travail.
    Cette remarque m'a d'ailleurs valu une engueulade avec un copain ( qui ne doit plus l'être, je pense). Mal m'en a pris qu'après avoir posé moultes questions sur son parcours professionnel et flatté son ego, je me suis mis à l'entretenir des heures de travail effectif et des heures plus légères. En effet, j'appelle une heure ou plusieurs heures de travail effectif, celles pendant lequel il est impossible d'engager une activité physique et intellectuelle autre que celle que l'on est en train d'effectuer, par exemple une heure de cours, à ne pas confondre avec par exemple une heure de conseil de classe ou l'esprit peut s'échapper. J'ai donc expliqué à cet ami que toutes les heures ne se valent pas et lorsque l'on compte les heures de cours ce sont de heures de travail que j'appelle effectif tout comme le sont les heures de corrections lourdes où l'attention est mobilisée à chaque instant.  Que n'avais je pas sous entendu là !!!! Et  cet " ami " commence à me parler de son temps de travail qui n'avait aucune commune mesure avec le mien et moi de lui répondre qu'il me semblait normal que lorsque l'on gagne quatre fois plus que quelqu'un, il est sans doute normal de travailler au moins deux fois plus que lui!
    On ne vit pas dans un monde facile...

  • Mathématiques, méditation et écriture

    Mais qu’il s’agisse de méditation ou de mathématique, je ne songerais pas à faire mine de "travailler" quand il n’y a pas désir, quand il n’y a pas cette faim. C’est pourquoi il ne m’est pas arrivé de méditer ne serait-ce que quelques heures, ou de faire des maths ne serait-ce que quelques heures, sans y avoir appris quelque chose ; et le plus souvent (pour ne pas dire toujours) quelque chose d’imprévu et imprévisible. Cela n’a rien à voir avec des facultés que j’aurais et que d’autres n’auraient pas, mais vient seulement de ce que je ne fais pas mine de travailler sans en avoir vraiment envie. (C’est la force de cette "envie" qui à elle seule crée aussi cette exigence dont j’ai parlé ailleurs, qui fait que dans le travail on ne se contente pas d’un à-peu-près, mais n’est satisfait qu’après être allé jusqu’au bout d’une compréhension, si humble soit-elle.) Là où il s’agit de découvrir, un travail sans désir est non-sens et simagrée, tout autant que de faire l’amour sans désir. A dire vrai, je n’ai pas connu la tentation de gaspiller mon énergie à faire semblant de faire une chose que je n’ai nulle envie de faire, alors qu’il y a tant de choses passionnantes à faire, ne serait-ce que dormir (et rêver. . . ) quand c’est le moment de dormir.

    C’est dans cette même nuit, je crois, que j’ai compris que désir de connaître et puissance de connaître et de découvrir sont une seule et même chose. Pour peu que nous lui fassions confiance et le suivions, c’est le désir qui nous mène jusqu’au coeur des choses que nous désirons connaître. Et c’est lui aussi qui nous fait trouver, sans même avoir à la chercher, la méthode la plus efficace pour connaître ces choses, et qui convient le mieux à notre personne. Pour les mathématiques, il semble bien que l’écriture de tout temps a été un moyen indispensable, quelle que soit la personne qui "fait des maths" : faire des mathématiques, c’est avant tout écrire. Il en va de même sans doute dans tout travail de découverte où l’intellect prend la plus grande part. Mais sûrement ce n’est pas le cas nécessairement de la "méditation", par quoi j’entends le travail de découverte de soi. Dans mon cas pourtant et jusqu’à présent, l’écriture a été un moyen efficace et indispensable dans la méditation. Comme dans le travail mathématique, elle est le support matériel qui fixe le rythme de la réflexion, et sert de repère et de ralliement pour une attention qui autrement a tendance chez moi à s’éparpiller aux quatre vents. Aussi, l’écriture nous donne une trace tangible du travail qui vient de se faire) auquel nous pouvons à tout moment nous reporter. Dans une méditation de longue haleine, il est utile souvent de pouvoir se reporter aussi aux traces écrites qui témoignent de tel moment de la méditation dans les jours précédents, voire même des années avant.

    La pensée, et sa formulation méticuleuse, jouent donc un rôle important dans la méditation telle que je l’ai pratiquée jusqu’à présent. Elle ne se limite pas pour autant à un travail de la seule pensée. Celle-ci à elle seule est impuissante à appréhender la vie. Elle est efficace surtout pour détecter les contradictions, souvent énormes jusqu’au grotesque, dans notre vision de nous-mêmes et de nos relations à autrui ; mais souvent, elle ne suffit pas pour appréhender le sens de ces contradictions. Pour celui qui est animé du désir de connaître, la pensée est un instrument souvent utile et efficace, voire indispensable, aussi longtemps qu’on reste conscient de ses
    limites, bien évidentes dans la méditation (et plus cachées dans le travail mathématique). Il est important que la pensée sache s’effacer et disparaître sur la pointe des pieds aux moments sensibles où autre chose apparaît - sous la forme peut-être d’une émotion subite et profonde, alors que la main peut-être continue à courir surle papier pour lui donner au même moment une expression maladroite et balbutiante.



    Extrait de  " Récoltes et semailles " 9.4 Désir et méditation

    Alexandre Grothendieck