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Pensées - Page 7

  • Dis c'est quoi l'algorithmique ?

    Alors que nous étions en train de manger, les conversations allaient bon train et dans tous les sens. Entre les ours du zoo, les caricatures des copains et la traversée de la baie du mont Saint-Michel, arriva au beau milieu du brouhaha généralisé, la réforme du lycée et l'algorithmique, lorsqu'une question simple me fut posée par un enfant de 11 ans et des poussières:

    Dis c'est quoi l'algorithmique ?

    Je pense qu'il est naturel dans la tête d'un enfant  que des positions claires correspondent à des définitions claires !

    Pour répondre le plus rapidement possible, j'ai transformé mon petit interlocuteur en compteur incrémentiel qui devait ajouter un, alors qu'après chaque nombre j'avais pour mission de lever le bras. J'ai ensuite fixé une procédure d'arrêt en lui disant que tant qu'il ne dépassait pas 10, je levais le bras.

    Et vous, qu'auriez vous dit sans réflexion préalable au milieu de ce repas ?

  • Le sacrifice de la géométrie sur l'autel numérique

    Le tonnerre gronde sur le monde de l'enseignement des mathématiques et dans la communauté mathématique en général. Il serait question de supprimer l'enseignement de la géométrie en classe de seconde à partir de l'année prochaine, du moins dans sa forme classique et pure.

    Les protestations sont vives, pointant du doigt le manque qui serait associé au défaut de la pratique géométrique par les jeunes lycéens, dans la formation des esprits et le développement d'outils et de raisonnements essentiels au monde mathématique.

    Bien plus qu'anecdotique, l'abandon de la géométrie multi-millénaire est symbolique et sonne comme le témoin d'une société en pleine mutation où le rapport au numérique est devenu prépondérant. La France, citée parfois comme terre des mathématiques semble être comme coincée entre tradition et adaptation au monde qu'elle a contribué en grande partie à modeler.

    Apprendre à raisonner de façon "traditionnelle" ou raisonner à partir d'objets numériques entièrement crées par l'ordinateur, voilà une nouvelle croisée des chemins qui définit la pensée humaine non plus exclusivement de façon absolue et directement en contact avec les objets mathématiques mais de façon relative, c'est à dire en contact avec des objets que cette même pensée peut créer numériquement.

    L'homme est-t-il donc aujourd'hui un "homo sapiens absolutis" ou un "homo numericus relativis" ?

    Voilà donc apparaître au travers des changements de programmes de mathématiques et la difficile insertion des Tices dans l'éducation, une question philosophique majeure. L'homme doit-il  encore se penser et penser de façon absolue ou de façon relative au monde numérique de plus en plus omniprésent et complexe qu'il créé et qui devient  plus efficace chaque jour?

    Sous cette problématique se projettent dans l'espace pédagogique, des questions qui n'en sont pas moins fondamentales : que devient un exo de maths, un devoir maison, une connaissance et un savoir faire mathématique dans le monde médiatisé par le numérique? L'honnête homme futur devra-t-il plutôt être en mesure de traiter un problème de façon absolue, c'est à dire de développer le formalisme et le code qui lui permettront d'accéder à la réponse ou bien le traiter de façon relative, c'est à dire médiatisé par et dans le monde numérique ?

    Que devient la figure de l'enseignant ?

    Le professeur d'anglais doit-il s'armer de patience pour corriger les défauts des sites de traduction en ligne récupérés sur les fichiers des élèves, le professeur de philo doit-il devenir un expert dans le plagiat de dissertations et celui de mathématiques un expert des contresens liés à l'interprétation et à l'utilisation de résultats  produits de façon numérique ?

    Sous cet angle, la disparition plus ou moins rapide de la géométrie des programmes d'enseignement marquerait une rupture symbolique profonde dans la philosophie de la transmission française mais il serait faux de croire que la géométrie des anciens a toujours été en odeur de sainteté dans l'enseignement. Au début du XVIIIème, certains prêtres la considéraient comme dangereuse, trop proche du sensible,  alors que le calcul moins visuel, développait mieux les capacités d'abstraction (et donc rapprochait de Dieu). La géométrie était vue comme utilitaire, elle était plus associée au calcul de la longueur des fortifications et de la trajectoire des obus qu'à celui de l'aire des lunules d'Hypocrate. Je ne vais pas refaire ici toute l'histoire de l'enseignement de la géométrie mais il me semble bien  qu'elle fut aussi un peu remisée lors de la volonté d'enseignement des maths modernes et puis elle est revenue après, comme témoin de la beauté et de la pureté du raisonnement que les collégiens entraperçoivent sous la forme du tryptique : " je sais que... j'applique... je conclue...".

    La rupture est celle d'accepter qu'aujourd'hui l'homme "post-moderne" est médiatisé par l'univers numérique et doit se vivre au travers lui.

    Un symptome de cette évolution est le fait que You Tube est aujourd'hui le deuxième moteur de recherche juste après Google ( ICI ). Il semble donc inexorable que l'humanité va de plus en plus tendre à se représenter elle même de façon numérique.

    Alors qu'est ce que raisonner dans le monde de demain ? En quoi les mathématiques peuvent-elles être un apport fiable à la future investigation rationnelle et quantifiée? Les raisonnements historiques sont-ils toujours utiles dans le monde numérique médiatisé? Le raisonnement pur et formel est-il un préalable à d'autres formes plus évoluées et complexes d'approches? Est-il incontournable ou au contraire est-ce un frein piégeant et enfermant la pensée dans un système hypothético-déductif trop rigide pour accéder aux connaissances de demain?

    Qu'est-ce que faire des mathématiques demain?

    Est-ce faire un raisonnement géométrique, savoir factoriser... savoir se débrouiller seul ou par soi-même ?

    Est-ce mutualiser, associer, comparer, former un groupe et travailler ensemble en poursuivant un but préalablement fixé et utiliser la diversité des compétences de chacun pour élever le niveau moyen du groupe et réaliser l'objectif?

    Est-ce faire intervenir l'incontournable monde numérique dans toute démarche et prise de décision ?

    Montrer que les trois médiatrices d'un triangles sont concourantes relève de la géométrie élémentaire ( ce n'est pas pour cela que retrouver la démonstration l'est...) alors doit-on attendre de l'érudit de demain qu'il sache faire la démonstration, qu'il connaisse son existence ou qu'il sache la retrouver sur le net en étant capable de déterminer sa fiabilité ?

    Que peut-on dire  sur ce qui relève aujourd'hui de l'enseignement de la jeune génération pour la préparer à la vie de demain : mieux vaut-il lui apprendre à démontrer, lui délivrer une culture générale au sujet de la démonstration ou lui apprendre à vérifier, valider et comprendre un contenu proposé de façon numérique?

    Franchement, je n'ai pas la réponse et je crois que les trois aspects sont tout aussi importants.

    La géométrie et son possible abandon est ici un prétexte pour faire émerger la réflexion de la médiatisation de l'humain par le numérique. Internet et plus généralement un environnement numérique connecté n'est pas un média chaud comme la télé où l'on se place devant et que l'on consomme mais un média froid auquel l'humain participe, que l'humain utilise et par lequel il se médiatise. La fusion de l'objet et du sujet dans le monde numérique est une question philosophique centrale qui déborde largement du cadre de l'enseignement mais l'englobe aussi entièrement et le place devant la difficile tâche de devoir répondre un peu seul à la question:

    " Qu'est-ce que le savoir de l'homme dans une société technologique, dans laquelle il est médiatisé par et dans le monde numérique ? ".

     

    "Tout ce que..." / "All you want..." 7/12 To be continued...

    Photo : Rémy Saglier Doubleray

  • Quelques réflexions supplémentaires sur une future réforme du lycée

    Une réforme du lycée en mathématiques sera, de mon point de vue,  majeure si les contenus proposés sont assortis de réelles nouveautés dans la façon d'enseigner, de motiver les élèves, de les entraîner, de réorganiser la classe, de définir des exigences et les moyens de transmission des connaissances et des techniques, de proposer et d'imposer des laboratoires de mathématiques comme ils existent déjà en physique et en SVT. Il faudrait  que des nouveautés pédagogiques apparaissent clairement dans les ouvrages ou sur le Net et soient citées dans le corps du texte officiel. Il pourrait être intéressant de demander à ce qu'apparaissent dans les nouveaux manuels et les programmes, des formulations qui ne s'adressent pas à l'élève seul mais aussi à un petit groupe d'élèves homogène ou hétérogène, que de réelles pistes motivantes soient trouvées et que ce ne soit pas toujours le prof, seul dans son coin avec sa classe, qui soit invariablement à l'origine de la demande vers le groupe, mais que celle-ci puisse parfois être développée et prise en charge par les élèves eux-mêmes. On peut penser à l'écriture ou la réécriture, individuelle ou collective d'un cours avec certaines contraintes à partir d'un manuel ou du net par les élèves, la publication en ligne, trouver des exemples l'illustrant, réaliser un exercice "lourd" en mettant en commun plusieurs groupes. Autant d'idées possibles qui peuvent se développer mais dont le professeur ne doit pas être à chaque fois l'artisan. Pour cela, il faut réorganiser les espaces, certaines heures de classe, construire différemment les manuels, ne pas les concevoir comme un cumul de chapitres que l'on doit égrainer un à un jusqu'à épuisement du prof, de la classe ou du temps, penser à la publication en ligne ( coté prof et coté élèves) et concevoir qu'un même exercice doit impérativement se rédiger sous diverses formes, tout comme on peut traiter un problème mathématique avec la géométrie pure ou la géométrie analytique.

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  • Tout le monde a raison

    Texte que j'ai publié sur le site de l'APMEP au sujet du projet de réforme de l'enseignement des mathématiques

     

    Un débat s'est ouvert en ce qui concerne la réforme des programmes de mathématiques du lycée en France. On arrive, en forçant à peine le trait, à deux schémas de pensée principaux : il faut que ça change car le lycée est injuste et ne satisfait pas aux besoins primaires en matière d'ouverture et d'orientation et d'autre part, il faut revenir à un système plus lisible où l'on définit clairement les exigences et l'on marque le lycée de connaissances jalonnées et précises de façon à faire émerger les compétences du futur étudiant. C'est particulièrement vrai en mathématiques, matière cumulative depuis le primaire, où l'on ne cesse de voir s'agiter (et d'agiter) le spectre de la dictature des maths dans les médias ou le mythe de la formation du futur scientifique que l'on prépare dans le chaudron de nos cours répétés.

    De plus, en apportant son lot d'informations et de biais, les études PISA permettent une comparaison internationale des systèmes éducatifs, montrant entre autre, que la France peine avec ses lycéens qui sont le plus en difficulté.

    On retrouve cette ligne de fracture et les éléments de cette brève analyse dans les premiers commentaires que j'ai lus ici. Ces différentes positions peuvent parfois être traduites en opinions politiques, en dénonçant en passant leur usage par des « adversaires ».

    On pourra remarquer que les progressistes auront un point de vue externaliste en argumentant sur le fait qu'il est plutôt nécessaire former le futur citoyen à la culture scientifique et que le lycée n'est pas une gare de triage par les mathématiques. Les conservateurs auront, quant à eux, un point de vue plus internaliste, en avançant le fait que l'on ne peut pas faire de mathématiques sans technique, sans "matière" et que c'est un leurre et de la démagogie, de vouloir faire croire à l'ensemble de la population lycéenne et plus généralement à toute la population, que ce pourrait être le cas.

    Vu sous cet angle, on peut dire que tout le monde à raison.

    Mais quatre facteurs principaux doivent être pris en compte avant de parler du contenu propre des programmes :

    1) La modification profonde des structures familiales influant directement sur la quantité de travail personnel et la concentration dans et en dehors des murs du lycée.

    2) La massification engagée depuis plus de 20 ans qui atteint maintenant « sa vitesse de croisière ».

    3) L'accès au lycée clairement démocratique en France.

    4) Une structure post-bac très spécifique en France mélant hyper-sélection précoce et sélection étagée, dans des domaines réservés ou non ( prendre l'exemple des sciences avec l'université et les prépas, le droit avec les seules universités, médecine, les BTS et IUT).

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  • Le décalage...

    L'annonce d'une réforme de l'enseignement des mathématiques devrait susciter une cascade de commentaires sur Internet à la hauteur de ce qu'il est habituel d'entendre soit en salle des profs, soit au travers des manifestations concernant le monde enseignant.

    Force est de constater que, si il y a bien annonce de réforme et si l'APMEP a demandé que toute modification concernant les programmes soit débattue avant d'être appliquée, 2 ans à l'avance, les débats ne font pas rage ni sur la blogosphère , ni sur les forums de discussion.

    4 blogs de maths ont annoncé la réforme avec sur chacun d'entre eux une  note plus ou moins approndie et un fil de commentaires (6 pour l'instant sur le site de l'APMEP).

    Si je compte bien cela fait pour toute la France, une dizaine de commentaires sur ce sujet au lendemain de l'annonce.

    On peut d'ailleurs lire au dessous d'une note le constat suivant :

    Ce qui est étonnant c'est le peu de commentaires ici bas.

    Il serait faux de croire que je veux ici faire la critique du monde enseignant, ou parler de la réforme à venir.

    Je veux juste rapporter le constat suivant :

    Je fais passer les Actualités Mathématiques sur Facebook en publiant leur flux RSS sur mon mur. L'un des  liens concernait le nouveau programme de seconde. Quelques heures après la publication, un élève de terminale trouve le lien, lit le fichier correspondant et fait  une remarque:

    réaction.jpg

    Nous pouvons aussi citer la réaction d'un ancien élève suite à la publication d'un lien vers la note "Conjecturons mais pas trop vite":

    réaction 2.jpg

    On retrouve d'ailleurs quelques heures plus tard cette note en lien sur le mur de Stéphane :

    réaction 3.jpg


    Ce qui me surprend, c'est d'une part la différence quantitative de réactions à l'annonce d'une info: une poignée de commentaires sur l'ensemble des profs de maths au sujet de la réforme rapportés à une réaction parmi mes quelques élèves sur le même sujet et d'autre part la vitesse de réaction à une info.

    On peut parler des heures au sujet de Facebook, sur la validité, la pertinence et la profondeur des informations présentes sur le Net, cependant les deux exemples que je viens d'aborder ne concernent pas le temps qu'il va faire demain mais bien la réforme à venir de l'enseignement des mathématiques en France et les conjectures fausses énoncées par des mathématiciens, deux sujets dont on ne peut pas dire qu'ils soient "Grand public". Cela devrait nous faire réfléchir, non pas sur notre incapacité à réagir mais sur l'incapacité d'un système tel que l'Education Nationale à absorber cette révolution qui est en train de s'opérer sous nos yeux.

    Le décalage est énorme entre un monde qui peine à s'exprimer sur le Net et à réagir de façon naturelle et spontanée, et un autre qui est capable de s'emparer immédiatement d'un sujet et d'y manifester un intérêt dans l'instant, même lorsque les thèmes ne sont pas légers. Comment ce fossé pourra-t-il se combler ?