« Pour une prise en compte des obstacles au changement »
Cette communication se penche sur la confrontation entre les réformes voulues par les politiques et leur mise en oeuvre dans les établissements scolaires belges. Se basant sur l'étude de trois écoles, l'auteur analyse comment s'élabore le consentement des acteurs scolaires – chefs d'établissement et enseignants – souvent écartelés entre le prescrit légal et les contraintes des contextes locaux. Il montre qu'il existe des obstacles institutionnels au changement qui minent la légitimité pragmatique du changement et donc la plausibilité et l'efficacité des réformes pédagogiques. En conséquence, il conclut sur la nécessité de penser les politiques au départ des réalités du terrain.
Malgré le fait que cette étude soit belge certains enseignements peuvent certainement être tirés en France et je vous livre ici sa conclusion .
Nous avons vu que, lorsque l’on s’intéresse à l’analyse des politiques d’éducation et aux articulations entre les intentions politiques et les réalisations concrètes dues à la réforme, on se confronte inévitablement à la question du consentement des acteurs scolaires. A cet égard, rappelons que le travail pédagogique n’est pas, à la différence du travail industriel, un en-semble de méthodes et de techniques que les acteurs peuvent changer, du jour au lendemain, si on le leur imposait ou si on leur en démontrait le bien-fondé. En conséquence, toute vision taylorienne de l’éducation s’avère inappropriée (Dubet, 2000). Les acteurs scolaires – notamment les chefs d’établissement et les enseignants, étudiés ici – sont dotés d’autonomie et agissent, dans leurs contextes locaux, comme des traducteurs de la politique et des co-producteurs du sens de l’action publique. Nous avons précisément tenté de mieux comprendre ce qui se passe en termes d’interaction sociale dans les établissements et dans les classes à l’occasion de la réception locale et la mise en oeuvre de la réforme sur le terrain. L’analyse du fonctionnement concret et quotidien de l’école nous a permis de décrire les principales épreuves de légitimité auxquelles les ré-formes pédagogiques sont susceptible de se heurter. Fondamentalement, nous avons défendu la thèse qu’il existe des obstacles institutionnels au changement qui minent la légitimité pragmatique du changement et donc la plausibilité et l’efficacité de la réforme. Compte tenu de ces obstacles, chefs d’établissement et enseignants se retrouvent écartelés entre des choix difficilement compatibles. Le coût d’engagement dans le changement institutionnel étant particulièrement élevé, ces acteurs, lorsqu’ils ne sont pas militants pédagogiques, sont plutôt enclins à le délégitimer et à ne pas faire évoluer leurs comportements et leurs pratiques dans le sens espéré. C’est une réalité qui a longtemps échappé aux réformateurs. Dans la mesure où les acteurs scolaires locaux jouent un rôle central dans l’évaluation de la faisabilité locale des politiques, on ne saurait trop recommander aux autorités publiques de penser les politiques davantage à partir des réalités vécues sur le terrain et de réfléchir aux diverses institutions qui font obstacle au changement et aux solutions qu’il y aurait lieu d’imaginer pour lever ces obstacles. |