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La Recherche - Page 35

  • Claude Pair : un mathématicien qui rêvait de programmation

    b1b85cd991e50fc36592299d62cf4113.jpgPrécurseur français de la recherche en informatique, Claude Pair a toujours eu une vision très pragmatique de cette discipline, qu'il concevait pour soulager le travail, affranchir des contraintes spatiales et temporelles.

    Vous avez lancé les premiers travaux de recherche en informatique à Nancy. Comment êtes-vous passé de l'enseignement des mathématiques à la recherche en programmation ?

    J’ai eu beaucoup de chance. J'avais presque trente ans lorsque cette nouvelle discipline est née. Le mot n'existait d'ailleurs pas encore, il date de 1962 ; avant cela, on parlait de « calcul automatique ». C'était tout simplement l'âge idéal pour partir à l'aventure d'une science émergente.

    Après mon agrégation de mathématiques à l'École normale supérieure en 1956, j'ai fait une partie de mon service militaire au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) dans un service de calcul numérique. Il y a là un ordinateur, le Bull Gamma AET, avec une unité centrale de 8 mots de mémoire. Aussi rudimentaire, encombrant, fragile et coûteux qu'il soit, cet ordinateur fait alors figure d'outil révolutionnaire. Il permet déjà de faire des calculs qu'on ne peut pas faire à la main, comme des résolutions d'équations aux dérivées partielles pour mesurer la propagation de phénomènes... Même si nous avions du mal à évaluer les temps de calcul — il m'est arrivé d'abandonner un calcul, en réalisant qu'il monopoliserait 15 jours de machine —, nous mesurions déjà les gains de temps et de fiabilité. Nous avons aussi vite réalisé que notre point faible était l'écriture des programmes. Quel langage employer ? À l'époque, on utilise uniquement un langage machine codé en binaire (suite de 0 et de 1 ou bits) ne faisant appel qu’aux opérations câblées dans la machine : un programme est une suite d’instructions dont chacune ordonne à la machine d’exécuter une de ces opérations.

    Néanmoins, on commence à parler ici et là de langages plus proches de la langue usuelle. En 1958, se tient au CEA une conférence sur une « programmation automatique », une merveille à nos yeux ! On y évoque un « assembleur » capable de traduire automatiquement dans le langage de la machine les mêmes opérations câblées mais codées par des mots (additionner, déplacer, imprimer...). Nous ignorions que John Backus  venait de créer au laboratoire d'IBM à New-York le Fortran  : un langage inspiré de celui des mathématiques, avec des opérateurs +, x..., des variables et des mots du langage courant (if, go to, do...) : « un langage avec des si et des do » disait Jean Legras , le pionnier du calcul automatique à Nancy, mon directeur de thèse.

    Pourtant, après mon service militaire, en 1959, c'est d'abord à l'enseignement en classe de mathématiques spéciales que je me suis consacré, plutôt qu'à la recherche en mathématiques qui m'attirait peu : à l'époque, l’école dominante — celle de Bourbaki , un groupe de mathématiciens français — privilégie l'abstraction, la généralisation des concepts, le formalisme. Si j’appréciais l’activité mathématique, je souhaitais qu’elle soit plus proche des besoins des gens. Je me suis néanmoins vite rendu compte que la préparation aux grandes écoles était réservée à une élite ; en outre, son côté répétitif ne me convenait guère.

    En 1962, j'ai repensé à ma rencontre de 1958 avec l’ordinateur. J'ai contacté l'université de Nancy et je me suis inscrit au cours de troisième cycle « Analyse et calcul numérique » créé par Jean Legras quelques années auparavant en même temps qu’un centre de calcul. C'est à ce moment là que j'ai réellement bifurqué. Jean Legras m'a obtenu pour l'année 1963-64 un poste au CNRS qui commençait timidement à s'intéresser ce type de recherche.

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    Vous avez abandonné la recherche en informatique en 1981 pour vous consacrer aux systèmes éducatifs en tant que directeur des lycées au ministère de l'éducation nationale puis de recteur d'académie. Quel est aujourd'hui votre point de vue sur l'informatique ?

    C'est celui d'un utilisateur d'informatique domestique comme les autres, même moins que beaucoup d’autres ! Nous sommes bien loin des seules applications de l'informatique au calcul numérique comme c’était le cas au départ. Et si je confronte mes ambitions de l'époque à la réalité actuelle, j'observe que l'informatique et son couplage avec les télécommunications via Internet ont bien affranchi l’être humain de la plupart des opérations répétitives dans le travail et des contraintes temporelles et spatiales. Désormais, on échange à distance, des chirurgiens peuvent même opérer de loin, toute la connaissance humaine est accessible partout. Mais cela donne-t-il plus de capacité de réfléchir et de comprendre ? Assurément non. L'informatique à la maison consomme énormément de temps et conduit à un manque de disponibilité croissant, en particulier pour les relations de proximité. L'ordinateur permet de faire plusieurs choses à la fois mais l'Homme est un être inséré localement et il ne peut pas bien faire plusieurs choses à la fois.

    Je suis inquiet des conséquences sur le développement personnel des générations actuelles et futures. La tendance à prendre sur Internet les informations tous azimuts exige le développement de l’esprit critique. En outre, ces informations n'ont que peu de valeur si elles ne sont pas intégrées à un savoir ; or, nous ne savons pas grand chose sur la manière dont se constitue et s’enrichit le savoir d’un individu.

    Je suis aussi très préoccupé par le fossé que l'informatique crée avec les plus faibles, les plus pauvres, ceux qui ont du mal à se mouvoir dans l’abstrait. L'école devient d'ailleurs de plus en plus exigeante sur ces capacités d'abstraction, d’où un risque d’échec supplémentaire pour ces mêmes personnes.

    Finalement, les technologies de l'information et de la communication sont la meilleure et la pire des choses. Il est urgent de se préoccuper de la manière dont est utilisé l’ordinateur par le grand public, de ses conséquences sur la psychologie des individus et donc sur la société et la civilisation.

    L'entretien complet avec Claude Pair : ICI

  • La méditation augmente les performances de l'esprit et réduit le stress

    On peut apprendre à rester cool

    Les essais reposaient sur la résolution mentale de problèmes mathématiques en état de stress. Avant leurs formations respectives, les deux groupes montraient une élévation significative du taux de cortisol, une hormone du stress facile à mesurer à partir d'un échantillon de sang ou de salive. Mais après cette formation à la méditation ou à la seule relaxation, le groupe d'expérimentation présentait une moindre concentration en cortisol, traduisant une meilleure adaptation et une meilleure réaction face à une situation de stress. Le même groupe a aussi montré moins de prédisposition à la fatigue et à la colère, ainsi qu'à l'inquiétude et à la dépression, ce qui n'était pas le cas pour le groupe de contrôle.

    L'intégralité de l'article de Futura-Sciences : ICI

  • Simulation numérique des mouvements de chevelure

    Synthétiser le mouvement d'une chevelure suscite un intérêt croissant de la part des développeurs de jeux vidéos ou de films d'animation mais aussi des industriels en cosmétique. Cela soulève néanmoins un problème de modélisation difficile lié à la complexité structurelle d'une chevelure.
    Des simulations très réalistes ont pu être réalisées grâce à un travail scientifique alliant diverses disciplines (science capillaire, modélisation mécanique, méthodes numériques et informatique graphique) et basé sur un nouveau modèle mécanique du cheveu sous forme d'hélices par morceaux.

    Contrairement à d'autres milieux déformables tels que les fluides, dont le mouvement est modélisé depuis près d'un siècle par les équations reconnues et validées de Navier-Stokes, la chevelure en tant que milieu déformable, ne bénéficie pour l'heure d'aucun modèle mécanique de référence équivalent. L'étude scientifique de ce matériau si particulier a été délaissée (du moins jusque dans les années 1980) du fait de l'absence d'enjeux économiques à cette époque.

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    L'article complet d'Interstices et la vidéo de la simulaton : ICI

  • La science qui se voit, la science qui se fait et la science qui s'enseigne

    Au XVIIIème siècle, les cabinets scientifiques permettaient de réaliser la triple tâche de montrer la science au public, de réaliser les toutes dernières expériences du moment et d'enseigner ces notions. Malheureusement, la physique s'est mathématisée et les sciences de la vie et de la terre se sont tellement complexifiées que cet âge d'or semble révolu. Je dis bien semble car la matinée que je viens de passer en donne un contre-exemple.


    Alors que mes élèves de seconde étaient en interrogation, je me prélassais tranquillement sur mon siège et feuilletais non moins tranquillement le numéro d'octobre de "Pour la science". Comme à l'accoutumée, je me dirige directement vers l'article mathématique de l'excellent Jean-Paul Delahaye ( tag : ICI ). Il vient de signer un article intitulé " La marelle arithmétique ".

    Cet article décrit les travaux d'un mathématicien "amateur" Benoit Cloitre et commence par décrire le " terrain de jeu " .
    Il s'agit d'un tableau arithmétique. Le principe est très simple, pour commencer il suffit d'écrire les entiers sur la première ligne,et des 1 sur la première colonne. On écrit ensuite sur la deuxième ligne les entiers espacés d'une case, sur la troisième les entiers espacés de deux cases, sur la quatrième ligne, les entiers espacé de trois cases, etc... et voila le résultat.

     

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    Et quel est le premier constat?

    En partant d'un nombre quelconque sur la première ligne et en prenant la direction de la diagonale Sud-Ouest, on visualise soit une diagonale vide si le nombre est premier ( 13 ), soit ses diviseurs ( 2 et 5 ) si ce nombre ne l'est pas ( 10 ) ( on dit composé ).

    L'article va bien plus loin que cela, mais la simple visualisation géométrique de cette belle propriété liant les nombres entiers me suffisait pour montrer à mes élèves de seconde le magazine, leur expliquer ce tableau arithmétique et  leur dire que la science qui se voit, celle qui se fait et celle qui s'enseigne ne sont pas si éloignées que ça, comme c'éatit le cas au XVIIIème siècle.

    Et de terminer l'intermède par la conclusion de l'article :

    Les méthodes de travail de ce mathématicien peu ordinaire sont fondées sur des essais numériques prolongés et patients. D'après lui, "l'époque est formidable, car l'expérimentation mathématique est accessible à tout le monde. N'importe qui peut utiliser PARI/GP qui est téléchargeable gratuitement ( c'est un programme de l'Université de Bordeaux). Avec un peu d'imagination, on arrive à dénicher des choses en phase avec la recherche actuelle."

    Cette conclusion est à méditer par les plus virulents détracteurs de l'épreuve pratique au baccalauréat.




    Le lien du fichier PDF "Chemins dans un tableau arithmétique" de Benoit Cloitre : ICI

  • Discours de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche

    f30e545bb0ff360b6b5525f62d220af5.jpgInauguration de la fondation " Sciences Mathématiques de Paris" au Collège de France, le 28 septembre 2007 par Mme Valérie Pécresse

    Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui, à l'occasion de cette première journée de la Fondation des Sciences mathématiques de Paris ;

    Très honorée aussi, de m'adresser à vous ici, dans l'amphithéâtre Marguerite de Navarre du Collège de France, qui voit tous les jours professer tant de grands esprits ; et de le faire non pas devant un public d'étudiants et de spécialistes, de curieux ou de passionnés, comme les professeurs du Collège de France en ont l'habitude, mais devant quelques-uns des plus grands mathématiciens de notre temps.

    Car, vous le savez mieux que personne, Mesdames et Messieurs, la France peut être fière de ses mathématiciens, fière d'avoir une école mathématique d'exception.

    Je le sais bien, ce genre d'expression est souvent galvaudé : tout ou presque à notre époque devient exceptionnel. Mais jamais le terme n'a été mieux employé que pour qualifier l'école mathématique française.

    Et puisque j'ai aujourd'hui l'occasion de m'adresser à un public qui manie les nombres aussi bien que les mots, je voudrais le prouver en rappelant simplement ces quelques faits :

    Les mathématiques françaises, c'est la discipline où la France figure en second au Web of Science, derrière les Etats-Unis.

    Les mathématiques françaises, ce sont 9 des 47 médailles Fields décernés depuis 1936. Ce qui fait là encore de l'école française de mathématiques la deuxième au monde, après l'école américaine, certes, mais bien avant l'école russe ou anglaise.

    Et de même, c'est à un Français, Jean-Pierre Serre, qui enseigna ici même, au Collège de France, qu'est revenu le premier prix Abel décerné en 2003.

    Cette tradition d'excellence, la France la doit bien entendu avant tout aux qualités exceptionnelles de ses mathématiciens depuis des générations : Descartes lui-même était tout à la fois un excellent mathématicien et un immense philosophe. Et d'Alembert, lorsqu'il ne patronnait pas l'Encyclopédie, travaillait les équations différentielles et les dérivées partielles.

    Mais elle la doit aussi au soin que prend chaque génération de mathématiciens français de former la suivante : et les lieux de cette transmission de l'excellence sont bien connus, ce sont, d'abord, les établissements dont vous avez la charge, Messieurs les Présidents d'Université, et bien sûr, Madame la directrice, l'Ecole normale supérieure, qui joue un rôle majeur en la matière : la quasi-totalité des médailles Fields françaises ne sont-elles pas revenues à des anciens élèves de l'Ecole ? Et n'est-ce pas rue d'Ulm que Nicolas Bourbaki poursuit son étonnant destin ?

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    Et pourtant, vous le savez, Mesdames et Messieurs, la crise des vocations scientifiques n'épargne pas les mathématiques et fait peser ainsi une menace sourde, mais réelle, sur l'avenir de l'école mathématique française.

    C'est pourquoi des journées comme celles-ci sont essentielles : elles ne permettent pas seulement aux plus grands mathématiciens de notre pays de se retrouver et d'aborder ensemble quelques-uns des problèmes scientifiques de l'époque ; elles sont aussi l'occasion de rappeler à nos compatriotes la vitalité et l'extrême fécondité des sciences mathématiques. C'est essentiel, si nous voulons que demain, les jeunes générations puissent à leur tour les illustrer.

     

    Nous avons aujourd'hui l'occasion de donner de votre discipline une autre image que celle qui prévaut habituellement dans l'imaginaire collectif : c'est en effet un respect un peu distant, qui va aux mathématiques, un respect mêlé de cette forme de crainte sacramentelle dont jouissent les disciplines réputées abstraites, mais arides, exaltantes, mais infiniment difficiles. Trop souvent, la part d'imagination, de création et quelquefois même de spéculation qui caractérise aussi les mathématiques est passée sous silence, au profit d'une vision scolaire, fondée sur quelques souvenirs de collège ou de lycée, qui ne leur rend pas justice.

    Je vous fais confiance, Mesdames et Messieurs, pour donner envie aux jeunes étudiants de se consacrer à la recherche mathématique, pour faire naître les vocations des médailles Fields de demain, qui viendront succéder à Wendelin Werner, le dernier lauréat français.

    La suite  ICI