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Livres et lettres - Page 30

  • Bourbaki, Gödel, les mathématiques et la philosophie

    En marge de la théorie des structures, les idées bourbakistes sur les fondations ont été critiquées violemment par un logicien, A. Mathias. Son attaque rejoint partiellement les réserves que l'on peut émettre à propos de l'idée de structure : Bourbaki n'aurait jamais vraiment pris au sérieux la logique ou l'épistémologie. Mathias dénonce les approximations concernant le système de Zermelo-Fraenkel ou la trop longue incompréhension des résultats de Gödel. Sous sa forme la plus extrême, l'attitude de Bourbaki sur ces questions est caractérisée par une description restée célèbre de Dieudonné :

    « En ce qui concerne l'attitude de Bourbaki vis-à-vis du problème des "fondations" : elle est décrite au mieux comme une indifférence totale. Ce que Bourbaki considère comme important est la communication entre mathématiciens ; les conceptions philosophiques personnelles n'entrent pas en compte pour lui ».

    Il faut aujourd'hui en finir avec de telles positions de principe. Si l'échec du programme structuraliste se traduit par la nécessité de rendre au concept de structure sa fonction téléologique sans essayer de le figer en une notion mathématique formalisée univoque, les tra­vaux de Gödel montrent, pour ce qui est des fondements, les limites de la stratégie consistant à se satisfaire d'un système de type Zermelo-Fraenkel, et à se désintéresser de la métamathématique. Nous incluons dans celle-ci les vues synthétiques et prospectives, comme la recherche des concepts originaires d'une discipline, recherche qui n'est pas du ressort direct de la mathématique formalisée. En d'autres termes, pour aller aujourd'hui au-delà de Bourbaki, il faut en finir avec un discours pragmatique et restaurer, aux côtés de la recherche, le débat philosophique. La mathématique a tout à y gagner : c'est pour elle le seul moyen de reconquérir une audience. Les succès médiatiques de la physique, sa concurrente immédiate dans le panthéon des sciences pures, tiennent à ce que ses questions les plus fondamentales ont su frapper l'imagination collective.

    "La pensée mathématique contemporaine" de Frédéric Patras pp 133-134

  • Un étudiant presque comme les autres -2-

    a11c499ce548b700524a232c35816366.jpgPartie 1 : ICI


    - 2 -

    Shanlan savait qu'une de ces loges allait lui être affectée, il n'en ressortirait qu'après bien des souffrances, après avoir passé les trois épreuves de la Licence s'il n'était pas éliminé avant. Quelques temps auparavant Shanlan avait reçu du sous-préfet une petite somme d'argent pour faire le trajet jusqu'au centre d'examen. Il fut dispensé de se rendre vers le milieu de la 7 ème lune devant l'examinateur provincial  pour pouvoir concourir car il avait été classé dans la première catégorie à l'examen k'o teng. Il dut cependant se rendre, comme les autres futurs candidats, au bureau de vente des cahiers afin d'acheter ses trois cahiers sur lesquels il allait bientôt composer. Il lui fallu y inscrire son nom, son lieu d'origine, son âge, la forme de son visage, sa taille, son grade littéraire, le nom de son bisaïeul paternel, le nom de son grand-père, le nom de son père et les réponses à diverses questions administratives afin qu'on apposa sur chacun des cahiers le sceau officiel qui lui permettra de composer le jour venu. Un billet lui fut remis en échange des cahiers qui allaient lui être redonnés le jour de l'épreuve. Il était très tard, Shanlan attendait devant la première porte avec sa literie sous le bras, son réchaud, quelques vivres car tout le monde savait que les repas distribués étaient immangeables. Personne ne pouvait accompagner les candidats et donc porter cet encombrant paquetage? les appels se faisaient cinquante par cinquante et lorsqu'il eut franchi la première porte, Shanlan trouva un deuxième point de contrôle avec une fouille sérieuse. Il fut accompagné par un fonctionnaire jusqu'à sa loge qui portait le numéro 9413, celui même qui était reporté sur sur son cahier de composition. Comme toutes les autres elle était fermée sur trois cotés et le quatrième pan, absent donnait sur un long couloir où circulaient continuellement les surveillants. Shanlan vérifia que tout était en ordre, s'il voyait bien les quatre petites tables dont deux serviraient de siège et de table et les deux autres feraient le lit. Même si le confort de la cellule dans laquelle il allait rester près de deux jours était sommaire, la sienne qui portait le numéro 9413 était propre, complète et sans odeur, ce qui n'était pas le cas pour tout le monde. Ce qui amusait le plus Shanlan, c'était toute cette organisation mise en place pour élire seulement les 1484 licenciés du royaume. Quatre types d'officiers choisis parmi les sous-préfets orchestrent le bal de la Licence. Il y a ceux qui sont chargés de recevoir les cahiers de composition, ceux qui ont pour fonction de replier la première page du cahier, de la coller et d'y apposer un cachet pour empêcher que les examinateurs ne puissent voir les noms. Il y a encore ceux qui sont chargés de faire recopier au minium les compositions. Cette recopie se fait en rouge et sera relue par des fonctionnaires affectés à cette tâche afin d'éliminer toute erreur de recopie. Les fonctionnaires ont droit à trois domestiques chacun. Il ne faut pas non plus oublier ceux qui timbrent les cahiers, ceux qui les rassemblent, les surveillants, ceux qui font des enquêtes, ceux qui préparent la nourriture et ceux qui gardent les portes qui viennent juste d'être scellées puisque tout le monde est rentré dans l'enceinte. Personne jusqu'au lendemain soir ne quitterait plus ce camp. Et si par malheur, comme cela arrivait à chaque concours, il y avait un mort par suicide ou par tout autre cause, parmi les candidats ou les surveillants, une entaille serait réalisée dans le mur d'enceinte afin de permettre le passage du corps. Au fond des bâtiments d'examen sont relégués dans la partie la plus septentrionale, pendant toute la durée des épreuves et jusqu'à la publication des listes d'admission, les Examinateurs et les Officiers, nommés les "Mandarins de la cour intérieure". Il ne leur est pas permis de communiquer avec les autres fonctionnaires. Il leur aussi aussi interdit de posséder de l'encre rouge afin qu'ils ne soient pas achetés pour la correction. Ils furent fouillés très strictement à leur entrée dans l'enceinte.  Les fonctionnaires des appartements extérieurs ne doivent pas avoir d'encre noire. En fait chaque type de fonctionnaire possède une couleur d'encre qui lui est propre: les Examinateurs impériaux se servent d'encre noire, les autres fonctionnaires de la clôture intérieure d'encre bleue, les fonctionnaires de la clôture extérieure d'encre violette, les Copistes d'encre rouge et les Correcteurs, d'encre jaune. Un vrai festival de couleurs pour un seul cahier, pensait Shanlan qui pensait à bien d'autres choses qu'à réussir cet examen...

    La fin de l'histoire : ICI

  • Un étudiant presque comme les autres -1-

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    Shanlan était angoissé. C'était l'année de la licence, épreuve triennale en Chine. Nous étions le 8ème jour de la 8ème lune. Le début officiel des épreuves était fixé au 9ème jour et elles se poursuivraient le 12ème et le 15ème jour. Shanlan s'était rendu à Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang. Shanlan se rappelait tout le travail qu'il lui avait fallu fournir pour arriver jusque-là. Ce fût avec l'aide de son précepteur Chen Huan, illustre lettré, ancien élève de Duan Yucai que Shanlan put mémoriser Les Classiques et s'entrainer aux dissertations littéraires à plan imposé en  huit parties ( bagu ). Il lui fallut apprendre par coeur les Entretiens de Confucius, le Mencius, le Yijing, le Canon de l'Histoire, le Rituel et le Commentaire de Zuo. Il lui fallait retenir très exactement le 431 286 caractères ( un caractère correspondant à un mot ), travail qui lui demanda 6 années d'efforts ininterrompus à raison de 200 caractères par jour. Rien d'extérieur aux Classiques ne pouvait rentrer dans cette tête prête à exploser, même si Shanlan, au plus profond de lui, préférait les mathématiques. Pas de place pour les Neufs chapitres sur le calcul qu'il consultait discrètement dans la bilbiothèque familiale depuis l'âge de 10 ans.

    Dès le 5 de la 8ème lune, les copistes, officiers subalternes et employés entrèrent dans l'enceinte, ils avaient apporté leurs vêtements, leur literie et quelques provisions de bouche; ils furent fouillés à l'entrée par les gardes. Le 6, après un banquet et des prosternations dans la direction du nord, entrèrent dans l'enceinte, les examinateurs au son du canon et de la musique. Le président fit un sacrifice devant la porte, il inspecta toutes les salles et toutes les loges. Tous les fonctionnaires se rendirent à leur poste. Les épreuves de la licence et les premières épreuves du doctorat avaient lieu dans des locaux spéciaux entourés de murs de tous côtés. Shanlan eut froid dans le dos lorsqu'il vit l'ampleur de ce dispositif prêt à recevoir près de 15 000 candidats. Il savait aussi qu'il y avait peu d'élus, seulement 142 places pour la province du Zhejiang et 1484 pour tout l'empire. Ses bonnes compétences mathématiques lui permirent de conclure que le taux de réussite à ce concours n'était que de 0.71% et qu'il y avait au total plus de 200 000 candidats angoissés comme lui dans tout l'empire.

    Le camp s'enfuyait à perte de vue, au fond on apercevait les salles réservées aux mandarins de service, en avant étaient alignés des bâtiments bas, parallèles, tous ouverts sur des allées qui les séparent et divisés par des cloisons en loges, toutes semblables: elles ont une paroi au fond, une sur chaque côté, elles sont meublées de quatre planches qui se posent à différentes hauteurs et qui servent de siège, de table, de lit ; à Hangzhou, les loges ont 1m, 85 de hauteur, 1m, 15 de profondeur, 0m, 90 de largeur ; il y en avait exactement  14 194 ; le personnel d'examinateurs, surveillants, huissiers, domestiques, se montait environ à dix mille hommes...

    La suite : ICI
     

  • George Steiner

    Les hautes mathématiques sont l'autre musique de la pensée.

  • Bachelard

    L'Ecole Polytechnique est aux mathématiques ce qu'est un dictionnaire de rimes à la poésie baudelairienne.