D'Al-Khayyam à Descartes: sur les courbes
Le sujet de cet article ( PDF ) de Roshdi Rashed, ICI, est entièrement contenu dans le titre, et en guise d'introduction, je vous propose la... conclusion:
La modernité mathématique au XVIIe siècle ne serait-elle alors qu’une reproduction de celle qui est advenue au XIe siècle ? Nullement. Serait-elle, comme on se plaît à l’affirmer, un commencement radical ? Non plus.
Nous venons de montrer qu’une telle alternative n’est en fait pas pertinente : pour lire la Géométrie de Descartes, il faut aussi regarder en amont vers al-Khayyam et al-Tûsî et, en aval, vers Newton, Leibniz, Cramer, Bézout et les frères Bernoulli. Il en est de même s’il s’agit de situer l’Isagogè et la Dissertation de Fermat : un retour en amont à des écrits comme ceux d’Ibn al-Haytham et de Descartes s’impose en effet, de même qu’il faut avoir le regard dirigé en aval vers les Bernoulli, Cramer et Bézout. Alors seulement tous ces livres novateurs trouveront la place qui n’a jamais cessé d’être la leur. La Géométrie, par exemple, n’est nullement un commencement absolu, mais, au même titre que les autres oeuvres fondatrices, elle inaugure un style : celui d’une reprise, d’une adaptation et d’une rectification des traditions dont elle est l’héritière. Mais, comme ces oeuvres, elle ouvre la voie à d’autres évolutions – en géométrie algébrique, et aussi en géométrie différentielle. La modernité se présente ainsi comme la réalisation de quelques potentialités héritées de la tradition, en même temps qu’elle est génératrice de potentialités neuves pour le futur. Mais pouvait-il en être autrement ? Rien n’empêche, si l’on ne pense que par concepts tout faits, de soutenir que continuités et ruptures sont inscrites les unes dans les autres. Mais tout discours sur la Géométrie de Descartes, ou sur les deux livres de Fermat, est condamné à être oblique s’il néglige les liens intimes qui enracinent ces oeuvres dans la tradition, aussi bien que les nouveaux possibles qui les habitent, et qui devront attendre pour se réaliser effectivement que la modernité soit elle-même devenue tradition. La véritable force intellectuelle de J. Vuillemin est précisément d’avoir parfaitement appréhendé cette dialectique latente, alors que la tradition était encore si mal connue.
Entretien de Roshi Rashed ( passionnant !) en PDF : ICI
"Il n'est pas possible de décomposer un cube en somme de deux cubes, une puissance quatrième en somme de deux puissances quatrièmes et généralement aucune puissance d'exposant supérieur à 2 en deux puissances de même exposant". Cette courte annotation d'un mathématicien français, magistrat de son état, Pierre de Fermat, écrite en marge d'un livre de mathématiques dans la première moitié du XVIIe siècle, est devenue l'un des théorèmes les plus célèbres des mathématiques : une preuve n'en fut apporté qu'en 1995, par Andrew Wiles de l'Université de Princeton.

nsacré à Fermat :
La question semble répétitive avec celle que je pose dans le sondage actuel. C'est pourtant le sujet central du numéro de septembre de " Science et Vie ".
« Le chemin théoriquement le plus court, parce que le plus direct, entre deux points devrait être la ligne droite. Et ce serait la ligne droite, si l’univers était parfaitement plat, plat comme la feuille blanche sur laquelle nous tentons de tracer avec application une droite entre deux points. Mais même cette feuille qui repose sur mon bureau n’est pas entièrement plate, et le trait tracé suit donc la courbure, même infime, imposée par le papier. Concrètement, le plus court chemin d’un point à un autre est une courbe qui s’accorde à la courbure du monde. L’espace abstrait rectiligne, royaume des angles droits, des lignes droites, n’existe pas. »