Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La vulgarisation, un art haut en couleurs

Arche_arc_en_ciel.jpgSi vous êtes un habitué de ce blog depuis sa création, vous n'avez pas pu manquer le fait que certains sujets me tiennent plus à coeur que d'autres: Gödel, la philosophie, l'art, les actualités mathématiques, l'épistémologie, l'enseignement des mathématiques, les outils web, et aussi la Vulgarisation avec un grand V que j'élève au rang d'art majeur.

Les lieux communs sans cesse revisités et les images préformées nous laissent souvent penser que la vulgarisation tient plus du rabotage grossier que de l'art. Ce serait la discipline dans laquelle les aspérités qui feraient mal au plus grand nombre seraient éliminées pour laisser place à un objet brut, lisse, édulcoré, au contenu aseptisé en vue de son assimilation par la masse sans indigestion. Personnellement, ce n'est pas du tout comme cela que je vois les choses. Pour moi vulgariser c'est comme opérer la décomposition de la lumière blanche avec un prisme. A l'une des extrémités du spectre on trouve les ultra-violets, qui correspondraient à l'hyperspécialisation, tellement fermée que les connaissances ne peuvent se transmettre qu'entre pairs. Ni en haut, ni en bas, le discours du spécialiste est un parmi les autres sur un sujet donné. Il possède ses exigences, répond à un besoin, comme toutes les composantes colorées de la lumière décomposée. A l'autre extrémité du spectre se trouvent les infra-rouges. On pourrait les associer  au socle d'une pyramide au dessus de laquelle toutes les strates de la vulgarisation et des connaissances les plus spécifiques peuvent s'empiler. Établir cette base, retrouver les infra-rouges lorsque l'on est un spécialiste pointu des ultra-violets demande les plus hautes compétences. La vision  acérée doit s'ouvrir de la façon la plus vaste pour voir les moindres détails, y compris les cailloux du chemin sur lequel on marche. Il faut enlever ses lunettes de travail pour voir les couleurs réelles et les décrire.

De mon point de vue, peu de personnes possèdent ces capacités de vulgarisation, de simplifier sans dénaturer, de pouvoir approfondir à toute occasion de façon graduée, de pouvoir surfer et plonger à loisir dans le vaste océan des connaissances, et tout particulièrement celui des mathématiques qui ne se prète guère à l'exercice et demande d'autant plus de dextérité.

Le monde numérique du Web permet par sa facilité d'accès et les possibilités qu'il met à disposition, de faire apparaître les talents de vulgarisateur. Il suffit de prendre un sujet ( par exemple la courbe en cloche) et de le décliner en plusieurs versions colorées, chacune s'adressant à un public un peu différent. J'ai choisi sur ce blog un code couleurs qui me permet de "peindre" les hyperliens dont force est de constater, que bien souvent, les mots sur lesquels ils s'appuient ne définissent que très rarement la profondeur et le degré de technicité des pages cibles. Le site-blog "Images des mathématiques", s'est lui aussi doté d'un code couleurs, mais associé à la difficulté des billets mathématiques. Les couleurs correspondent à celles des pistes de ski. La publication numérique nous offre l'avantage de pouvoir copier et coller à volonté. Écrire des versions différentes d'un même sujet ne demande donc pas la recopie intégrale du texte déjà élaboré. Il est possible de lier facilement les versions entre elles.

Afin de dynamiser l'enseignement j'avais parlé ici de la possibilité de décliner sur les manuels scolaires, différentes versions d'un même exercice suivant des degrés variés de technicité, où les renvois ne seraient pas les mêmes en fonction du niveau de la "couleur" de l'exercice, les types de questions non plus. On pourrait penser aussi à un exercice rédigé pour qu'il puisse se faire à plusieurs, en collaboration, en binôme, en petit groupe ou en groupe plus important, tout comme il est aussi possible de concevoir un article rédigé à plusieurs mains, distinguables, ce qui permet de confronter les approches, de faire une analyse différentielle, de comparer les ressemblances et de déceler les différences, d'en parler.

Mais pour que ce point de vue prenne de la hauteur, il faut qu'il s'incarne, que des personnes dont la stature ne peut pas être mise en cause, des personnes placées tout en haut de l'édifice à la renommée nationale et même internationale se prètent au jeu. Ce n'est sans doute pas la voix d'un simple prof de maths de lycée qui prêche dans le désert qui peut  se faire entendre de façon audible, même lorsque la possibilité de le faire devant le monde entier avec un blog lui est donnée.

J'ai été très satisfait de lire le triptyque de Jean-Pierre Kahane , le monsieur de la commission, un 3x1 article sur la courbe en cloche.


Le premier billet est de couleur verte, il permet de brosser le tableau, de regarder quelques animations, de contextualiser la problématique, de la situer historiquement. Il n'y a pas de formule.


Le second article, de couleur bleue, reprend le précédent en y ajoutant quelques formules, quelques termes techniques. Il n'y a pas un abyme entre les deux versions, mais suffisamment pour que lecteur doive disposer d'au moins un programme de Terminale pour la lire.


Et puis il y a l'envol vers la piste noire, celui des dimensions supérieures, qui nous montre que même si l'on est bon skieur, cela ne suffit pas pour descendre la piste avec rapidité et virtuosité, mais on a vu le paysage, on se casse un peu les dents sur les aspérités et on en redemande...

Il s'agit pour moi d'une approche novatrice et dynamique de la transmission des savoirs, d'une nouvelle philosophie, une sorte d'éco-transmission qui demande de faire le tri au préalable, de penser le futur de la connaissance et de ne pas la laisser brute au lecteur qui doit sans cesse de déplacer, se décaler alors qu'il n'en a pas toujours les compétences, ni les connaissances. Certes un travail en amont est nécessaire, il faut se pencher vers le bas, regarder le sol, y voir des détails souvent cachés au spécialiste. Mais nous mettons ici du soin dans la transmission, c'est une transmission préventive qui accompagne, qui annonce la couleur!

Si l'on considère le partage de la connaissance comme une transformation, celle qui est réversible, est dite adiabatique. Il s'agit d'une succession d'états d'équilibres, où l'on peut passer de l'un à l'autre de façon réciproque sans perte.

La vulgarisation doit être adiabatique,quasi-réversible tout comme les couleurs de l'arc en ciel donnent l'impression de se diluer l'une dans l'autre.Il ne devrait pas y avoir de relation d'ordre dans la symbolique de la vulgarisation, simplement une graduation suffisamment bien pensée pour que l'on puisse passer d'un état à un autre sans se perdre.

Commentaires

  • Je suis d'accord vulgariser c'est donner accès à son art à un plus grand nombre de personnes. Et donc lui donner plus de chance de se développer.

Les commentaires sont fermés.