Livres et lettres - Page 37
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Valéri continuait à marcher, il regardait dans le vague, un terrain lui apparu sur sa gauche. Les herbes sèches et les gravats disparurent rapidement. Valéri se retrouva tout simplement au beau milieu de rien. Il baissa la tête en direction de ses pieds et vit un sol plat incolore mais pas transparant se déployer jusqu'à l'infini. Rien n'attirait l'oeil. Nulle part et partout où aller. Il n'y avait plus de choix privilégié. La température était agréable mais Valéri ressentit des frissons l'envahir. Sans doute l'angoisse. Comment faire un choix, alors que tous se valent? Comment décider d'une action sans garantie de réalisation d'un objectif, quel qu'il soit? Valéri fut pris de vertiges, pas de ceux qui font tomber à la renverse mais bien de ceux qui laissent des traces, dont on ne se débarasse pas, des vertiges de la peur. Valéri fit un pas puis deux, puis trois, il vit que rien ne se modifiait autour de lui, c'était comme s'il avançait sur place, il courait, sautait, criait mais rien ne se produisait sauf les simples conséquences de ses actes sur lui même. Son environnement ne lui renvoyait nul retour sur lequel s'appuyer. Rien que du rien, c'est tout.
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Le temps
Qu'est-ce que le temps?
"Quand on ne me le demande pas, je crois savoir ce qu'est le temps, mais quand on me le demande, je ne sais plus."
Saint-Augustin.
Sans doute un précurseur de la théorie quantique... qui illustre parfaitement l'influence de l'expérimentateur sur la mesure et la possibilité de coexistance de deux états différents. -
L'arbre
Un peu plus avant, Valeri rencontra de nouveau les deux badauds. Assis sur un banc, l'un faisait de grands gestes avec le bras droit tandis que l'autre bougeait beaucoup la tête.
- C'est un arbre
- Un quoi ?
- Un arbre, te dis-je.
- Je ne comprends pas.
- C'est un arbre.
- Non vraiment c'est trop compliqué pour moi.
- C'EST UN ARBRE !
- Peux tu m'expliquer?
- C'est un arbre car il possède la caractéristique d'arbritude, c'est un arbre car il arbrisse, c'est un arbre car il a un tronc et des feuilles, c'est un arbre car il arbore.
- Oui c'est bon j'ai compris, mais pourquoi as-tu utilisé le même nom pour indiquer quatre choses différentes, c'est ça qui m'embrouille ?
Valeri continua son chemin, méditatif mais la sensation de solitude commença à lui peser. -
Les grandes énigmes de la physique
On ne comprend pas bien l'eau.
On ne sait pas grand chose sur les turbulences ( tourbillons, vortex, fumée ).
On n'a pas encore bien compris la nature du verre.
On a encore bien du mal avec les tas de sable, les avalanches et la mayonnaise.
Les états de la matière semblent être plus nombreux que trois mais les conditions de leur obtention sont bien floues.
Pourquoi le monde macroscopique ne fonctionne t-il pas de manière quantique? On ne sait toujours pas l'expliquer.
On n'a pas encore trouvé de trace d'antimatière dans l'univers pourtant on en a créé.
La matière clasique ne constitue que 4,5% de la masse de l'univers et le reste se décomposant entre énergie noire et matière noire est encore un grand mystère.
Le journal du CNRS ( Février 2005 ) -
Le fleuve
Un peu sonné, Valeri poursuivit son chemin vers le fleuve. C'était comme si l'eau l'appelait, il l'entendait, l'écoutait, allant jusqu'à l'imaginer. Sous le pont l'escalier descendait, tout raide, pour venir mourir sur la rive. Valeri s'avança, lentement, en suivant le cortège de deux badauds qui déambulaient puis qui s'évaporèrent. La berge s'ouvrait et Valeri enfila sa main sous les remous glacés pour en saisir toute la pathétique réalité. Le pêcheur était assis, à coté, immobile. L'eau se faufilait entre ses doigts. Les secondes s'accrochaient à l'onde pour ensuite se disperser en fines gouttelettes. En face, sur l'autre berge, un chien promenait son maître ! Quelle idée ! Valeri plaça sa main sur une fine lame et se concentra sur le fil. Il laissa glisser son esprit, sans le retenir, qui rejoignit son imagination, elle aussi lacérée. Tous deux colorèrent l'eau et firent disparaître le pêcheur. Le chien gueula après son maître. Il n'avançait pas assez vite. Valeri poursuivit son chemin et le pêcheur du regard. Il ne bougeait presque plus. Il était seul maintenant. La végétation s'épaississait autour de lui. Etouffantes de vérités, les branches s'enlaçaient, s'enroulaient autour de sa carcasse et la retenait. Les ronces s'agrippaient sur la veste. Le chemin était trop difficile. A quelques pas, le sentier remontait un peu. Valeri se dit qu'en l'empruntant, il pourrait, peut-être, contempler le fleuve. Seul.