Le fleuve
Un peu sonné, Valeri poursuivit son chemin vers le fleuve. C'était comme si l'eau l'appelait, il l'entendait, l'écoutait, allant jusqu'à l'imaginer. Sous le pont l'escalier descendait, tout raide, pour venir mourir sur la rive. Valeri s'avança, lentement, en suivant le cortège de deux badauds qui déambulaient puis qui s'évaporèrent. La berge s'ouvrait et Valeri enfila sa main sous les remous glacés pour en saisir toute la pathétique réalité. Le pêcheur était assis, à coté, immobile. L'eau se faufilait entre ses doigts. Les secondes s'accrochaient à l'onde pour ensuite se disperser en fines gouttelettes. En face, sur l'autre berge, un chien promenait son maître ! Quelle idée ! Valeri plaça sa main sur une fine lame et se concentra sur le fil. Il laissa glisser son esprit, sans le retenir, qui rejoignit son imagination, elle aussi lacérée. Tous deux colorèrent l'eau et firent disparaître le pêcheur. Le chien gueula après son maître. Il n'avançait pas assez vite. Valeri poursuivit son chemin et le pêcheur du regard. Il ne bougeait presque plus. Il était seul maintenant. La végétation s'épaississait autour de lui. Etouffantes de vérités, les branches s'enlaçaient, s'enroulaient autour de sa carcasse et la retenait. Les ronces s'agrippaient sur la veste. Le chemin était trop difficile. A quelques pas, le sentier remontait un peu. Valeri se dit qu'en l'empruntant, il pourrait, peut-être, contempler le fleuve. Seul.