Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Poésies

  • Rencontres

     Myriades envahissantes, salicornes aux élégies haletantes
     Vous épandez mes pensées, qu'aux gouffres se repentent
     Les marées miséricordieuses sous le ressac intolérant.
     Que la vase m'emporte le torrent

     À l'assaut de Venise la joueuse,
     Dans le chenal évanescent à l'avancée sableuse
     Aux tortueux méandres des canaux
     Se joint la fureur vive de la chaux

     Heureux sémaphores,
     Pieds en eau, têtes en l'air
     Qui se voulant trop grands, trop forts,
     N'ont d'autres desseins que luminaires

     Agitateur au petit bocal,
     Quel déluge, cette bataille navale !
     Je me noie à mesure que je bois
     Dans cet incessant bouillon brûlant de poix

     À l'assaut de mes pensées tapageuses,
     Je Don Quichotte aux moulins d'été.
     La nature est bien ravageuse. 
     Rides aux cendres de blés

     Adieu Bellifontaine qui traverse le mil
     Aux fils des siècles et des ciels
     Tu tisses ma lascive toile bien indocile,
     Je suis englué tout entier en ton miel. 

  • Tu seras un homme, mon fils - Rudyard Kipling

    Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
    Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
    Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
    Sans un geste et sans un soupir ;

    Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
    Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
    Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
    Pourtant lutter et te défendre ;

    Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
    Travesties par des gueux pour exciter des sots,
    Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
    Sans mentir toi-même d’un seul mot ;

    Si tu peux rester digne en étant populaire,
    Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
    Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
    Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

    Si tu sais méditer, observer et connaître
    Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
    Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
    Penser sans n’être qu’un penseur ;

    Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
    Si tu peux être brave et jamais imprudent,
    Si tu sais être bon, si tu sais être sage
    Sans être moral ni pédant ;

    Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
    Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
    Si tu peux conserver ton courage et ta tête
    Quand tous les autres les perdront,

    Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
    Seront à tout jamais tes esclaves soumis
    Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,

    Tu seras un Homme, mon fils !

  • Accidents de route

    Signalétique inachevée de notre humanité balbutiante
    Tu danses autour de la honte inavouée de tes désirs absurdes
    La lampe aujourd’hui s’est étreinte sous le péché, la nuée ardente
    Pales peaux rougies, qui tournent, qui tournent, au rythme kurde

    Trajectoire insalubre dans la jungle mortifère des animaux blessés
    Le rouge argent des blasons embrasés tient fort à l’amarante
    Coule le sang, comme toujours, au flot des étendards dressés
    En posture les impuissants se figent. Dignité de leur rente

    Horreur locale d’un immonde fatras de corps devenus emmêlés
    Aussi devenu rare, l’air de la vie se putréfia dans l’ouragan mortel
    Des fantômes glacials aux serres acérées par les peuples écervelés
    Les amas de cris résonnent encore du fond de l’antre de Babel

    La belle amarante sous la roue ne fut pas toute écrasée
    Du phénix et de l’hydre, lancés au galop contre Sol Invictus
    Les chaos combats n’ont pas fini d’être à cette vie la panacée
    Ommeyades, Ottomans, et puis la Prusse. Sancti et spiritus

    Aujourd’hui c’est permis, rien n’est permis
    Interdiction. Chloé, Lola et Ahmed
    John, Sarah, Paola et Rémi
    Tous. Plus aucun. Horrible it’s afraid

    Allo, halo, ados lancés à l’ère numérique
    Sales offrandes et soif de propagande
    Sans beaucoup d’âme et terriblement médiatique,
    Qu’on s’y rende, où ça ? Le Cham est devenu légende

    Et puis il y a tout le reste, sans l’émotion
    Pas cathodique ni très catholique
    Tous ces milliards sans les millions
    L’absurdité devient rhétorique

    Alors durant la route
    Au volant, je me suis endormi
    Pour moi, plus aucun doute
    C’est bel et bien fini

    Allal, Chalom et Amen
    Sur le trajet, belle Liberté
    Tu fus ma Reine
    Ma si précieuse éternité

    Pour un mort.
    On doute
    La nuit...
    J'écoute : -Tout fuit,

  • La grande énigme

    Villes miroitantes:

    tons, légendes, mathématiques -

    Bien que différentes.

     

    Tomas Tranströmer
    Prix Nobel de littérature 2011

    La Grande Enigme
    Le Castor Astral

  • Le Gâs qu'a mal tourné

    Dans les temps qu'j'allais à l'école,
    - Oùsqu'on m'vouèyait jamés bieaucoup, -
    Je n'voulais pâs en fout'e un coup ;
    J'm'en sauvais fér' des caberioles,
    Dénicher les nids des bissons,
    Sublailler, en becquant des mûres
    Qui m'barbouillin tout'la figure,
    Au yeu d'aller apprend' mes l'çons ;
    C'qui fait qu'un jour qu'j'étais en classe,
    (Tombait d' l'ieau, j'pouvions pâs m'prom'ner !)
    L'mét'e i'm'dit, en s'levant d' sa place :
    "Toué !... t'en vienras à mal tourner !"

    Il avait ben raison nout' mét'e,
    C't'houmm'-là, i'd'vait m'counnét' par coeur !
    J'ai trop voulu fére à ma tête
    Et ça m'a point porté bounheur ;
    J'ai trop aimé voulouér ét' lib'e
    Coumm' du temps qu' j'étais écoyier ;
    J'ai pâs pu t'ni' en équilib'e
    Dans eun'plac', dans un atéyier,
    Dans un burieau... ben qu'on n'y foute
    Pâs grand chous' de tout' la journée...
    J'ai enfilé la mauvais' route!
    Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !

    A c'tt' heur', tous mes copains d'école,
    Les ceuss' qu'appernin l'A B C
    Et qu'écoutin les bounn's paroles,
    l's sont casés, et ben casés !
    Gn'en a qui sont clercs de notaire,
    D'aut's qui sont commis épiciers,
    D'aut's qu'a les protections du maire
    Pour avouèr un post' d'empléyé...
    Ça s'léss' viv' coumm' moutons en plaine,
    Ça sait compter, pas raisounner !
    J'pense queuqu'foués... et ça m'fait d'la peine
    Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !

    Et pus tard, quand qu'i's s'ront en âge,
    Leu' barbe v'nu, leu' temps fini,
    l's vouéront à s'mett'e en ménage ;
    l's s'appont'ront un bon p'tit nid
    Oùsque vienra nicher l' ben-êt'e
    Avec eun' femm'... devant la Loué !
    Ça douét êt' bon d'la femme hounnête :
    Gn'a qu'les putains qui veul'nt ben d'moué.
    Et ça s'comprend, moué, j'ai pas d'rentes,
    Parsounn' n'a eun' dot à m'dounner,
    J'ai pas un méquier dont qu'on s'vante...
    Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !

    l's s'ront ben vus par tout l'village,
    Pasqu'i's gangn'ront pas mal d'argent
    A fér des p'tits tripatrouillages
    Au préjudic' des pauv'ers gens
    Ou ben à licher les darrières
    Des grouss'es légum's, des hauts placés.
    Et quand, qu'à la fin d'leu carrière,
    l's vouérront qu'i's ont ben assez
    Volé, liché pour pus ren n'fére,
    Tous les lichés, tous les ruinés
    Diront qu'i's ont fait leu's affères...
    Moué ! j's'rai un gâs qu'a mal tourné !

    C'est égal ! Si jamés je r'tourne
    Un joure r'prend' l'air du pat'lin
    Ousqu'à mon sujet les langu's tournent
    Qu'ça en est comm' des rou's d'moulin,
    Eh ben ! I' faura que j'leu dise
    Aux gâs r'tirés ou établis
    Qu'a pataugé dans la bêtise,
    La bassesse et la crapulerie
    Coumm' des vrais cochons qui pataugent,
    Faurâ qu' j'leu' dis' qu' j'ai pas mis l'nez
    Dans la pâté' sal' de leu-z-auge...
    Et qu'c'est pour ça qu'j'ai mal tourné !...


    Gaston Couté - Poète Solognot mort à 31 ans.

    Glossaire pour quelques mots du poème.