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li shanlan

  • Pour en finir avec Li Shanlan

    66117fa6ee8981f5632f0edf8343d17e.jpgJ'avais commencé l'histoire un peu romancée de Li Shanlan. Je me suis appuyé sur un article de Jean-Claude Martzloff dans la revue Pour la Science de Mai 1988, et je cherchais depuis tout ce temps plus de renseignements disponibles sur le Web que les liens que je vais fournir. Le début de l'histoire de Li est ICI et la suite ICI,  l'histoire se termine juste avant qu'il n'échoue à la licence. Notez que les conditions décrites sont réelles, c'est ainsi qu'avait vraiment lieu le concours ( voir à ce sujet, le document Word passionnant "Pratique des examens littéraires en Chine" :  ICI ) .

    Vous trouverez sa biographie complète en anglais ICI

    Quelle fut l'oeuvre mathématique de cet homme autodidacte dont l'échec à l'examen triennal de la licence sonna le début de sa carrière mathématique alors qu'il était littéraire ?

    En 1867, à 56 ans il fit paraître la collection de ses oeuvres intitulées " Les mathématiques du studio voué à l'imitation des Anciens".

    Le traité Duoji bilei ( somme finie d'entiers ), dans lequel il présente la formule de Li Renshu ( c'est lui ) est déconcertant: pas de théorèmes, pas de définitions, pas de démonstrations! La langue utilisée est celle du XIIIème siècle et les formules sont justes...
    On y reconnaît les nombres eulériens, les nombres de Stirling de première espèce. La traduction du texte laisse apparaitre entre des tas de petites billes et des petits cubes représentants des nombres figurés, des formules dont aucune trace n'apparaît avant 1867 pour la formule dite de Li Renshu et avant 1883 pour la formule dite de Worpitzki. Le style et la présentation très personnels de Li Shanlan décontenancèrent les premiers historiens. Li indique qu'il voulu présenter son travail avec clarté tout en restant fidèle au style traditionnel, ce qui rend impossible d'établir les démonstrations de ses résultats dans une forme qui nous est familière.
    La logique du Duoji bilei serait plus d'ordre heuristique que formel. Beaucoup d'indices convergent dans ce sens : abondance des généralisations à partir d'exemples, mises à profit des ressemblances de situations proches, procédés de suggestion des résultats.

    Li Shanlan a su utiliser à merveille le Triangle de Pascal ( voir notes et références de l'article de Wikipédia ) et eut l'idée des triangles de Pascal généralisés. Sans expliquer comment il s'y prend pour calculer des sommes complexes d'entiers, il ne se trompe pourtant jamais dans les formules, ce qui montre qu'il savait vraiment s'y prendre.

  • Un étudiant presque comme les autres -2-

    a11c499ce548b700524a232c35816366.jpgPartie 1 : ICI


    - 2 -

    Shanlan savait qu'une de ces loges allait lui être affectée, il n'en ressortirait qu'après bien des souffrances, après avoir passé les trois épreuves de la Licence s'il n'était pas éliminé avant. Quelques temps auparavant Shanlan avait reçu du sous-préfet une petite somme d'argent pour faire le trajet jusqu'au centre d'examen. Il fut dispensé de se rendre vers le milieu de la 7 ème lune devant l'examinateur provincial  pour pouvoir concourir car il avait été classé dans la première catégorie à l'examen k'o teng. Il dut cependant se rendre, comme les autres futurs candidats, au bureau de vente des cahiers afin d'acheter ses trois cahiers sur lesquels il allait bientôt composer. Il lui fallu y inscrire son nom, son lieu d'origine, son âge, la forme de son visage, sa taille, son grade littéraire, le nom de son bisaïeul paternel, le nom de son grand-père, le nom de son père et les réponses à diverses questions administratives afin qu'on apposa sur chacun des cahiers le sceau officiel qui lui permettra de composer le jour venu. Un billet lui fut remis en échange des cahiers qui allaient lui être redonnés le jour de l'épreuve. Il était très tard, Shanlan attendait devant la première porte avec sa literie sous le bras, son réchaud, quelques vivres car tout le monde savait que les repas distribués étaient immangeables. Personne ne pouvait accompagner les candidats et donc porter cet encombrant paquetage? les appels se faisaient cinquante par cinquante et lorsqu'il eut franchi la première porte, Shanlan trouva un deuxième point de contrôle avec une fouille sérieuse. Il fut accompagné par un fonctionnaire jusqu'à sa loge qui portait le numéro 9413, celui même qui était reporté sur sur son cahier de composition. Comme toutes les autres elle était fermée sur trois cotés et le quatrième pan, absent donnait sur un long couloir où circulaient continuellement les surveillants. Shanlan vérifia que tout était en ordre, s'il voyait bien les quatre petites tables dont deux serviraient de siège et de table et les deux autres feraient le lit. Même si le confort de la cellule dans laquelle il allait rester près de deux jours était sommaire, la sienne qui portait le numéro 9413 était propre, complète et sans odeur, ce qui n'était pas le cas pour tout le monde. Ce qui amusait le plus Shanlan, c'était toute cette organisation mise en place pour élire seulement les 1484 licenciés du royaume. Quatre types d'officiers choisis parmi les sous-préfets orchestrent le bal de la Licence. Il y a ceux qui sont chargés de recevoir les cahiers de composition, ceux qui ont pour fonction de replier la première page du cahier, de la coller et d'y apposer un cachet pour empêcher que les examinateurs ne puissent voir les noms. Il y a encore ceux qui sont chargés de faire recopier au minium les compositions. Cette recopie se fait en rouge et sera relue par des fonctionnaires affectés à cette tâche afin d'éliminer toute erreur de recopie. Les fonctionnaires ont droit à trois domestiques chacun. Il ne faut pas non plus oublier ceux qui timbrent les cahiers, ceux qui les rassemblent, les surveillants, ceux qui font des enquêtes, ceux qui préparent la nourriture et ceux qui gardent les portes qui viennent juste d'être scellées puisque tout le monde est rentré dans l'enceinte. Personne jusqu'au lendemain soir ne quitterait plus ce camp. Et si par malheur, comme cela arrivait à chaque concours, il y avait un mort par suicide ou par tout autre cause, parmi les candidats ou les surveillants, une entaille serait réalisée dans le mur d'enceinte afin de permettre le passage du corps. Au fond des bâtiments d'examen sont relégués dans la partie la plus septentrionale, pendant toute la durée des épreuves et jusqu'à la publication des listes d'admission, les Examinateurs et les Officiers, nommés les "Mandarins de la cour intérieure". Il ne leur est pas permis de communiquer avec les autres fonctionnaires. Il leur aussi aussi interdit de posséder de l'encre rouge afin qu'ils ne soient pas achetés pour la correction. Ils furent fouillés très strictement à leur entrée dans l'enceinte.  Les fonctionnaires des appartements extérieurs ne doivent pas avoir d'encre noire. En fait chaque type de fonctionnaire possède une couleur d'encre qui lui est propre: les Examinateurs impériaux se servent d'encre noire, les autres fonctionnaires de la clôture intérieure d'encre bleue, les fonctionnaires de la clôture extérieure d'encre violette, les Copistes d'encre rouge et les Correcteurs, d'encre jaune. Un vrai festival de couleurs pour un seul cahier, pensait Shanlan qui pensait à bien d'autres choses qu'à réussir cet examen...

    La fin de l'histoire : ICI

  • Un étudiant presque comme les autres -1-

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    Shanlan était angoissé. C'était l'année de la licence, épreuve triennale en Chine. Nous étions le 8ème jour de la 8ème lune. Le début officiel des épreuves était fixé au 9ème jour et elles se poursuivraient le 12ème et le 15ème jour. Shanlan s'était rendu à Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang. Shanlan se rappelait tout le travail qu'il lui avait fallu fournir pour arriver jusque-là. Ce fût avec l'aide de son précepteur Chen Huan, illustre lettré, ancien élève de Duan Yucai que Shanlan put mémoriser Les Classiques et s'entrainer aux dissertations littéraires à plan imposé en  huit parties ( bagu ). Il lui fallut apprendre par coeur les Entretiens de Confucius, le Mencius, le Yijing, le Canon de l'Histoire, le Rituel et le Commentaire de Zuo. Il lui fallait retenir très exactement le 431 286 caractères ( un caractère correspondant à un mot ), travail qui lui demanda 6 années d'efforts ininterrompus à raison de 200 caractères par jour. Rien d'extérieur aux Classiques ne pouvait rentrer dans cette tête prête à exploser, même si Shanlan, au plus profond de lui, préférait les mathématiques. Pas de place pour les Neufs chapitres sur le calcul qu'il consultait discrètement dans la bilbiothèque familiale depuis l'âge de 10 ans.

    Dès le 5 de la 8ème lune, les copistes, officiers subalternes et employés entrèrent dans l'enceinte, ils avaient apporté leurs vêtements, leur literie et quelques provisions de bouche; ils furent fouillés à l'entrée par les gardes. Le 6, après un banquet et des prosternations dans la direction du nord, entrèrent dans l'enceinte, les examinateurs au son du canon et de la musique. Le président fit un sacrifice devant la porte, il inspecta toutes les salles et toutes les loges. Tous les fonctionnaires se rendirent à leur poste. Les épreuves de la licence et les premières épreuves du doctorat avaient lieu dans des locaux spéciaux entourés de murs de tous côtés. Shanlan eut froid dans le dos lorsqu'il vit l'ampleur de ce dispositif prêt à recevoir près de 15 000 candidats. Il savait aussi qu'il y avait peu d'élus, seulement 142 places pour la province du Zhejiang et 1484 pour tout l'empire. Ses bonnes compétences mathématiques lui permirent de conclure que le taux de réussite à ce concours n'était que de 0.71% et qu'il y avait au total plus de 200 000 candidats angoissés comme lui dans tout l'empire.

    Le camp s'enfuyait à perte de vue, au fond on apercevait les salles réservées aux mandarins de service, en avant étaient alignés des bâtiments bas, parallèles, tous ouverts sur des allées qui les séparent et divisés par des cloisons en loges, toutes semblables: elles ont une paroi au fond, une sur chaque côté, elles sont meublées de quatre planches qui se posent à différentes hauteurs et qui servent de siège, de table, de lit ; à Hangzhou, les loges ont 1m, 85 de hauteur, 1m, 15 de profondeur, 0m, 90 de largeur ; il y en avait exactement  14 194 ; le personnel d'examinateurs, surveillants, huissiers, domestiques, se montait environ à dix mille hommes...

    La suite : ICI