Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Causalité et Kernésis

 

1) Point de départ : pourquoi reparler de causalité ?

Dans le langage courant, « A cause B ». Cette vision linéaire est utile, mais elle échoue dès que les phénomènes deviennent complexes (vivants, psychiques, sociaux, écologiques). Kernésis propose une lecture mieux ajustée à ces contextes : la causalité n’est pas une flèche unique, c’est une co-formation qui se déploie sur plusieurs échelles et se régule en boucle.

 

2) Le triptyque kernésique : Poussée → Rotule → Flux

Pour décrire une causalité vivante, Kernésis articule trois moments fonctionnels :

  1. Poussée (éclosophie)
    L’impulsion d’origine : événement, intention, contrainte, hasard, perturbation.
    Question clé : qu’est-ce qui met le système en mouvement ?

  2. Rotule (stabilisation / transmission)
    Le point où la poussée se configure : corps, dispositifs, règles, habitudes, milieux.
    Question clé : par quoi et comment l’impulsion se transforme-t-elle en action possible ?

  3. Flux (propagation / résonance multi-échelles)
    Les effets qui se déploient (et rétroagissent) du local vers d’autres niveaux (individu ↔ groupe ↔ institutions ↔ environnement).
    Question clé : que devient l’effet lorsqu’il traverse les échelles, et comment revient-il modifier la situation initiale ?

Formule condensée :

La causalité kernésique est l’alignement d’une poussée qui se stabilise en rotule et se propage en flux, avec rétroactions à travers les échelles.

 

3) Typologie kernésique des formes de causalité

Kernésis ne remplace pas les typologies existantes : il les intègre dans une carte opérationnelle.

  • Linéaire : une cause → un effet (ex. chauffer de l’eau → ébullition).
    Lecture kernésique : poussée simple, rotule et flux peu différenciés.
  • Circulaire / rétroactive : l’effet modifie sa cause (boucles de feedback).
    Ex. enseignant ←→ élève : la question de l’élève reconfigure l’explication.
    Lecture : flux qui revient sur la rotule et requalifie la poussée.
  • Émergente : l’effet résulte d’une configuration (pas d’un facteur isolé).
    Ex. une crise financière issue de multiples arbitrages locaux.
    Lecture : plusieurs poussées s’agrègent via des rotules socio-techniques ; le flux prend une qualité nouvelle.
  • Probabiliste / statistique : la cause ouvre un éventail de possibles.
    Ex. un virus n’entraîne pas la même issue chez tous.
    Lecture : la rotule (état du milieu, du corps, des règles) canalise les probabilités.
  • Fractale : un même motif causal se réplique sur plusieurs échelles.
    Ex. sobriété énergétique : gestes individuels ↔ règles d’entreprise ↔ politiques publiques.
    Lecture : même schème Poussée–Rotule–Flux, répété et couplé entre niveaux.
  • Infractale : au lieu de s’étendre, la dynamique s’approfondit (densité, intériorisation).
    Ex. une épreuve devient ressource créative par travail intérieur.
    Lecture : la rotule est surtout interne (posture, sens, techniques d’attention) ; le flux est qualitatif.

Idée directrice : la causalité réelle mélange souvent plusieurs de ces formes.

 

4) Exemples rapides (lecture Poussée–Rotule–Flux)

  • Science & santé
    Virus (poussée) → système immunitaire, conditions de vie, accès aux soins (rotule) → maladie, guérison, immunité collective (flux avec rétroactions).

  • Histoire
    Attentat de 1914 (poussée) → alliances, nationalismes, économie de guerre (rotule) → conflit généralisé (flux) qui réécrit ses propres « causes ».

  • Pédagogie
    Consigne (poussée) → posture d’attention, confiance, supports, consignes de travail entre pairs (rotule) → compréhensions multiples + questions qui reconfigurent l’enseignement (flux circulaire).

  • Psychologie
    Événement douloureux (poussée) → cadres de symbolisation, soutien social, pratiques corporelles (rotule) → trajectoires divergentes : blessure persistante / résilience créative (flux infractal ou fractal).

  • Écologie
    Émissions (poussée) → modèles énergétiques, régulations, technologies (rotule) → réchauffement + politiques de réponse (flux) qui rétroagit sur l’économie et les comportements.

 

5) Méthode : comment analyser une affirmation causale ?

Une grille en 5 questions pour passer d’un récit simpliste à une lecture kernésique :

  1. Poussée — Qu’est-ce qui déclenche ? (événement, contrainte, intention, aléa)
  2. Rotule — Par quoi passe le transfert ? (corps, outils, règles, milieu, postures)
  3. Flux — Quels effets à chaque échelle ? (micro, méso, macro)
  4. Boucles — Où sont les rétroactions (renforcement, compensation, régulation) ?
  5. Forme — La dynamique est-elle plutôt linéaire, circulaire, émergente, probabiliste, fractale, infractale – ou un mix ?

 

Cette grille évite deux pièges :

Réductionnisme (« une cause suffit ») ;

Flou relativiste (« tout cause tout »).

Elle demande simplement : par où ça passe, et comment ça revient ?

 

6) Implications pratiques

  • Recherche & expertise
    • Passer des « listes de facteurs » à des configurations P-R-F (Poussée–Rotule–Flux).
    • Documenter les rétroactions et les changements d’échelle.
  • Pédagogie
    • Concevoir des cours comme des écosystèmes d’alignement (dispositions corporelles, consignes, interactions entre pairs, temps de reprise).
    • Évaluer les apprentissages par les effets multi-niveaux (compréhension, transfert, coopération).
  • Décision publique / stratégie
    • Identifier les rotules sensibles (règles, incitations, outillage, culture) où un ajustement produit des effets démultipliés.
    • Travailler les boucles de retour (mesure → ajustement → nouvelle mesure).
  • Pratique personnelle
    • Sur un problème récurrent, chercher la rotule (le point de passage réel) plutôt que d’accuser la cause apparente.
    • Cultiver l’infractalité : approfondir la posture et le sens pour transformer la qualité du flux.

 

7) Place des piliers (repères succincts)

En arrière-plan, les quatre piliers du Kernésis aident la lecture des rotules et des flux :

  • RIACP (régulation/inhibition du champ pulsionnel) : stabiliser l’impulsion.
  • ICPME (intégration multi-échelles) : articuler les niveaux d’effet.
  • Posture-Flux : ajustement corporel, attentionnel, éthique.
  • Flux-Joie : symptôme (non but) d’un bon alignement : quand ça circule juste, la qualité du flux se ressent.

 

8) Résumé exécutable (TL;DR)

  • Ce que c’est : une théorie opératoire de la causalité comme co-formation Poussée–Rotule–Flux, avec rétroactions et traversées d’échelles.
  • Ce que ça change : on ne cherche plus « la cause », on dessine la configuration et on agit sur les rotules qui comptent.
  • Comment on s’en sert : appliquer la grille en 5 questions, choisir la forme de causalité dominante (ou mixte), et concevoir des boucles d’ajustement.

 

 

 

 

 

9) Formulation finale

 

 

La causalité, au sens kernésique, est l’articulation vivante d’une poussée initiale, d’une rotule de stabilisation et d’un flux de résonances multi-échelles, où les effets reviennent reconfigurer leurs causes.

Penser « causalité » revient alors à cartographier et ajuster ces passages, plutôt qu’à isoler un facteur unique

Écrire un commentaire

Optionnel