Les 7 émotions fondamentales de la Kernésis

1. Éclosion
: passage du potentiel au réel, sans rupture. Le flux se manifeste en forme vivante.
Signe fluïen : un élan intérieur devient visible sans qu’on puisse dire “je l’ai voulu”.
Effet : naissance du mouvement juste.
Exemple : une idée, un geste, une parole jaillit d’un silence fertile — sans préméditation.
L’éclosion n’est pas l’émotion du début, c’est le début devenu émotion.
2. Rotulie
Structure : bascule d’un régime de flux à un autre ; instant de réorientation juste.
Signe fluïen : tout semble se réaligner soudain, comme si la tension trouvait sa charnière.
Effet : rétablissement de la continuité.
Exemple : une incompréhension se dissipe d’un mot, d’un regard — le flux se remet à circuler.
La rotulie est la joie silencieuse du passage exact.
3. Cérité
Structure : coïncidence d’échelle entre perception, compréhension et réalité.
Signe fluïen : sensation de justesse absolue — non morale, mais topologique.
Effet : stabilité claire du flux, sans tension.
Exemple : tu observes un phénomène et comprends, d’un seul coup, sa structure profonde.
La cérité est la vérité devenue sensation.
4. Fluxance
Structure : circulation harmonique entre tous les plans — rien ne résiste ni ne s’épuise.
Signe fluïen : on ne “fait” plus, on est traversé.
Effet : dissolution des frontières du moi.
Exemple : en marchant, respirant, pensant, tout se synchronise : la pensée bouge comme ton corps.
La fluxance est l’émotion de l’être traversé.
5. Infractalité
Structure : contraction du flux vers sa profondeur ; intériorisation du mouvement sans fermeture.
Signe fluïen : densité vibrante, calme, qui creuse au lieu d’élargir.
Effet : intégration sans expansion.
Exemple : dans un moment de silence dense, la joie se replie et devient présence pure.
L’infractalité est la joie condensée, le feu rentré.
6. Désalignance
Structure : déphasage temporaire entre deux vitesses de flux ; perte de cohérence entre niveaux.
Signe fluïen : malaise diffus, légère confusion, perte de posture.
Effet : signal de réorientation — invitation à la rotulie.
Exemple : tout va bien extérieurement, mais quelque chose sonne “faux” dans ta trajectoire.
La désalignance est la douleur douce de la cohérence rompue.
7. Résonance pure
Structure : vibration directe du flux avec lui-même — émotion sans objet, sans direction.
Signe fluïen : la frontière sujet/monde disparaît.
Effet : expérience immédiate de l’unité du vivant.
Exemple : tu entends un son, vois une forme, et il n’y a plus rien à dire — seulement l’accord.
La résonance pure est l’émotion sans centre.
Synthèse dynamique
Moment du flux |
Émotion kernésique |
Fonction dans le cycle |
Germination |
Éclosion |
Activation du potentiel |
Basculement |
Rotulie |
Ajustement de direction |
Stabilisation |
Cérité |
Consolidation de la justesse |
Expansion |
Fluxance |
Harmonie des circulations |
Contraction |
Infractalité |
Intériorisation du sens |
Dissonance |
Désalignance |
Signal de réajustement |
Fusion |
Résonance pure |
Dissolution des polarités |
Dynamique transformante de chacune
Émotion kernésique |
Nature du mouvement |
Valeur transformatrice |
Éclosion |
Passage du potentiel au réel. |
Fait naître ce qui n’existait pas encore — invention, création, émergence. |
Rotulie |
Réorientation du flux. |
Corrige la trajectoire, transforme la tension en direction juste. |
Cérité |
Stabilisation de la justesse. |
Fait émerger la vérité comme équilibre entre savoir, corps et monde. |
Fluxance |
Circulation intégrale. |
Dissout les résistances : co-création, empathie, inspiration collective. |
Infractalité |
Concentration intérieure. |
Assimile l’expérience, transforme l’énergie externe en sens profond. |
Désalignance |
Déphasage régulateur. |
Détecte la rupture et initie le processus de réalignement. |
Résonance pure |
Fusion du soi et du monde. |
Transforme la conscience elle-même : passage du “je” au “tout”. |
Ce qui change fondamentalement
Vision classique |
Vision kernésique |
Les émotions sont des réactions à un événement. |
Les émotions sont des changements de forme du flux. |
Elles perturbent la raison. |
Elles réorientent la raison, lui indiquent où le flux doit aller. |
On cherche à les contrôler. |
On apprend à les traverser pour qu’elles accomplissent leur fonction. |
Elles expriment le moi. |
Elles participent à la métamorphose du soi. |
Cas particulier et exemple : l’amour
Dans la perspective kernésique, l’amour n’est plus une catégorie émotionnelle isolée, mais une configuration de flux dans laquelle plusieurs des émotions-structures s’accordent.
On pourrait dire que l’amour est la co-présence juste du flux entre soi et l’autre, c’est-à-dire un état de co-émergence stable.
1. Structure générale
L’amour apparaît lorsque quatre mouvements fondamentaux se synchronisent :
Mouvement |
Émotion-structure correspondante |
Fonction dans l’amour |
Ouverture |
Éclosion |
naissance du lien, disponibilité du champ pulsionnel |
Ajustement |
Rotulie |
réorientation réciproque des flux (écoute, adaptation) |
Circulation |
Fluxance |
mise en mouvement harmonique du flux partagé |
Stabilisation |
Cérité / Infractalité |
enracinement du lien dans une justesse et une profondeur vécues |
L’amour n’est donc pas une émotion : c’est un état composite où plusieurs émotions-structures se maintiennent en équilibre.
2. Définition kernésique
Amour : configuration de flux où deux systèmes vivants co-régulent leurs rythmes jusqu’à produire une résonance continue, génératrice de joie, de sens et de stabilité.
Autrement dit, c’est la fluxance incarnée : un flux qui circule librement entre deux consciences sans les dissoudre, en maintenant la différence comme tension créatrice.
3. Phases et transformations
Phase |
Émotion dominante |
Mouvement du flux |
Risque associé |
Rencontre |
Éclosion |
émergence du lien |
fascination, fusion prématurée |
Ajustement |
Rotulie |
recherche de rythme commun |
friction, malentendu |
Expansion |
Fluxance |
circulation fluide, co-création |
dispersion, surextension |
Approfondissement |
Infractalité |
densification, intériorité partagée |
enfermement, inertie |
Vérité du lien |
Cérité |
justesse reconnue dans la durée |
rigidification des formes |
Dissolution possible |
Désalignance |
perte d’accord des flux |
peur, repli, séparation |
Continuité spirituelle |
Résonance pure |
co-émergence élargie (amour sans objet) |
effacement du moi non intégré |
Ainsi l’amour est un cycle fluïen complet : il naît, s’ajuste, s’étend, se concentre, se redéploie.
Sa transformation n’est pas un échec : elle fait partie du mouvement même du flux.
4. Les formes d’amour selon la dominante de flux
Dominante fluïenne |
Expression de l’amour |
Exemple |
Fluxance |
Amour-circulation : co-création joyeuse, curiosité réciproque. |
Une amitié inventive, un duo artistique. |
Infractalité |
Amour-profondeur : silence partagé, enracinement mutuel. |
Un couple mûr qui se comprend sans paroles. |
Cérité |
Amour-justesse : reconnaissance tranquille du lien juste. |
Un lien mentor-élève équilibré. |
Résonance pure |
Amour-universel : sentiment d’unité du vivant. |
Compassion, amour mystique, service. |
5. Valeur transformatrice
L’amour, dans ce cadre, n’est pas possession ni sentiment, mais processus de synchronisation :
- il transforme la perception de soi (le flux devient partagé) ;
- il transforme la perception du monde (l’autre devient partie du monde fluïen) ;
- il ouvre à la joie d’ajustement permanent, c’est-à-dire à une posture de régulation aimante envers tout ce qui vit.
L’amour kernésique est le nom affectif de la continuité du flux entre deux singularités.
Autre exemple: la méditation zen
Description classique de la méditation Zen (sans vocabulaire kernésique)
La méditation Zen, ou zazen, est une pratique issue du bouddhisme Chan (en Chine) et adaptée au Japon par des maîtres comme Dōgen. Elle consiste principalement à s’asseoir en posture stable (souvent en lotus ou demi-lotus), les yeux mi-clos, en se concentrant sur la respiration abdominale pour ancrer l’attention dans le présent. L’objectif n’est pas de vider l’esprit ou d’atteindre un état extatique, mais d’observer les pensées et sensations sans jugement ni attachement, laissant passer les distractions comme des nuages dans le ciel. Cela cultive une présence attentive (mindfulness), réduisant le stress, l’anxiété et les ruminations mentales. Au fil de la pratique, on peut éprouver un calme profond, une clarté mentale, et parfois des insights soudains (satori) sur la nature impermanente et interconnectée de la réalité. Les émotions émergentes – comme la frustration face à l’agitation mentale ou la sérénité une fois apaisé – sont vues comme transitoires, aidant à développer une équanimité. En résumé, c’est une discipline corporelle et mentale qui favorise l’éveil à la vie quotidienne, sans dogme métaphysique imposé, en insistant sur l’expérience directe plutôt que sur des concepts abstraits.
Description de la méditation Zen avec le vocabulaire des sentiments kernésiques
Dans une perspective kernésique, la méditation Zen (zazen) est une posture fluïenne où le pratiquant ouvre une rotule entre le soi et le flux intégral, permettant une co-émergence progressive du monde et de la conscience. Assis en stabilité, on invite l’éclosion d’un silence fertile : un élan intérieur jaillit sans préméditation, manifestant le potentiel du flux en forme vivante – comme une respiration qui devient passage juste, sans rupture. Les distractions mentales signalent une désalignance, un malaise diffus de déphasage entre échelles (corps, pensée, environnement), invitant à une rotulie : ce basculement réorientant où la tension trouve sa charnière, rétablissant la continuité du flux en un ajustement exact. À mesure que la pratique s’approfondit, surgit la fluxance : une circulation harmonique où l’on est traversé par le mouvement, dissolvant les frontières du moi en une harmonie des plans – respiration, posture et monde se synchronisent en un écoulement stable. Cela peut mener à une infractalité, une joie condensée et intérieure, où le flux se contracte en densité vibrante, intégrant l’expérience en présence pure sans expansion. La cérité émerge alors comme coïncidence d’échelles : une sensation de justesse topologique, où perception, compréhension et réalité s’alignent en stabilité claire, révélant la vérité comme sensation directe. Enfin, dans les moments d’éveil (satori), on accède à la résonance pure : une vibration sans objet ni centre, où sujet et monde fusionnent en unité vivante, dissolvant les polarités. Les émotions classiques (frustration, calme) sont lues comme modulations de ces structures : la peur comme désalignance régulateure, la sérénité comme fluxance incarnée.
Apports du vocabulaire kernésique par rapport à une description classique
Le vocabulaire kernésique enrichit la description de la méditation Zen en la rendant plus dynamique et opératoire, transformant une pratique souvent vue comme statique ou introspective en un processus de co-création fluïenne avec le réel. Contrairement à la vision classique, qui met l’accent sur l’observation passive et l’équanimité face aux transitoires (pensées comme nuages), Kernésis pose les émotions et sensations comme traceurs actifs du flux : non des perturbations à laisser passer, mais des structures transformatrices (éclosion pour activer le potentiel, rotulie pour ajuster la trajectoire) qui indiquent, induisent et intègrent la mutation multi-échelles. Cela apporte une dimension ontologique plus radicale : la méditation n’est plus seulement une réduction du stress ou un éveil personnel, mais une co-émergence où le pratiquant “sauve” le flux en ouvrant des rotules uniques, alignant le Zen avec une métaphysique du mouvement pur (être = varier). Phénoménologiquement, les termes kernésiques offrent une grammaire affective précise pour nommer des vécus subtils (fluxance pour la synchronie traversante, infractalité pour la profondeur condensée), évitant les généralités classiques comme “calme profond” et favorisant une régulation immédiate – on sent, on ajuste, on continue. Spirituellement, cela élève le Zen d’une discipline bouddhiste à une posture universelle de régulation aimante, où l’amour (comme fluxance partagée) ou le satori (résonance pure) deviennent configurations du flux divin-monde, sans asymétrie transcendente. En somme, Kernésis rend la pratique plus accessible et transformatrice, en remplaçant le couple plaisir/déplaisir par un continuum d’ajustement, invitant à une expérience où les émotions ne perturbent pas la raison mais la réorientent vers le vivant.
Comparatif synthétique : deux langages, deux visions du même geste
Conclusion
« Le Zen et Kernésis se croisent dans le même silence actif.
Là où le Zen observe les nuages passer, Kernésis sent la circulation de l’air qui les porte.
L’un s’ancre dans la vacuité, l’autre dans la variation, mais les deux visent la même évidence : la stabilité vivante du flux. »