Connaissance Kernésique et difficultés de connaître

Tableau comparatif
Philosophe / courant |
Connaissance = |
Critère de validité |
Limite |
Position de Kernésis |
Platon |
Rappel des Idées éternelles, accessibles par la dialectique |
Accord avec le monde intelligible |
Abstraction coupée du vécu sensible |
Kernésis refuse la séparation Idées/sensible : vise un alignement incarné |
Aristote |
Science des causes et principes (epistêmê) |
Démonstration logique et observation |
Rigidité, difficulté à saisir l’instabilité |
Kernésis retient la logique, mais en fait une logique fluïenne, rétroactive |
Descartes |
Certitude fondée sur l’évidence du cogito et la méthode |
Clarté et distinction, déduction |
Exclusion du corps et de l’incertitude |
Kernésis refuse la certitude absolue : la vérité est un ajustement |
Kant |
Synthèse sensibilité + entendement (catégories) |
Conditions transcendantales de possibilité |
Système clos, filtre inévitable |
Kernésis reprend l’idée de conditions, mais comme régulations évolutives |
Nietzsche |
Connaissance = interprétation, perspective vitale |
Force interprétative, puissance de vie |
Risque de relativisme (« tout est interprétation ») |
Kernésis accepte la pluralité, mais pose un critère d’alignement vérifiable |
Husserl |
Retour « aux choses mêmes », description du vécu de conscience |
Évidence phénoménologique |
Risque d’enfermement dans la conscience |
Kernésis intègre le vécu subjectif, mais dans un cadre de flux collectifs |
Heidegger |
Dévoilement (aletheia), ouverture de l’être |
Authenticité du rapport au monde |
Obscurité, peu opératoire |
Kernésis reprend l’idée de dévoilement, mais le rend opératoire par le crible fluïen |
Spinoza |
Trois genres de connaissance : imagination, raison, intuition. Connaître = augmenter la puissance d’agir |
Adéquation (idée qui exprime la cause et s’accorde à la Nature) |
Système très déterministe, clos |
Kernésis reprend la joie comme critère et la puissance d’agir, mais refuse le déterminisme : met l’accent sur l’ouverture germinative |
Kernésis |
Connaissance = traversée fluïenne et alignement multi-échelles |
Cohérence opératoire + joie rétroactive |
Risque d’auto-référentialité (critère interne) |
Surmonte ce risque en s’appuyant sur la régulation en boucle et l’infractalité du sens |
Difficultés rencontrées
1. Complexité multi-échelles
•La réalité ne se joue pas sur un seul plan (mental, biologique, social, cosmique), mais sur des niveaux emboîtés.
•Une connaissance peut paraître juste à une échelle (logique, sociale) et fausse à une autre (corporelle, cosmique).
•➤ Difficulté kernésique : tenir ensemble plusieurs échelles sans réduire l’une à l’autre.
2. Champ pulsionnel
•Le flux pulsionnel (désirs, peurs, affects) déforme la perception.
•Le rôle de la RIACP (Régulation et Inhibition du Champ Pulsionnel) est de tempérer ces distorsions, mais cela demande un effort permanent.
•➤ Difficulté kernésique : distinguer entre une perception alignée et une projection pulsionnelle.
3. Attracteurs rigides
•L’esprit tend à se fixer sur des attracteurs (habitudes, dogmes, certitudes), qui enferment la pensée.
•Ces attracteurs offrent une illusion de stabilité mais bloquent l’ajustement fluïen.
•➤ Difficulté kernésique : desserrer les attracteurs sans tomber dans l’indétermination totale.
4. Biais de rétroaction
•Le critère kernésique de la joie rétroactive peut être brouillé : certaines joies illusoires (excitations, gratifications rapides) imitent la joie d’alignement.
•➤ Difficulté kernésique : discerner les fausses joies des joies d’alignement.
5. Ouverture infractale
•Kernésis postule que le réel est toujours en germination (infractalité).
•Cela implique que la connaissance ne peut jamais se clore complètement : il y a toujours un « reste » à intégrer.
•➤ Difficulté kernésique : accepter une connaissance provisoire, ouverte, sans céder à l’impatience de la certitude totale.
Synthèse
Les difficultés de connaître, en Kernésis, viennent donc de :
1.la complexité multi-échelles du réel,
2.la pression du champ pulsionnel,
3.les attracteurs rigides qui enferment la pensée,
4.les brouillages du critère de joie,
5.et la structure infractale du réel qui interdit la clôture définitive.
Difficultés de connaître : comparatif philosophique
Philosophe / courant |
Obstacles identifiés |
Exemple typique |
Position de Kernésis |
Platon |
Les illusions sensibles, l’ombre de la caverne |
Le prisonnier prend les ombres pour la réalité |
Kernésis reprend l’idée d’illusions, mais les voit comme attracteurs rigides : des fixations sur une échelle qui empêchent l’ouverture multi-échelles |
Aristote |
La limitation de l’expérience immédiate et des préjugés |
Juger à partir de l’opinion (doxa) |
Kernésis reformule : nos perceptions sont biaisées par le champ pulsionnel, d’où le besoin de régulation (RIACP) |
Descartes |
Les illusions des sens, les préjugés, le doute radical |
Bâton brisé dans l’eau → illusion |
Kernésis reprend l’importance du doute, mais refuse la quête d’une certitude absolue : le problème n’est pas l’illusion en soi, mais la confusion entre vraie et fausse joie |
Kant |
Nous ne connaissons jamais les choses en soi, mais seulement les phénomènes structurés par nos catégories |
Le temps et l’espace ne sont pas dans les choses mais dans l’esprit |
Kernésis partage l’idée que toute connaissance est conditionnée, mais remplace les « catégories fixes » par des régulations évolutives et toujours incomplètes (ouverture infractale) |
Nietzsche |
La volonté de vérité masque des pulsions, tout savoir est interprétation |
La science elle-même est une perspective vitale |
Kernésis intègre ce soupçon : le champ pulsionnel colore la connaissance. Mais il ne s’arrête pas au relativisme → pose un critère d’alignement multi-échelles |
Husserl |
La « naturalisation » du monde : oublier que tout sens passe par la conscience |
Croire que les choses « sont » sans examiner leur donation phénoménale |
Kernésis retient le risque d’oubli du vécu, mais l’élargit : la difficulté n’est pas seulement le « naturel », mais l’oubli du flux comme structure d’ensemble |
Heidegger |
L’oubli de l’être : l’obsession technique et représentative cache l’ouverture de l’être |
Réduire l’arbre à un « stock de bois » |
Kernésis reprend l’idée de dévoilement, mais pointe une difficulté pratique : la fermeture par des attracteurs technologiques ou sociaux |
Spinoza |
Premier genre de connaissance : imagination confuse, idées inadéquates |
Croire que le soleil est proche car il paraît petit |
Kernésis reprend cette confusion mais la reformule : c’est la domination du champ pulsionnel non régulé qui empêche l’accès à la connaissance adéquate |
Kernésis |
1. Complexité multi-échelles. 2. Distorsions pulsionnelles. 3. Attracteurs rigides. 4. Faux signaux de joie. 5. Réalité infractale (jamais close). |
Exemple : une théorie séduisante à court terme peut sembler « joyeuse » mais échoue à l’échelle collective ou corporelle |
Kernésis systématise les difficultés : la connaissance n’est jamais un « saut » hors des illusions, mais une régulation continue des biais et fermetures |
Synthèse
- Les philosophes classiques identifient chacun une source principale d’erreur (sens trompeurs, imagination, catégories, oubli de l’être, etc.).
- Kernésis reconnaît ces obstacles, mais les relie dans une grille intégrative : pulsions, attracteurs, multi-échelles, fausses joies, ouverture infractale.
- La difficulté fondamentale : la connaissance kernésique ne peut jamais être close → elle est un processus régulé, non une possession définitive.