Temps et éternité : une approche kernésique

La tradition oppose le temps (succession, devenir, irréversibilité) à l’éternité (immuable, hors du temps).
Mais cette opposition échoue à décrire l’expérience humaine : nous vivons le temps comme pression ou fuite, et parfois comme dilatation ou intensité qui semblent excéder la simple succession.
Kernésis propose de relire cette relation à travers trois opérateurs : poussée germinative (Éclosophie), rotule d’articulation, flux intégral.
1. L’éternité comme réserve germinative
L’éternité n’est pas conçue comme un ailleurs immobile, mais comme la réserve silencieuse de tout possible : une profondeur inépuisable qui précède et porte tout surgissement.
2. Le temps comme infractalité de l’éternité
Le temps n’est pas une portion découpée de cette réserve.
Il est son infractalité : un approfondissement intérieur, une spirale résonante où l’éternité se condense en instants.
Chaque moment est une densification singulière de l’éternité, plutôt qu’un simple fragment.
3. Vécus temporels
Phénoménologiquement, nous expérimentons le temps sous trois formes :
• Infraflux : quand la poussée est bloquée, le temps paraît figé.
• Surflux : quand la poussée déborde, le temps s’emballe, brûle.
• Équiflux : quand la régulation est juste, le temps devient fluide, ouvert, porteur de joie.
Dans ces moments d’équiflux, l’éternité se laisse pressentir comme profondeur du présent.
4. Joie comme critère rétroactif
Dans Kernésis, la joie n’est pas une émotion contingente mais un indicateur d’alignement : elle signale que la poussée, la rotule et le flux se sont accordés, que le temps et l’éternité se rencontrent.
5. Questions critiques et limites
• Infractalité : métaphore ou concept ?
Parler d’« approfondissement intérieur » ou de « spirale résonante » peut sembler poétique. Ce qui distingue l’infractalité, c’est la tentative de décrire des vécus précis : ceux où l’instant se creuse et s’intensifie, plutôt que de s’écouler. Mais il reste à montrer en quoi ce terme dépasse l’image pour devenir une catégorie phénoménologique ou formelle.
• Trois plans : articulation incertaine
Le modèle distingue un plan métaphysique (temps = infractalité de l’éternité), un plan phénoménologique (expérience vécue du temps), et un plan intégratif (poussée/rotule/flux). Mais le passage de l’un à l’autre reste plus affirmé que démontré.
• Circularité de la joie
Dire que la joie valide l’alignement et que l’alignement se reconnaît à la joie crée une boucle autoréférentielle. Cette circularité peut être féconde comme critère interne, mais ne vaut pas comme preuve externe.
• Validation empirique ou logique
Sans appui expérimental (psychologie, neurosciences de la temporalité) ou formel (modélisation mathématique de l’infractalité), l’approche reste cohérente mais auto-référentielle.
6. Ouverture
L’approche kernésique du temps et de l’éternité est stimulante intellectuellement et féconde conceptuellement : elle déplace le problème de l’opposition classique pour le reformuler comme une articulation dynamique entre réserve (éternité) et approfondissement (temps).
Mais sa valeur ne réside pas encore dans une démonstration, plutôt dans une hypothèse structurante qui demande :
• à être testée par une phénoménologie comparée des vécus temporels,
• à être explorée par les sciences cognitives et les neurosciences,
• à être formalisée mathématiquement comme logique d’intensification.
Formule kernésique provisoire
• Éternité : réserve germinative.
• Temps : infractalité de l’éternité.
• Temps vécu: modalité d’approfondissement de l’expérience présente
• Joie : signe de leur accord.
Question laissée ouverte : comment valider, au-delà de la cohérence interne, que le temps est bien l’infractalité de l’éternité, et non une métaphore inspirée de notre vécu ? » »