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La sculpture en marbre : analyse kernésique

 

1. Éclosophie (poussée germinative)

La sculpture commence par une poussée intérieure, un désir de forme qui cherche à naître.

  • Le sculpteur sent dans le bloc de marbre non pas seulement une matière inerte, mais une puissance d’émergence : un germe de figure.
  • La poussée est double : celle du sculpteur (imaginaire, intention, vision), et celle du marbre (résistances, veines, densité, fragilité).
    → L’acte créateur naît de la tension entre ces deux poussées.

2. La rotule (stabilité et régulation)

La frappe du ciseau n’est pas brutale : elle demande régulation.

  • Le sculpteur module sa force, ajuste son geste, inhibe son excès pulsionnel (RIACP).
  • Chaque coup est une rotule micro-temporelle : stabiliser le flux du geste pour que la pierre s’ouvre sans se briser.
  • La rotule est aussi mentale : ne pas se précipiter, écouter le rythme interne du marbre.

3. Flux Intégral (intégration multi-échelles et posture)

  • À l’échelle du corps : respiration, rythme, posture du sculpteur.
  • À l’échelle de l’œuvre : vision globale, équilibre de la forme, continuité des lignes.
  • À l’échelle du monde : inscrire cette sculpture dans une tradition, un espace, une résonance collective.
    → La réussite vient de l’alignement multi-échelles (ICPME).

4. Flux-Joie

  • Quand le geste est juste, la matière répond.
  • La joie est le symptôme rétroactif d’alignement : la pierre chante au sculpteur, le geste devient fluide.
  • La joie n’est pas seulement satisfaction esthétique finale, mais joie processuelle dans l’accord entre main, marbre et vision.

 

 Comparaison avec les approches philosophiques classiques

❖ Platon

  • Pour Platon, la sculpture est l’imitation (mimèsis) d’une forme idéale.
  • Le sculpteur extrait de la pierre une copie de l’Idée, mais reste à distance de la vérité (puisque seule l’Idée est pure).
  • → Kernésis s’éloigne de cette logique : l’acte n’est pas imitation, mais co-naissance d’une forme dans un flux vivant.

❖ Aristote

  • Pour Aristote, l’art consiste à actualiser une puissance (dunamis) contenue dans la matière.
  • Le marbre contient potentiellement la statue, et le sculpteur actualise cette puissance par son action.
  • → Ici, Kernésis rejoint Aristote : l’éclosophie est une lecture de la poussée germinative de la matière.

❖ Michel-Ange (néo-platonisme artistique)

  • Célèbre formule : « Je vois l’ange dans le marbre et je sculpte jusqu’à ce que je le libère. »
  • L’idée est que la forme est déjà là, prisonnière.
  • → Kernésis nuance : la forme n’est pas seulement libérée, elle est co-créée par l’ajustement du sculpteur et la résistance du marbre.

❖ Heidegger

  • Dans L’Origine de l’œuvre d’art, l’œuvre met en tension Terre (matière, retrait) et Monde (sens, ouverture).
  • La sculpture ouvre un monde tout en laissant la pierre se retirer dans sa massivité.
  • → Kernésis croise cette idée : la rotule est précisément ce lieu de régulation entre ouverture et retrait.

❖ Bergson

  • L’art est pour lui un dévoilement de la durée et de l’élan vital, échappant aux clichés.
  • → Ici, Kernésis se rapproche de Bergson : la sculpture est un prolongement du flux vital dans la matière.

 

✦ Synthèse comparative

  • Platon : forme préexistante, Kernésis : forme émergente co-créée.
  • Aristote : actualisation d’une puissance, Kernésis : activation d’une poussée multi-échelles.
  • Michel-Ange : libération d’une figure déjà là, Kernésis : ajustement dynamique entre matière et geste.
  • Heidegger : tension Terre/Monde, Kernésis : rotule comme articulation pulsionnelle.
  • Bergson : élan vital, Kernésis : poussée germinative en acte.

 

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