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  • Complexité des systèmes urbains : quelles perspectives ?

    Face à la complexification de nos sociétés modernes (mondialisation accélérée, croissance continue d'une population dont les besoins augmentent, amélioration globale des niveaux de vie et d'éducation), les chercheurs et les ingénieurs sont contraints de mettre au point des méthodes innovantes d'analyse de données pour permettre aux organisations humaines de rester réactives, rigoureuses et précises dans l'accomplissement des tâches qui leur sont affectées.

    Il n'aura ainsi fallu que quelques décennies pour que l'étude des systèmes complexes, interdisciplinaires par nature, soit considérée comme une thématique clé de la recherche contemporaine, notamment celle appliquée aux territoires des villes, mégalopoles en tête.


    La complexité des systèmes urbains au coeur de la recherche contemporaine
    Crédits : MST, Source : Fotolia


    Définition et évolution

    On qualifie un système de "complexe" lorsque l'interaction du grand nombre d'entités qui le constituent favorise l'émergence de traits et de phénomènes globaux qui ne peuvent être ramenés à la compréhension des interactions locales. En clair, le tout est plus que la somme de ses parties.

    La recherche sur la complexité vise à comprendre des phénomènes dont l'intrication est telle qu'ils sont difficilement abordables en utilisant les méthodes connues. L'étude et la modélisation des systèmes complexes se sont développées il y a plus de quarante ans et ont d'abord trouvé une assise institutionnelle en 1984, aux Etats-Unis, avec la création du Santa Fe Institute. Ses membres fondateurs eurent à coeur de promouvoir l'interdisciplinarité [1]. La biologie (et plus précisément la génomique) fut l'un des premiers secteurs à bénéficier du déluge de données lié à la puissance accrue de calcul des ordinateurs. Au fil des ans, de nombreux autres secteurs ont eux-aussi été transformés par l'accès à des volumes gigantesques de données. Depuis l'explosion des télécommunications à la fin des années 1990, la quantité d'information échangée en continu n'a jamais cessé de croître : le développement massif du web (plus de deux milliards d'internautes dans le monde en 2012 [2]) y a largement contribué. L'avènement plus récent de l'Internet des Objets (appareils connectés aux réseaux de télécommunication tels que les smartphones, ordinateurs, tablettes, capteurs en tout genre) accentue encore plus cette tendance [3]. En parallèle, les données publiques s'ouvrent à la faveur du mouvement Open Data [4, 5], notamment dans le domaine du transport et de l'optimisation du fonctionnement des services publics. Dans ce paradigme en constante évolution, il sera de plus en plus nécessaire de mettre en place des outils formels permettant de naviguer dans ces larges quantités de données disponibles à faible coût [6].

    Il est impératif de préciser que la complexité touche l'ensemble des champs de la connaissance. La compréhension des mouvements économiques et financiers ne se cantonne pas à celle de la spéculation d'une poignée de traders, tout comme les embouteillages ne s'expliquent pas par la somme des comportements individuels des automobilistes impliqués [7]. La propagation d'une rumeur ou d'une épidémie relève également d'un important niveau de complexité. Son étude doit donc reposer sur la mise en commun de compétences issues de domaines de recherche différents ainsi que de puissants outils de calculs. La clé serait donc l'interaction de disciplines souvent considérées comme reines - à l'instar des mathématiques ou de l'informatique - avec les autres disciplines comme la biologie et la sociologie. Les données étudiées n'étant plus uniquement physiques, leur analyse nécessite bien le double regard des sciences dures et des sciences dites "molles" : le risque serait trop grand que les physiciens fassent de l'économétrie physique sans se préoccuper des assises économiques et sociales des réalités sur lesquelles ils travaillent [1].

    Et la ville dans tout ca ?

    Associée aux besoins analytiques de compréhension des systèmes urbains dont est supposée émerger la ville du futur (une ville hyper-connectée et "durable", d'après le triptyque économie-environnement-équité sociale), la recherche sur la complexité vise à mieux comprendre l'imbrication et l'interaction de la foule de paramètres - qu'ils soient relatifs à l'énergie, au transport, à la santé, à l'éducation, etc. - définissant l'espace urbain et le volume relatif de données à traiter (en augmentation exponentielle, comme nous l'avons vu). Ainsi, en connaissant mieux les influences sociologiques ou écologiques d'une ville, sans se cantonner à l'analyse des seuls flux physiques, de grands espoirs sont placés dans l'étude des systèmes complexes comme outil permettant de mieux guider les politiques publiques. En d'autres termes, comment retirer de l'analyse des systèmes urbains des éléments de compréhension et de réflexion pour les décideurs... sans oublier de leur préciser de s'en servir avec précaution, et discernement.

    La pression règlementaire sur la thématique de la ville durable, la disponibilité accrue des données sur le territoire urbain et les travaux engagés de manière continue sur le traitement de cette information font que le chantier de la ville du futur est un marché aujourd'hui en pleine maturation où l'innovation joue un rôle majeur. La Silicon Valley n'échappe pas à la règle avec l'émergence d'un grand nombre de startups dans le domaine de l'analyse de données ou ducleanweb, tandis que les universités de premier rang comme Berkeley et Stanford multiplient les programmes ayant trait - de manière logique - à cette "complexité" urbaine [8-10]. La logique Smart Grid [11] d'optimisation énergétique mais aussi celle, plus large, de la ville intelligente [12], sont ainsi typiquement traitées. Parce que les métiers urbains sont tous couplés et s'influencent mutuellement, il faut être capable de modéliser cette interaction systémique pour identifier les bons leviers d'action : un chantier de taille !

    Il est d'ailleurs intéressant de souligner que désormais, rendre la ville durable passe par une modalité de recherche non plus seulement centrée sur l'excellence de coeurs disciplinaires, mais sur la qualité de l'interdisciplinarité. Le tout est plus que la somme de ses parties, n'est-ce pas ?

    http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/74059.htm