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Contes - Page 2

  • Un petit conte scolaire

    Rémi revient de l'école. C'est un élève débordant d'énergie, un élément turbulent, souvent enclain à la dissipation et ses parents le savent bien et lui mettent la pression. Il est dans une classe de collège très hétérogène. Il écoute le cours pendant un moment, puis petit à petit, son comportement se modifie, la dispersion apparait. Les professeurs le sermonent sans cesse. Lui, il explique que c'est parce qu'il s'ennuie chaque jour en classe, de façon cyclique, qu'il éprouve de la fatigue. Las de n'avoir que très peu de prise sur lui, les professeurs lui font remarquer que son esprit n'est pas assez souple, et qu'un peu de plasticité intellectuelle lui ferait le plus grand bien. Au lieu de s'échauffer en permanence, et de s'agiter avec ses camarades, il ferait mieux de fournir un travail continu et de s'imposer des contraintes rigides qu'il respecterait. Rémi sait très bien qu'il ne possède aucune fluidité pour répondre aux exigences scolaires mais il a en outre un niveau solide en jeux vidéos dans lesquels il est capable de déployer une énorme puissance imaginative et ça les professeurs oublient toujours de le souligner. Certes ses notes ne sont pas régulières, comme élastiques mais Rémi dit qu'il fait souvent des efforts. Cependant ces professeurs ne sont pas très optimistes en ce qui concerne sa trajectoire , son orientation, il manque de repères. Rémi, pris dans le tourbillon de l'insouciance, préfère rester à la surface des choses, ne pas subir le choc brutal de la confrontation avec les adultes, leur rugosité quasi-permanente et rester dans son milieu clos, dans sa bulle, au bord de leur univers.

     

    Un constat

     

    Loin d'être innocent, ce petit texte cache en tous les mots soulignés un double-sens, dont l'autre, très précis en mécanique, est proche - sauf pour « jeu » peut-être- de l'idée intuitive que l'on s'en fait. Alors pourquoi les qualificatifs utilisés sont-ils à se point présents en mécanique ( ou dans ce texte )? Les comportements individuels et collectifs auraient-ils un rapport étroit avec cette science? Ne parle-t-on pas aujourd'hui de société liquide? Nous pouvons être surpris d'une telle adéquation des deux registres de vocabulaire. Il m'aurait d'ailleurs été tout aussi facile de faire un texte reprenant ces mêmes mots abordant le comportement de tel matériau dans un fluide. La mécanique n'est plus seulement celle de Kepler, elle travaille depuis quelques temps déjà avec l'hétérogénéité, les changements de phases, de température et de pression. C'est aussi la mécanique des grandes déformations, des effondrements, des éboulements et des glissements . Elle est maintenant statistique, fait la part belle au chaos, aux fractales. Elle n'est plus la mécanique du simple ( qui n'est pas forcément simple : problème à N corps ) mais aussi du complexe, du mélangé, du poudreux, du gélatineux, du sableux, etc, elle est mécanique des interfaces, des zones de turbulence, de mélange.. Les limites deviennent moins nettes, moins sûres, plus dynamiques, les différences s'amenuisent à la frontière mais engendrent cependant des effets dans la totalité du milieu. Le milieu social s'explique-t-il dans les mêmes termes que le milieu de la mécanique? Le langage, en précurseur, semble l'indiquer.

  • Terrain vague

    Valéri continuait à marcher, il regardait dans le vague, un terrain lui apparu sur sa gauche. Les herbes sèches et les gravats disparurent rapidement. Valéri se retrouva tout simplement au beau milieu de rien. Il baissa la tête en direction de ses pieds et vit un sol plat incolore mais pas transparant se déployer jusqu'à l'infini. Rien n'attirait l'oeil. Nulle part et partout où aller. Il n'y avait plus de choix privilégié. La température était agréable mais Valéri ressentit des frissons l'envahir. Sans doute l'angoisse.  Comment faire un choix, alors que tous se valent? Comment décider d'une action sans garantie de réalisation d'un objectif, quel qu'il soit? Valéri fut pris de vertiges, pas de ceux qui font tomber à la renverse mais bien de ceux qui laissent des traces, dont on ne se débarasse pas, des vertiges de la peur. Valéri fit un pas puis deux, puis trois, il vit que rien ne se modifiait autour de lui, c'était comme s'il avançait sur place, il courait, sautait, criait mais rien ne se produisait sauf les simples conséquences de ses actes sur lui même. Son environnement ne lui renvoyait nul retour sur lequel s'appuyer. Rien que du rien, c'est tout.

  • L'arbre

    Un peu plus avant, Valeri rencontra de nouveau les deux badauds. Assis sur un banc, l'un faisait de grands gestes avec le bras droit tandis que l'autre bougeait beaucoup la tête.
    - C'est un arbre
    - Un quoi ?
    - Un arbre, te dis-je.
    - Je ne comprends pas.
    - C'est un arbre.
    - Non vraiment c'est trop compliqué pour moi.
    - C'EST UN ARBRE !
    - Peux tu m'expliquer?
    - C'est un arbre car il possède la caractéristique d'arbritude, c'est un arbre car il arbrisse, c'est un arbre car il a un tronc et des feuilles, c'est un arbre car il arbore.
    - Oui c'est bon j'ai compris, mais pourquoi as-tu utilisé le même nom pour indiquer quatre choses différentes, c'est ça qui m'embrouille ?
    Valeri continua son chemin, méditatif mais la sensation de solitude commença à lui peser.

  • Le fleuve

    Un peu sonné, Valeri poursuivit son chemin vers le fleuve. C'était comme si l'eau l'appelait, il l'entendait, l'écoutait, allant jusqu'à l'imaginer. Sous le pont l'escalier descendait, tout raide, pour venir mourir sur la rive. Valeri s'avança, lentement, en suivant le cortège de deux badauds qui déambulaient puis qui s'évaporèrent. La berge s'ouvrait et Valeri enfila sa main sous les remous glacés pour en saisir toute la pathétique réalité. Le pêcheur était assis, à coté, immobile. L'eau se faufilait entre ses doigts. Les secondes s'accrochaient à l'onde pour ensuite se disperser en fines gouttelettes. En face, sur l'autre berge, un chien promenait son maître ! Quelle idée ! Valeri plaça sa main sur une fine lame et se concentra sur le fil. Il laissa glisser son esprit, sans le retenir, qui rejoignit son imagination, elle aussi lacérée. Tous deux colorèrent l'eau et firent disparaître le pêcheur. Le chien gueula après son maître. Il n'avançait pas assez vite. Valeri poursuivit son chemin et le pêcheur du regard. Il ne bougeait presque plus. Il était seul maintenant. La végétation s'épaississait autour de lui. Etouffantes de vérités, les branches s'enlaçaient, s'enroulaient autour de sa carcasse et la retenait. Les ronces s'agrippaient sur la veste. Le chemin était trop difficile. A quelques pas, le sentier remontait un peu. Valeri se dit qu'en l'empruntant, il pourrait, peut-être, contempler le fleuve. Seul.

     

  • Au pays de Lam -I-

    Toujours en marchant
    Je m'arrète au pays de Lam
    Le portier m'interpelle
    Eh, l'ami es tu un habitué ?
    Non lui répondis-je
    Alors tu souffriras me répondit-il en riant
    Bonne route quand même
    Au pays de Lam, il faisait juste assez chaud pour être bien
    L'air y était vif
    Pourquoi le portier m'as t-il dit que je souffrirai ?
    Après quelques heures de marche, la fatigue commença à me prendre dans les pieds et les jambes. Je décidais de m'arréter lorsque je vis le portier
    Et l'ami, on tourne en rond , s'exclama-t-il en riant encore
    Non lui répondis-je, j'ai pris la route, elle était droite j'en suis certain
    Ah l'ami, au pays de Lam, saches que les droites sont des cercles et les cercles sont des droites, c'est la règle, il faut t'y plier, comme tout le monde
    Dis moi, portier, je suis exténué, j'aimerai aller à l'auberge la plus proche, comment puis-je m'y rendre ?
    Facile, facile, vas tout droit et tu la trouveras sur ton chemin
    Mais comment faire puisqu'ici, aller tout droit signifie tourner, si je reprends la route, je vais tourner en rond une nouvelle fois
    Mais l'ami , ici les routes sont interdites, c'est le seul endroit où il ne faut pas aller. Eloigne toi de la route et tu trouveras l'auberge
    Dois je aller à gauche ou à droite?
    Peu importe ici il n'y a ni gauche ni droite, ou plutôt c'est la même chose
    Des champs s'ouvraient à perte de vue, les yeux me piquaient un peu et la chaleur me semblait soudain plus lourde
    je marchais, marchais et l'auberge n'apparaissait toujours pas. Le portier aurait-il menti ?
    Soudain, une silhouette se dessinait à l'horizon
    Pourvu qu'il ne parte pas, j'accélérai les pas et je vis le portier cueillir tranquilement des cerises
    Agacé, je demande au portier si l'auberge est encore loin
    Ah l'ami, tu ne sais sans doute pas, au pays de Lam, les aubergent passent mais ne restent pas, il est souvent difficile de les rencontrer, cela demande une certain habitude et la première fois personne n'y arrive
    Alors comment faire pour me reposer ?
    Et bien tu le fais mais pas à l'auberge
    Chez quelqu'un alors ?
    Si tu veux, tu peux essayer
    Je continue mon chemin, qui n'en est pas un d'ailleurs, afin de trouver une habitation, mais des champs, rien que des champs
    Soudain, une maison se dessina à l'horizon
    Pourvu que le propriétaire soit accueillant, j'accelerais le pas et je vis le portier à la grille
    Fourbu,je en pose même pas la question de savoir pourquoi je rencontrai toujours le même homme
    Et je lui demandais s'il pouvais m'héberger pour la nuit
    Eh l'ami me rétorqua-t-il, tu ne sais sans doute pas, mais je ne suis pas le propriétaire et c'est justement lui qui m'emploie pour garder la demeure afin de s'assurer que personne n'y entre
    Peux-tu m'indiquer la prochaine maison alors ?
    Je n'en connais pas d'autre près d'ici
    Mais alors comment me reposer?
    Attends l'auberge, elle va sans doute bientôt passer c'est son heure. Vas au bout du chemin et assieds-toi
    , lorsque l'aubergiste te verra, il s'arrêtera
    D'accord
    En effet, l'aubergiste arriva, c'était en fait une grande roulotte. Ella s'avança jusqu'a moi et l'aubergiste, un maigre bonhome tout rabougri, marmonna une phrase inaudible
    Aubergiste, lui dis-je, est-il possible de dormir une nuit ?
    Oui c'est possible mais il faudrait que tu sois avec le portier, car ici c'est le portier qui ouvre les portes et moi je suis un simple aubergiste
    Tout ceci ressemblait à une farce de mauvais goût
    Mais comment aller chercher le portier sans que tu partes?
    Ne t'inquiète pas, si tu trouves le portier, je repasserai vite
    Je retournais donc sur mes pas, vers la belle demeure afin d'y rencontrer le portier. Il était toujours à la grille
    Portier, lui dis-je, je dois attendre avec toi l'auberge afin que tu m'ouvres la porte, c'est l'aubergiste qui m'a envoyé à ta rencontre
    D'accord mais je te préviens, il est rare que les auberges passent près des maisons. Elles ne s'aiment pas beaucoup.
    Es tu en train de me dire que si j'attends ici l'auberge avec toi, jamais elle ne passera
    Je ne suis pas aussi catégorique, mais il est vrai que de mon vivant, je n'ai jamais vu une auberge s'approcher d'une maison
    Viens donc avec moi un peu plus loin
    Impossible, je garde la porte de la maison
    Et quand cesseras-tu ce travail ?
    Lorsque le propriétaire reviendra
    Quand reviendra t-il ?
    Je ne sais pas
    Je dois donc attendre un temps indéterminé avant de me reposer !
    Oui
    Et toi tu ne te reposes pas ?
    C'est déjà fait
    Et les autres jours , à quelle heure le propriétaire est-il revenu ?
    Je ne sais pas, c'est la première fois que je garde sa maison
    Et qui est le propriétaire ?
    C'est l'aubergiste
    Mais alors, il va venir ici
    Oui, mais sans son auberge, seulement pour se reposer
    Et penses-tu qu'il m'accordera le gîte ?
    je ne pense pas, c'est déjà son travail, c'est beaucoup lui demander
    C'est inextricable !
    Pour toi oui
    Pourquoi pour moi ?
    Parce que tu as envie de te reposer et visiblement, c'est impossible
    As-tu une solution ?
    Non, c'est à toi de la trouver, moi je peux seulement te renseigner et t'aider dans la limite de mes possibilités
    Que ferais-tu à ma place ?
    Je n'y suis pas
    Mais si tu y étais ?
    La même chose que toi
    C'est à dire?
    Ce que tu fais
    Mais je n'y arrive pas
    Alors, moi non plus je n'y arriverai pas
    On tourne en rond
    C'est comme cela que l'on avance au pays de Lam
    C'est fatigant
    Oui, je t'avais prévenu, d'ailleurs tu ferais mieux de poursuivre ton chemin car ici il n'y a pas de solution à ton problème
    Pour aller où ?
    Où tu veux !
    Je veux me reposer
    Mais ce n'est pas un lieu et au pays de Lam, il n'y a que des lieux, le reste est incertain
    Certes mais je vois bien que l'on ne peut ni rentrer dans une maison, ni rentrer dans une auberge, ni prendre une route
    Tu as sans doute raison, le pays de Lam est peut-être le lieu de l'idée des lieus, le reste n'est que pure imagination
    Mais comment faites-vous pour y vivre ?
    On s'habitue, ce n'est pas pire que d'autres rèbgles, c'est différent c'est tout
    Ici, vous vivez avec l'idée des choses et non les choses?
    Oui et c'est plus reposant ainsi
    Je n'ai donc pas d'auter choix que de remplacer l'auberge par l'idée de l'auberge ?
    C'est ça, tu peux même mieux faire, en n'ayant pas d'idée du tout
    Mais dans ce cas c'est impossible d'avancer
    N'oublie pas qu'au pays de Lamn tu avances en tournant en rond
    Que veux tu me dire ?
    Rien, que les choses ne sont pas forcément comme tu les penses
    Je m'y perds
    Et pourtant, tu viens d'avancer sans bouger, alors que tu croyais qu'il fallait bouger pour avancer !
    Quel étrange pays que ton pays de Lam !
    C'est aussi le tien
    Comment ça ?
    C'est le tien puisque tu y es
    Je n'y suis que de passage
    Comment peux tu en être si sûr ?
    Car je vais retourner dans le mien
    Oui mais on ne sort jamais vraiment du pays de Lam. Plus tu le fuieras, plus il se rapprocheras. Plus tu chasses une idée, plus elle s'accroche à toi, ne l'as tu jamais remarqué? Et le pays de Lam, c'est justement le pays des idées
    Adieu portier, peux tu m'indiquer comment rentrer chez moi ?
    Rien de plus simple
    Le portier ouvrit la grille, puis la porte de la maison de l'aubergiste et je vis à ce moment le trottoir sur lequel je marchais