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La Confiance comme Circulation Vivante : un guide pratique inspiré de Kernésis

 

La confiance n’est pas ce que vous croyez

Quand on parle de confiance, on dit souvent « j’ai confiance » ou « je te fais confiance », comme si c’était une possession, un objet qu’on détient ou qu’on offre. Mais en réalité, la confiance ressemble davantage à une rivière qu’à un coffre-fort.

Pensez à un moment où vous vous êtes senti vraiment en confiance avec quelqu’un. Ce n’était pas juste « dans votre tête » — votre corps était détendu, votre respiration ample, les mots circulaient facilement entre vous. Quelque chose passait, s’écoulait naturellement. À l’inverse, rappelez-vous une situation où la méfiance régnait : épaules crispées, gorge serrée, chaque phrase pesée et retenue. Le flux était bloqué.

Dans l’approche kernésique, la confiance est exactement cela : une circulation du flux entre les êtres, les corps et les environnements. Elle émerge quand nos tensions — peur, incertitude, besoin de contrôle — trouvent un passage régulé, un espace où l’énergie cesse de se figer ou de s’affronter pour commencer à se relier.

Cet espace de passage, nous l’appelons une rotule : non pas un vide inerte, mais un vide actif qui transforme la fermeture en respiration. Créer la confiance, c’est donc fabriquer ces rotules dans notre vie — des structures souples où l’énergie relationnelle peut s’organiser et circuler.

 

Comprendre : la confiance opère à toutes les échelles

La première découverte importante, c’est que la confiance n’est pas seulement une affaire entre deux personnes. Elle se joue simultanément à quatre niveaux :

Au niveau corporel (micro) : C’est l’ajustement de votre tonus musculaire, votre respiration, votre ancrage physique. Avant un entretien d’embauche, par exemple, prendre quelques secondes pour sentir vos pieds au sol et relâcher vos épaules change radicalement votre présence. Quand ce niveau dysfonctionne, on tombe dans l’hypercontrôle — cette rigidité où on retient littéralement son souffle.

Au niveau relationnel (méso) : C’est l’échange direct entre deux flux humains. Un bon enseignant qui laisse un élève chercher sa réponse sans intervenir trop vite crée une rotule de confiance. Il offre un espace où le flux de l’élève peut se déployer. À l’inverse, soit on contrôle trop (interruptions constantes), soit on se désintéresse complètement — deux façons de bloquer la circulation.

Au niveau collectif (macro) : C’est l’organisation des flux d’information et de décision dans un groupe. Une réunion avec des tours de parole clairs et des feedbacks visibles crée de la confiance systémique. Quand cette échelle dysfonctionne, on observe l’opacité — ces organisations où personne ne sait qui décide quoi, alimentant la défiance institutionnelle.

Au niveau écologique (méga): C’est le sentiment d’appartenir au mouvement global du vivant. Marcher dans une forêt et sentir que votre respiration participe à un échange avec les arbres autour de vous, que vous êtes un nœud dans un vaste réseau d’interdépendances. Sans cette connexion, on expérimente l’isolement existentiel.

La confiance authentique naît quand ces quatre échelles respirent ensemble. L’erreur la plus commune ? Vouloir “travailler sur la confiance” uniquement par l’introspection, sans ajuster les conditions extérieures — l’environnement physique, les structures relationnelles, les rythmes collectifs.

 

Les sept gestes pour créer une rotule de confiance

Plutôt qu’une théorie abstraite, voici sept gestes concrets, praticables immédiatement :

1. Créer le vide actif

Suspendez toute intention de convaincre, séduire ou plaire. Avant de parler lors d’une conversation importante, prenez deux secondes pour respirer, regarder l’autre sans attendre de réaction. Ce micro-vide désencombre l’espace relationnel.

2. S’ancrer corporellement

Ramenez votre conscience dans votre corps. Sentez le poids de vos pieds, la température de vos mains, la texture de votre respiration. En réunion, au lieu de partir dans votre tête, redressez-vous légèrement, ajustez votre voix pour qu’elle vienne du ventre plutôt que de la gorge. Votre corps envoie des signaux — assurez-vous qu’ils sont cohérents avec votre intention.

3. Co-réguler le rythme

Ajustez votre tempo — parole, gestes, silences — à celui de votre interlocuteur. Si vous êtes avec un enfant qui cherche ses mots, ralentissez, laissez-le finir sa phrase même si c’est long. Si vous êtes avec quelqu’un d’anxieux, ne remplissez pas immédiatement les silences. La synchronisation rythmique est l’une des formes les plus profondes de confiance.

4. Installer un cadre symbolique

Nommez explicitement la règle du jeu, l’intention commune. « On cherche ensemble à comprendre, pas à avoir raison » — une seule phrase comme celle-ci crée une structure invisible qui régule ensuite tous les échanges. Sans cadre explicite, chacun projette ses propres règles implicites, source de malentendus.

5. Rendre le flux transparent

Donnez de la visibilité à vos processus internes, vos décisions, vos doutes. « Je me suis peut-être trompé sur ce point, dis-moi comment tu le vois » ouvre une rotule là où le silence ou la défensive la fermerait. La transparence n’est pas de la faiblesse — c’est ce qui permet au flux de circuler plutôt que de stagner dans les non-dits.

6. Accueillir la joie subtile

Reconnaissez les micro-signes de détente, de soulagement, de mouvement juste. Un rire léger, un silence paisible après une tension, cette sensation de « quelque chose qui se remet à circuler ». Cette joie discrète est le signal corporel que la rotule fonctionne. Apprenez à la repérer, à l’accueillir sans la forcer.

7. Réouvrir régulièrement

Ne laissez jamais la confiance se figer en habitude. Posez régulièrement la question : « Où en sommes-nous ? Est-ce que tu te sens à l’aise avec ça ? » La confiance vivante est une pratique d’entretien, comme le jardinage. Elle demande une attention récurrente, non une construction définitive.

Ces gestes ne forment pas une checklist rigide. Leur enchaînement suit la respiration du flux, pas un protocole mécanique. Certains jours, vous commencerez par le cadre symbolique, d’autres par l’ancrage corporel. L’art consiste à sentir lequel est nécessaire dans l’instant.

 

Les quatre piliers du flux intégral

Pour que ces gestes tiennent dans la durée, quatre piliers structurels doivent s’aligner :

RIACP — Régulation des pulsions

C’est votre capacité à réguler la peur et l’agressivité automatiques. Au lieu de réagir impulsivement quand vous vous sentez menacé, vous apprenez à nommer : « Je sens que je me ferme, j’observe ça. » Cette simple nomination crée un espace entre le stimulus et la réponse, une micro-rotule intérieure.

ICPME — Intégration du champ multi-échelle

C’est lire les signaux à toutes les échelles simultanément. Entendre non seulement les mots de votre interlocuteur, mais aussi sa posture, son rythme respiratoire, les micro-tensions dans ses gestes, le climat émotionnel du groupe, l’ambiance de la pièce. Cette lecture multi-échelle vous permet d’ajuster finement votre action.

Posture-Flux — Équilibre tonique

C’est maintenir votre verticalité souple, parler sans crispation, garder une présence stable sans rigidité. Votre corps devient lui-même une rotule — ancré mais disponible, défini mais perméable. Les gens sentent inconsciemment si votre flux corporel est libre ou bloqué, et ils s’ajustent en conséquence.

Flux-Joie — Cohérence vécue

C’est le signe que tout s’aligne : cette joie calme, cette fluidité, cette clarté qui émerge quand les trois autres piliers fonctionnent ensemble. Après une discussion difficile, sentir que « quelque chose s’est remis à circuler ». C’est le baromètre fiable de l’écoulement réussi.

Ces quatre piliers ne s’additionnent pas comme des briques — ils s’interpénètrent comme des courants. Quand ils s’alignent, la confiance devient un phénomène naturel d’écoulement, circulant d’un corps à l’autre, d’une parole à l’autre, sans friction.

 

Trois terrains d’application concrète

 

A. Enseigner ou diriger

Si vous êtes dans une position de leadership — enseignant, manager, parent —, créer la confiance commence par votre propre posture rotulienne.

Avant l’intervention : prenez trente secondes pour respirer, sentir le champ de la pièce. Pas pour vous « préparer mentalement », mais pour vous mettre en résonance avec l’espace et les personnes qui s’y trouvent.

Pendant : ralentissez délibérément. Laissez des micro-silences. La confiance se mesure moins à la qualité de votre discours qu’à la circulation de la parole — qui parle, qui se tait, qui ose poser une question « bête ». Si c’est toujours vous qui remplissez l’espace, la rotule est obstruée.

Après : donnez explicitement la parole à ceux qui ne parlent jamais. Rendez visibles les décisions prises et les critères utilisés. « Voilà pourquoi on a choisi cette direction, et voici les questions qui restent ouvertes. » La transparence décisionnelle est une rotule collective majeure.

 

B. Collaborer ou négocier

Dans une équipe ou une négociation, trois micro-pratiques créent des rotules systémiques :

1. Dire les désaccords sans tension : « Je vois différemment ce point, est-ce qu’on peut explorer les deux perspectives ? » plutôt que taire et ruminer ou attaquer frontalement.

2. Expliciter les critères en amont : « Sur quoi allons-nous nous baser pour décider ? » Cela évite que chacun utilise ses propres critères implicites et crie ensuite à l’injustice.

3. Rendre visibles les contributions en aval : qui a fait quoi, qui a apporté quelle idée. Cette reconnaissance explicite régule le flux des contributions futures — les gens contribuent davantage quand leurs apports sont vus.

Ces pratiques peuvent sembler simples, presque évidentes. Mais comptez combien de réunions vous avez vécues où elles étaient absentes, et vous comprendrez pourquoi la défiance est si commune en contexte professionnel.

 

C. Soi-même, au quotidien

La confiance avec soi-même — cette capacité à s’écouter, à se respecter, à s’ajuster — passe par des boucles corporelles courtes et régulières :

Le matin : scanner votre corps pendant une minute. Pas pour « méditer », mais pour établir le contact avec votre propre flux. Où sont les tensions ? Où la respiration circule-t-elle librement ?

En journée : des micro-ancrages de dix secondes. Regarder l’horizon par la fenêtre, relâcher la mâchoire, sentir vos pieds. Ces réinitialisations empêchent l’accumulation tensionnelle qui mène à l’épuisement.

Le soir : réintégrer les flux. Notez (mentalement ou par écrit) ce qui s’est rouvert aujourd’hui (une conversation fluide, un moment de clarté) et ce qui s’est figé (une tension non résolue, une frustration avalée). Pas pour juger, mais pour affiner votre sensibilité aux signes du flux.

Petit à petit, votre corps apprend à reconnaître la joie traversante comme indicateur fiable d’alignement — bien plus précis que les raisonnements mentaux, toujours susceptibles de se justifier eux-mêmes.

 

Vers une écologie de la confiance

L’étape ultime est de réaliser que la confiance ne vous appartient pas.

Ce n’est pas votre propriété personnelle, ni même une qualité relationnelle entre deux individus. C’est une propriété émergente du champ vivant. Quand l’espace, le rythme, la lumière, la parole et le souffle sont accordés, la confiance apparaît spontanément — elle n’est pas un effort mais une cohérence vécue.

Exemples concrets :

L’architecture compte : Une salle de classe organisée en cercle, éclairée par la lumière naturelle, génère davantage de confiance qu’un alignement frontal sous néons. Ce n’est pas anecdotique — la configuration spatiale régule les flux attentionnels et donc relationnels.

Les rituels comptent : Une réunion commençant systématiquement par une minute de silence plutôt qu’un PowerPoint favorise la régulation collective. Ce micro-rituel crée un sas, une rotule temporelle entre l’agitation extérieure et le travail commun.

Le mouvement compte : Une promenade partagée en silence rétablit parfois plus de confiance qu’une longue conversation explicative. Le mouvement physique synchronisé régule les rythmes biologiques et émotionnels à un niveau pré-verbal.

Ces exemples montrent que la confiance n’est pas “psychologique” au sens où on l’entend habituellement. C’est une écologie du flux, où humains, gestes et milieux co-régulent la circulation de la vie. Vous ne pouvez pas décréter la confiance, mais vous pouvez créer les conditions écologiques de son émergence.

 

Principe final : la confiance comme signe d’alignement

On ne “donne” pas sa confiance comme on donnerait un objet.  
On la laisse circuler en dégageant les obstacles.

On ne la “perd” pas comme on perdrait une possession.  
On la déphase quand les rythmes se désynchronisent.

On ne la “répare” pas comme on réparerait une machine cassée.  
On réouvre la rotule en restaurant les conditions de circulation.

 

En résumé

La confiance n’est pas un état psychique fixe, mais un phénomène d’écoulement régulé entre toutes les échelles du vivant — du corps individuel aux structures collectives, de la relation interpersonnelle à l’appartenance écologique.

Créer une rotule de confiance, c’est structurer le vide entre soi et le monde pour que le flux y respire. Cette respiration — visible dans le corps (détente, verticalité souple), audible dans la parole (circulation fluide, transparence), lisible dans les structures (cadres clairs, reconnaissance visible) — est le signe concret d’un monde qui recommence à se relier.

La grande découverte ? Vous n’avez pas à “fabriquer” la confiance de toutes pièces. Vous avez à reconnaître et à entretenir les rotules — ces espaces de passage où le flux cesse de se bloquer. Chaque geste décrit ici est une façon d’ouvrir ou de maintenir ces passages.

Et la joie subtile qui accompagne leur fonctionnement ? Ce n’est pas un bonus décoratif. C’est le signal corporel fiable que vous êtes aligné avec le mouvement de la vie.​​​​​​​​​​​​​​​​

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