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L'inéluctable évanescence de l'Enseignant

Il va falloir s'y faire: l'enseignant va disparaître. De la crise des vocations, à la médiatisation grandissante des actes pédagogiques via les interfaces numériques en passant par la réduction drastique des budgets consacrés à l'éducation, la figure de l'enseignant telle qu'on le connaît aujourd'hui, tel qu'il est intériorisé, avec plus ou moins de pertinence, dans l'inconscient collectif, va poursuivre sa dissolution.

Si j'avais abordé ici un article concernant le droit, j'aurai parlé d'un faisceau convergent d'indices pointant vers la culpabilité de l'accusé. Nous  pouvons reprendre à notre compte la formule pour l'adapter à la situation du monde enseignant. Tous les indices convergent dans le même sens: les enseignants vont disparaître au sens propre comme au sens figuré.

Lorsque je suis entré dans le métier, il y a plus de quinze ans, je n'aurai jamais pensé que l'assèchement du vivier de candidats (du moins dans le domaine scientifique) serait la première cause du recul de la figure de l'enseignant. 
Compte tenu des chiffres alarmistes du nombre de candidats se présentant à la profession, il parait clair qu'à très court terme, la France, et sans doute de nombreux autres pays, ne seront plus en mesure de fournir un enseignement de masse, en particulier scientifique (même de base). Le concours exceptionnel, mis en place pour repécher des candidats, qui aura lieu prochainement, permettra sans doute de rattraper quelques volontaires mais n'amorcera pas de dynamique nouvelle. Les formations d'accès au métier risquent de se raréfier et donc les candidats  s'engageront plus difficilement et de façon plus coûteuse dans une longue formation dont les messages actuels quant à son issue ne sont pas très clairs. La France peine à choisir entre un modèle historique basé sur les disciplines universitaires et la nécessité impérieuse de former des ingénieurs d'enseignement pouvant s'adapter à des situations très diverses et y faire face.

Un malheur n'arrivant jamais seul, la montée en puissance des outils numériques travaille aussi dans le sens du rétrécissement de la dimension enseignante en éloignant le professeur de la mythique position frontale (ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose), pour le renvoyer au statut moins prestigieux d'accompagnant, d'organisateur, de médiateur numérique. La figure fantasmée de l'enseignant, agrégé de savoirs, fait nécessairement place à celle de l'enseignant interfacé par l'usage numérique. 

Les nouveaux entrants dans le métier ont certainement bien perçus,  même si l'image reste floue, l'importance de cette avancée numérique, qui de facto, fait faire un pas en arrière à l'enseignant archétypal. Je ne suis pas dans l'esprit du nouvel entrant dans le métier, mais j'imagine que l'augmentation de la complexité de la tâche enseignante, qui ne coïncide pas vraiment avec une amélioration des tâches de gestion de classe ni de positionnement, ne va pas non plus dans le sens d'un engouement vers le métier, dans un système qui favorise sans favoriser concrètement l'utilisation des outils numériques, qui intègre tout en sélectionnant les élèves, et qui peine à reconnaître la nouvelle figure de l'enseignant comme un ingénieur pédagogique, didactique, communiquant et utilisant avec fluidité les outils numériques. 

Nous nous trouvons donc dans l'étrange situation d'un modèle historique qui ne veut pas mourir avec l'apparition d'un nouvel environnement mais malheureusement sans guère de candidats pour défricher le nouveau terrain de jeux.

Alors pour revenir au titre, l'évanescence de la figure actuelle de l'enseignant me parait inéluctable. Elle se fera au rythme des résistances corporatistes et à celui de l'avancée foudroyante des technologies numériques. 

Le renouveau, tant attendu de l'école, et plus généralement de l'enseignement ne pourra se faire, de mon point de vue, que lorsque renaîtra des cendres du système, une nouvelle figure archétypale, celle  de l'enseignant-ingénieur, ou ingénieur d'enseignement.

Commentaires

  • Ce serait bien dommage, mais est-ce vraiment possible? Ce que je veux dire, c'est que si le nombre d'enseignants décroit, est-ce vraiment vers 0?
    Les technologies numériques n'ont pas encore la capacité de remplacer de vrais professeurs en chair et en os, de comprendre les lacunes des élèves pour les faire avancer dans la bonne direction, au lieu de lui répéter constamment la même chose. J'imagine déjà des scènes explosives entre élève et ordinateur, le premier s'énervant contre le dernier qui se borne à lui répéter la même chose d'un ton monocorde... "vous n'avez pas compris, vous n'avez pas compris, vous n'avez pas compris, vous n'avezripgyqi...."
    De façon égoïste, j'espère finir mes études avant que cela n'arrive!

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