Le symbolisme et le décor géométrique
Une porte de sépulcre, décorée de motifs sculptés, provenant de Kefer Yosef ( Palestine ) et actuellement au Louvre, permet de réaliser l'importance du « symbolisme » dans l'art de l'Ancien Orient. Ce symbolisme, qui apparaît ici dans l'art judaïque, passe ensuite dans l'iconographie chrétienne.
Nous allons tenter de donner une interprétation du décor de cette porte. Au milieu du panneau, une bande verticale, composée de six motifs et terminée par des plaques triangulaires, suggère une ceinture (symbole de fécondité), à moins qu'il ne s'agisse d'instruments cultuels comme des patères à ombilic (?). Cette bande sépare les deux séries de motifs sculptés.
A droite, trois éléments sont superposés. En haut : la rosace. On la trouve aussi sur un monument de Phénicie, de basse époque (100), où elle est associée à Apollon, tandis que l'Artémis lunaire est accompagnée de l'hélice. Sur ce monument, Apollon et Artémis forment un couple. Sur notre porte de sépulcre, l'hélice figure en bas du panneau droit. Au centre, les « carrés magiques », imbriqués l'un dans l'autre, semblent représenter l'union des deux « régulateurs » du temps et de la vie terrestre.
A gauche, c'est la vie religieuse. Trois éléments sont superposés. En haut, le « chandelier à sept branches », qui faisait partie du mobilier religieux du temple de Jérusalem. Il est associé à la niche renfermant le Livre de la Loi, représentée en bas. Une niche toute semblable, avec le toit en forme de coquille soutenu par deux colonnes, a été retrouvée telle quelle dans la synagogue de Doura-Europos.
Cet élément architectural religieux a servi de prototype au mihrab des mosquées. La boîte renfermant le Livre se trouve représentée par un carré ayant un disque au centre, symboles qui renferment l'idée du ciel et de la terre. L'élément qui est au milieu 4e ce panneau de gauche est un motif floral géométrique. Il symbolise le cycle, sous l'aspect d'une roue dont la jante est constituée par six segments de cercle. Ce n'est pas une fleur, mais un symbole qui indique la révolution du temps. Mais il y a plus encore que cette indication de la révolution du temps, qui est déjà suggérée dans la partie de droite par les deux régulateurs du temps : le soleil et la lune. Sous cette fleur à six pétales se cache la notion de durée, d'infini, d'éternité et d'universalité, symbolisée en réalité par le cercle. Dès la haute époque, le cercle avait servi à indiquer le total, le nombre parfait. Le cercle ayant été divisé en 360° était décomposé en six segments de cercle de 60°. Les Babyloniens ont donc déterminé les mesures de temps, par un cercle, et son nom « shar » a signifié : l'univers, le cosmos. Du cercle, déformé ensuite dans l'écriture, et qui servait à noter un nombre, la spéculation religieuse babylonienne avait tiré la notion du temps infini et d'universalité qui s'est transmise dans l'antiquité, et que l'on retrouve à l'époque grecque sous le signe du « serpent qui se mord la queue ».
L'iconographie chrétienne a adopté aussi le motif du cercle pour l'idée de l'éternel. C'est par trois cercles soudés « Pater, Filius et Spiritus Sanctus » qu'elle symbolise la Trinité sainte.
Extrait de "Arts et styles du Moyen-Orient ancien" par Marguerite Rutten