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Les métamorphoses du vampire

La femme cependant, de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc :
- " Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d'un lit antique l'antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !
Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,
Les anges impuissants se damneraient pour moi ! "
Quand elle eut de mes os sucé la moelle,
Et que languissement je me tournai vers elle
Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne vis plus
Qu'un outre aux flants gluants, toute pleine de pus !
Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante,
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
A mes cotés, au lieu du mannequin puissant
Qui semblait avoir fait provision de sang,
Tremblait confusément des débris de squelette,
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer,
Que balance le vent pendant les nuits d'hiver.

Poème interdit par le réquisitoire d'un certain Ernest Pinard en 1857 pour outrage à la morale publique et religieuse, il est réhabilité 92 ans après, le 31 mai 1949 par la cour de cassassion moins d'un an après l'interdiction de J'irai cracher sur vos tombes de Boris Vian...
Pinard avait tenté en vain d'interdire Madame Bovary. Flaubert envoya à l'auteur une lettre dans laquelle était écrit : " Ceci est du nouveau : poursuivre un livre de vers ! Jusqu'à présent la magistrature laissait la poésie fort tranquille. Je suis grandement indigné."

Commentaires

  • Qui a écrit ce magnifique poème ?
    Pinard sans pinard c'était alors possible !
    Mais je ne le trouve dans aucun de mes vieux dictionnaires,à part pinard qui garde la même réputation sur plus d'un siècle.
    Malheureux petit homme, il possède tristement, en plus de la relève. Cela m'assomme.

  • Pinard était le procureur qui a fait interdire 6 poèmes des fleurs du mal de Beaudelaire dont Les métamorphoses du vampire.

  • Tu en proposes un autre ? Ou d'autres. Sont-ils à nouveau édités et dans quelle collection alors. Et si pas quel était l'éditeur, et aussi...l'année.
    Connaîs-tu " Carmilla " de Sheridan Le Fanu ? N° 206 chez Babel, il date de 1871, soit 26 ans avant Dracula.
    Bram Stoker a écrit la " Dame au linceul ", plus fort ( pas difficile ) que son Dracula.
    Mais ce ne sont pas des poèmes, encore que la lecture est très belle

  • J'ai entre les mains un livre aux édtitions complexe
    Charles Baudelaire
    Poèmes interdits
    Illustrations de Gabriel Lefebvre ( belles aquarelles )
    Préface de Philippe Solers.

    Il y a 6 poèmes :

    Les Bijoux
    Lesbos
    Le Léthé
    A celle qui est trop gaie
    Femmes damnées
    Les métamorphoses du vampire.

    En ce qui concerne ma culture littéraire, celle-ci est très faible, mais je prends note.

    Lesbos

    Mère des jeux latins et des voluptés grecques,
    Lesbos, où les baisers, languissants ou joyeux,
    Chauds comme les soleils, frais comme les pastèques,
    Font l'ornement des nuits et des jours glorieux,
    Mère des jeux latins et des voluptés grecques,

    Lesbos, où les baisers sont comme les cascades
    Qui se jettent sans peur dans les gouffres sans fonds
    Et courent , sanglotant et gloussant par saccades,
    Orageux et secrets, fourmillants et profonds ;
    Lesbos, où les baisers sont comme les cascades !

    Lesbos, où les Phrynés l'une l'autre s'attirent,
    Où jamais un soupir ne resta sans écho,
    A l'égal de Paphos les étoiles t'admirent,
    Et Vénus à bon droit peut jalouser Sapho !
    Lesbos, où les Phrynés l'une l'autre s'attirent,

    Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,
    Qui font qu'à leurs miroirs, stérile volupté !
    Les filles aux yeux creux, de leur corps amoureuses,
    Caressent les fruits mûrs de leur nubilité ;
    Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,

    Laisse du vieux Platon se froncer l'oeil austère ;
    Tu tires ton pardon de l'excès des baisers,
    Reine du doux empire, aimable et noble terre,
    Et des raffinements toujours inépuisés.
    Laisse du vieux Platon se froncer l'oeil austère.

    Tu tires ton pardon de l'éternel martyre,
    Infligé sans relâche aux coeurs ambitieux,
    Qu'attire loin de nous le radieux sourire
    Entrevu vaguement au bord des autres cieux !
    Tu tires ton pardon de l'éternel martyre !

    Qui des Dieux osera, Lesbos, être ton juge
    Et condamner ton front pâli dans les travaux,
    Si ses balances d'or n'ont pesé le déluge
    De larmes qu'à la mer ont versé tes ruisseaux ?
    Qui des Dieux osera, Lesbos, être ton juge ?

    Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste ?
    Vierges au coeur sublime, honneur de l'Archipel,
    Votre religion comme une autre est auguste,
    Et l'amour se rira de l'Enfer et du Ciel !
    Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste ?

    Car Lesbos entre tous m'a choisi sur la terre
    Pour chanter le secret de ses vierges en fleurs,
    Et je fus dès l'enfance admis au noir mystère
    Des rires effrénés mêlés aux sombres pleurs ;
    Car Lesbos entre tous m'a choisi sur la terre.

    Et depuis lors je veille au sommet de Leucate,
    Comme une sentinelle à l'oeil perçant et sûr,
    Qui guette nuit et jour brick, tartane ou frégate,
    Dont les formes au loin frissonnent dans l'azur ;
    Et depuis lors je veille au sommet de Leucate,

    Pour savoir si la mer est indulgente et bonne,
    Et parmi les sanglots dont le roc retentit
    Un soir ramènera vers Lesbos, qui pardonne,
    Le cadavre adoré de Sapho qui partit
    Pour savoir si la mer est indulgente et bonne !

    De la mâle Sapho, l'amante et le poète,
    Plus belle que Vénus par ses mornes pâleurs !
    - L'oeil d'azur est vaincu par l'oeil noir que tachète
    Le cercle ténébreux tracé par les douleurs
    De la mâle Sapho, l'amante et le poète !

    - Plus belle que Vénus se dressant sur le monde
    Et versant les trésors de sa sérénité
    Et le rayonnement de sa jeunesse blonde
    Sur le vieil Océan de sa fille enchanté ;
    Plus belle que Vénus se dressant sur le monde !

    - De Sapho qui mourut le jour de son blasphème,
    Quand, insultant le rite et le culte inventé,
    Elle fit son beau corps la pâture suprême
    D'un brutal dont l'orgueil punit l'impiété
    De celle qui mourut le jour de son blasphème.

    Et c'est depuis ce temps que Lesbos se lamente,
    Et, malgré les honneurs que lui rend l'univers,
    S'enivre chaque nuit du cri de la tourmente
    Que poussent vers les cieux ses rivages déserts.
    Et c'est depuis ce temps que Lesbos se lamente !

  • J'avais dit : je lis ou j'écris...ai basculé relu Lesbos. Donc, je ne peux écrire, envie de lire et ton blog me bouscule la tête et cela ne m'ennuie pas. Bon, même si tu n'apprécies pas je me reconnaîs tellement dedans. Voilà !
    A tes souhaits professeur.

  • J'ai trouvé ce poème très beau et métaphorphoses du vampire fait apparaitre à merveille l'ambivalence de Beaudelaire.

  • Il avait écrit : L'irrémédiable.

    Tête à tête sombre et limpide
    Qu'un cœur devenu son miroir !
    Puits de vérité clair et noir
    Ou tremble une étoile livide.

    Un phare ironique, infernal,
    Flambeau des grâces sataniques
    Soulagement et gloires uniques,
    La conscience dans le Mal !

    Et je me dis que lire riche, c'est déjà se sentir riche de privilèges.

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