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Au pays de Lam -II-

Là-bas chacun se connaissait sans s'être jamais rencontré. C'était comme cela. Les habitants de Lam lisaient dans les pensées des autres, la vie était simple mais pas toujours facile, quelques fois même assez rude mais cela ne durait guère. Il n'y avait pas de chef et le pays s'administrait sans difficulté particulière, avec du bon sens. Les gens étaient différents, avaient plus ou moins d'affinités. Ils se rassemblaient instantanément pour partager leurs différences. Le travail et les richesses se répartissaient globalement bien car chacun partageait la souffrance de l'autre et la comprenait. Les pensées négatives étaient lisibles. Elles s'éteignaient rapidement d'elles mêmes, plus par peur de la moquerie que par une morale rigide. Les gens n'enviaient pas les autres car la facilité de communication comblait souvent leurs souffrances et pour le reste, ils comprenaient et acceptaient le lot de malheurs imprévisibles. Cependant l'injustice la plus mal acceptée était celle de l'inégalité de la longueur de la vie et la maladie. Lorsque les habitants de Lam commencèrent à organiser leur société : certains dont les talents de chercheurs ne faisaient pas de doute furent attachés à la recherche scientifique. Ils firent de rapides progrès. Les médecins et les chirurgiens étaient très appréciés. Lorsqu'ils se croisaient, les gens se demandaient s'ils étaient heureux et si l'organisation de la société leur convenait. Tous répondaient par l'affirmative car un grand bien en provenait.

Des années passèrent et un jour un vieil ermite descendit de la colline, personne ne l'avait jamais interrogé. Dès son arrivée dans la ville, il exprima ce qu'il pensait et expliqua que selon lui, il y avait plus d'égalité à ce que la durée de vie de chacun soit fixée par le destin que par les médecins et que, de vouloir vivre le plus longtemps possible, naîtrait plus d'inégalité que d'égalité. Personne n'était d'accord avec lui. Chaque habitant de Lam ne comprenait pas pourquoi de plus de justice naîtrait plus d'injustice... Le sujet alimenta bientôt toutes les conversations, on ne parlait plus que de cela, jamais polémique n'avait été plus vive au pays de Lam. Il était de plus inacceptable qu'une action collective engagée au départ pour le bien de tous, puisse se poursuivre sans l'unanimité de toute la population. S'il y avait un doute sur l'opportunité de la recherche médicale, il faudrait la stopper tout de suite. Impossible répondait la majorité, ce ne sont pas les pensées farfelues de ce vieil illuminé qui vont modifier ce fabuleux projet d'accroissement de la durée de la vie.
Las, le vieil ermite retourna méditer dans sa montagne, fatigué que la population n'entende rien à son point de vue. L'ambiance générale se dégrada vite car les gens ne parvenaient plus à résoudre les conflits: pourquoi poursuivre une action collective qui ne fait pas l'unanimité? Fallait-il tuer le vieil homme? Fallait-il continuer le projet sans le consentement du vieil homme ou bien le stopper alors qu'il convenait à la population entière sauf au vieil homme? L'idée du bien collectif l'emporta petit à petit, par facilité, par moindre résistance. Mais au fur et à mesure que le temps passait, les habitants constatèrent qu'ils se comprenaient de moins en moins, malgré leur proximité, ils communiquaient beaucoup moins bien qu'avant. Certains tentèrent même de cacher leurs pensées pour ne pas avoir à justifier leurs positions. Une poignée d'entre eux eut l'idée d'aller rechercher le vieil homme dans la montagne. Mais celui-ci resta introuvable, mort peut-être, parti, nul ne l'a jamais su... Ils revinrent bredouilles mais anoncèrent à leur arrivée qu'ils avaient réussi à convertir le vieil homme à l'opinion générale. La majorité fut rassurée mais les choses ne s'organisaient pas aussi bien qu'auparavant. Quelques jours après, les habitants de Lam ne lisaient plus dans les pensées des autres.

Je m'en souviens comme si c'était hier, je ne sais pourquoi ni comment...

 

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