Artur Avila, lauréat de la médaille Fields 2014 (13 août 2014)

La plus prestigieuse distinction mondiale en mathématiques, la médaille Fields, est aujourd'hui décernée à Artur Avila, directeur de recherche CNRS à l'Institut de mathématiques de Jussieu-Paris Rive Gauche (CNRS/Université Paris Diderot/UPMC), à l'occasion du congrès international des mathématiciens qui se déroule cette année à Séoul (Corée du Sud). Ses recherches s'articulent principalement autour des systèmes dynamiques et de l'analyse. Ce mathématicien franco-brésilien de 35 ans qui travaille également à l'Institut de mathématiques pures et appliquées de Rio de Janeiro (Brésil), est récompensé pour ses avancées significatives dans ces domaines. Trois autres mathématiciens, dont pour la première fois une femme, sont également distingués cette année : l'Autrichien Martin Hairer, le Canado-Américain Manjul Bhargava et l'Iranienne Maryam Mirzakhani. Ce palmarès 2014 conforte le deuxième rang mondial de la France en matière de recherche mathématique.

Le congrès international des mathématiciens réunit tous les quatre ans près de 3 000 mathématiciens du monde entier. Il se déroule cette année à Séoul en Corée du Sud, du 13 au 21 août. A l'occasion de la cérémonie d'ouverture de cet événement scientifique, quatre médailles Fields récompensent des mathématiciens brillants de moins de 40 ans (chacun recevant une dotation financière de 10 000 euros). Parmi les quatre lauréats 2014, figure un chercheur au CNRS de 35 ans : Artur Avila de l'Institut de mathématiques de Jussieu-Paris Rive Gauche.

Né le 29 juin 1979 à Rio de Janeiro (Brésil), ce Franco-brésilien a le déclic pour les mathématiques grâce aux Olympiades internationales de mathématiques à Toronto (1995) où il obtient la médaille d'or à l'âge de 16 ans. Son parcours est ensuite impressionnant : tout en terminant le lycée, il est étudiant à l'Institut de mathématiques pures et appliquées (IMPA) de Rio de Janeiro, où il commence une thèse en dynamique unidimensionnelle à 19 ans, sous la direction de Welington de Melo. Il séjourne alors de temps en temps aux Etats-Unis avec Mikhail Lyubich, ce qui marque le début d'une longue collaboration et non moins longue amitié. Trois ans plus tard, en 2001, il rejoint le Collège de France pour un post-doctorat avec Jean-Christophe Yoccoz. De cette rencontre naît une grande complicité mathématique. Recruté au CNRS en 2003, il entre au Laboratoire de probabilités et modèles aléatoires (CNRS/Université Paris Diderot/UPMC), avant d'obtenir en 2006 une bourse de trois ans au Clay Mathematics Institute, qui lui offre la liberté de travailler dans n'importe quel laboratoire au monde. Il choisit alors de revenir à l'IMPA, au sein de l'unité mixte internationale CNRS - IMPA. En 2008, à seulement 29 ans, il devient le plus jeune directeur de recherche au CNRS et intègre l'Institut de mathématiques de Jussieu-Paris Rive Gauche. Aujourd'hui, il partage toujours son temps entre Paris et Rio, deux villes où il retrouve avec plaisir ses collaborateurs et étudiants.

Cet esprit curieux est l'auteur de plus d'une cinquantaine de publications scientifiques. Il s'intéresse aux systèmes dynamiques, c'est-à-dire ceux qui évoluent avec le temps. Sa spécialité : déterminer la probabilité qu'un système évolue vers tel comportement ou tel autre. Après avoir étudié des transformations d'un intervalle réel1 durant sa thèse, il considère la dynamique des applications du plan complexe, un aspect relié à certains objets fractals comme l'ensemble de Mandelbrot. S'intéressant aux systèmes analytiques « unimodales » dont le comportement est non-régulier, Artur Avila a notamment réussi à démontrer, avec Mikhail Lyubich, Welington de Melo et Carlos Gustavo Moreira, que leur dynamique est très chaotique et semble se comporter comme un objet aléatoire.  

Autre piste d'investigation : les opérateurs de Schrödinger unidimensionnels associés à un système dynamique (ils décrivent mathématiquement certains systèmes quantiques simples régis en physique par l'équation de Schrödinger). Plus précisément, le lauréat 2014 de la médaille Fields s'est passionné pour l'opérateur presque-Mathieu. Cet exemple d'opérateur de Schrödinger décrit l'évolution d'un électron dans un champ magnétique particulier. Artur Avila a ainsi résolu, avec notamment Raphaël Krikorian, Svetlana Jitomirskaya et David Damanik, trois problèmes concernant cet opérateur spécifique parmi la liste dressée par Barry Simon en 2000 des quinze problèmes liés aux opérateurs de Schrödinger non résolus du 21e siècle.

Les échanges d'intervalles l'intéressent également depuis 2003. Si on remplace l'intervalle par des cartes à jouer, cette problématique étudie l'ordre résultant de la manière dont on coupe les cartes. Artur Avila est parvenu à prouver avec Giovanni Forni que lorsqu'on coupe l'intervalle en plusieurs morceaux de façon non cyclique (de façon aléatoire en quelque sorte), l'échange d'intervalle est presque sûrement « faiblement mélangeant ». Allant plus loin, il a aussi étudié une transformation agissant sur un ensemble d'objets mathématiques liés à ces échanges d'intervalles, le flot de Teichmuller. Avec Jean-Christophe Yoccoz et Sébastien Gouzel, il a démontré que ce flot est très chaotique.

Artur Avila a reçu de nombreuses autres distinctions prestigieuses, notamment la médaille de bronze du CNRS et le prix Salem en 2006, le prix de la Société européenne de mathématiques en 2008 et un an plus tard, le grand prix de l'Académie des Sciences Jacques Herbrand décerné tous les deux ans à de jeunes mathématiciens talentueux de moins de 35 ans.

Cette distinction porte à 12 le nombre de lauréats français sur les 56 médailles Fields décernées depuis 1936. Elle confirme le succès et l'attractivité des mathématiques françaises au niveau international, la France conservant sa place de deuxième rang mondial en nombre de médailles, derrière les Etats-Unis (13) et devant l'URSS et la Russie (9).

Artur Avila

© CNRS Photothèque / Sébastien RUAT

 

Artur Avila

© CNRS Photothèque / Sébastien RUAT

 
Pour en savoir plus
-    Artur Avila, médaille Fields 2014

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